Lettre au Pape François « en vue du Synode sur la synodalite, une contribution de notre retour de mission »

Disputatio

P. Luc Lalire (Uruguay) et P. Claude Faivre-Duboz (Argentine)

En 2022, quatre-vingt-dix-neuf prêtres et religieux français, anciens « Fidei Donum » en Amérique Latine ont pris l’initiative d’écrire une lettre au Pape François pour appuyer l’initiative du Synode sur la synodalité. Ils soulignent combien cette expérience est en syntonie avec le Concile Vatican II et les options des différentes conférences du CELAM (Conférence Épiscopale Latino-Américaine).

Des anciens « Fidei donum » en Amérique Latine,

Cher pape François,

D’origine française, nous sommes un groupe de prêtres, religieux(ses), laïcs(ques), dont la plupart ont vécu des années, voire des décennies, l’expérience conciliaire de l’Église latino- américaine grâce à Fidei donum.

Nous souhaitons vous apporter notre soutien et vous dire combien nous apprécions la clairvoyance et l’humanité avec lesquelles vous conduisez l’Église dans la lignée du Concile Vatican II dont le pape Jean XXIII a voulu résumer l’esprit dans les paroles de Jésus : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu ».

Nous reconnaissons dans votre être et agir comme évêque de Rome, les traits d’une Église conciliaire latino-américaine qui nous a séduits et au service de laquelle nous avons travaillé avec joie et enthousiasme. Nous avons conscience d’avoir trouvé le sens de notre vie dans cette Église-là de la même manière que Philippe déclarait à Nathanaël avoir trouvé en Jésus de Nazareth celui dont avaient parlé Moïse et les prophètes. (Jn 1, 43)

Nous souhaitons également vous dire notre ardent désir que la mise en pratique du concile par l’Église latino-américaine puisse contribuer davantage au dynamisme des Églises d’ici.

Les réunions continentales de Medellin, de Puebla, de Saint-Domingue et d’Aparecida qui, avec les documents correspondants, constituent un véritable trésor de l’Église latino-américaine, reflètent la mise en œuvre d’un processus permettant d’approfondir la révélation biblique et de renouveler les pratiques ecclésiales à l’aune des réalités humaines concrètes vécues en Amérique latine.

Nous avons été témoins que les orientations de ces Conférences ont eu un écho depuis les assemblées nationales ou régionales jusqu’aux plus petites communautés rurales ou périphériques et dans les congrégations masculines et féminines. Ce va-et-vient entre les orientations des Conférences générales et la vie des Églises locales témoignait du processus et de l’esprit synodal déjà à l’œuvre à tous les niveaux.

Ceux et celles qui étaient jusque-là considérés comme n’ayant rien à dire dans l’Église et rien à faire dans la société, sinon travailler et obéir, ont osé s’exprimer, transmettant ainsi un savoir, une manière d’être et de vivre la foi au Christ que bien peu connaissaient.

Bien sûr, cette démarche n’a pas été unanimement reçue. Des incompréhensions, de vives résistances même, se sont manifestées et se manifestent encore, en raison des craintes liées à une perte de pouvoir des clercs ou à un questionnement social et politique que les laïcs présents dans tous ces conseils faisaient émerger. Beaucoup d’hommes et de femmes engagés dans ce processus ont subi toutes sortes de pressions et persécutions. Certains ont perdu la vie ; quelques-uns, depuis, sont reconnus comme martyrs de la foi. Reste que cette dynamique a permis de modifier les manières d’être chrétien dans un continent déchiré par les injustices, les dictatures et les racismes, les structures de péché, comme le disait St Jean Paul II.

À la veille de l’assemblée synodale que vous avez convoquée, nous souhaitions vous partager notre humble expérience. Nous sommes convaincus que faire advenir le Royaume de Dieu, contribuer à la reconnaissance de l’égale dignité de toute personne et mettre en pratique l’option pour les pauvres, constituent les fondements du savoir-être et agir dont nous avons été, comme vous, les témoins et, à notre mesure, les artisans, en Amérique latine. Ce socle peut, selon nous, donner du souffle à des Églises gagnées par une réelle inquiétude pour l’avenir, mais dont les forces vitales n’ont peut-être pas encore été éveillées, par préjugés ou manque de repères.

Nous vous présentons, cher pape François, tous nos vœux pour ce Synode auquel nous avons le désir de contribuer au moins par cette réflexion partagée.