Corée du Sud

Corée du Sud : la société et l’Église face au vieillissement, la solitude et la crise démographique

Des religieuses catholiques sud-coréennes visitent une femme âgée, en mai 2021 à Séoul. Des religieuses catholiques sud-coréennes visitent une femme âgée, en mai 2021 à Séoul. © Catholic Times of Korea
Lecture 5 min

Le mois dernier, la Corée du Sud est devenue officiellement une société « super-âgée » selon la classification des Nations unies. D’après l’Onu, une « société vieillissante » est une société où les personnes âgées représentent plus de 7 % de la population, une « société âgée » plus de 14 % et une « société super-âgée » plus de 20 %. Or, le ministère de l’Intérieur sud-coréen a annoncé le 23 décembre que le nombre de Sud-Coréens de plus de 65 ans s’élève désormais à 10,24 millions, soit plus de 20 % de la population totale.

En faisant cette annonce fin décembre, le gouvernement a précisé qu’il présenterait dans un futur proche un plan spécial alors que le pays est confronté à un double défi – réduire le fossé générationnel grandissant dû au vieillissement, et mettre en place des mesures intégrées afin de freiner le déclin démographique, tout en prenant soin des plus âgés.

Face à cette situation, le père Stefanus Na Jong-jin, responsable de la pastorale des personnes âgées de l’archidiocèse de Séoul, exprime son inquiétude face au nombre grandissant de personnes âgées isolées et marginalisées en Corée du Sud. « Le vieillissement de la population s’accélère conjointement avec le déclin des naissances », rappelle-t-il.

Le taux de fécondité, c’est-à-dire le nombre de naissances par femme, est de seulement 0,74 en Corée du Sud, soit le plus faible au monde. Un tel chiffre met en lumière l’ampleur de la crise démographique, avec des taux largement en-dessous du niveau de 2,1 requis afin de maintenir une population stable (par comparaison, le taux de fécondité s’établit à 1,62 enfant par femme en France en 2024).

Selon une enquête coréenne menée auprès d’un échantillon de 1 000 personnes et intitulée Public Opinion in 2024, seuls 50 % des répondants de moins de 30 ans pensent qu’ils devraient avoir des enfants. Parmi les répondants à l’enquête, 61 % (610 personnes) ont expliqué que les difficultés financières liées à l’éducation des enfants les dissuadent de devenir parents. Par ailleurs, 56 % (560) ont déclaré que le fait d’avoir des enfants les empêchait d’être heureux dans la société.

Hausse des décès solitaires en Corée du Sud

Parmi les multiples problèmes qui affectent les personnes âgées en Corée du Sud se trouvent notamment la solitude et la marginalisation. « Les institutions sociales et la conscience civique ne se sont pas adaptées au vieillissement et au déclin des naissances, donc on devrait assister à des conflits générationnels. La marginalisation des plus âgés risque de s’aggraver à l’avenir », averti le père Na.

Selon les derniers chiffres du ministère de la Santé et du Bien-être, la Corée du Sud a enregistré respectivement 3 559 et 3 661 cas de décès solitaires en 2022 et 2023, selon The Korea Herald. Ce qui représente respectivement 1,04 % et 0,95 % de la totalité des décès enregistrés durant les deux périodes correspondantes. Par catégorie d’âge, les personnes âgées entre 60 et 70 ans sont les plus concernées par ce phénomène (1 110 décès sur 3559 en 2022, soit 31 % ; et 1 146 décès sur 3661 en 2023, soit 31,3 %). Le nombre de décès solitaires a augmenté de manière constante, de 2 949 cas en 2019 à 3 279 en 2020 et 3 378 en 2021.

La majorité des personnes qui sont mortes seules chez elles ont été retrouvées par les propriétaires de leur domicile, par des gardiens d’immeuble ou par des agents de sécurité, a indiqué le ministère de la Santé, en ajoutant que des facteurs comme l’augmentation des foyers unipersonnels a contribué à cette situation. Selon les chiffres du gouvernement, le nombre de foyers unipersonnels dans le pays est passé de 7,17 millions en 2021, à 7,5 millions en 2022 et 7,83 millions en 2023, selon The Korea Herald.

L’euthanasie, « un cas silencieux d’atteindre à la dignité humaine »

Les problèmes de la solitude et des décès solitaires sont également aggravés par la question de l’euthanasie ou suicide assisté, de plus en plus acceptée par l’opinion publique sud-coréenne. Sur les 1 000 personnes interrogées par la société coréenne Public Opinion, une immense majorité (84 % soit 840 personnes) estiment qu’il faut introduire l’euthanasie dans le pays. Elle a déjà été légalisée en Australie, en Nouvelle Zélande, en Espagne, en Autriche, en Belgique et en Suisse.

Quelle que soit le niveau d’acceptation de l’euthanasie à travers le monde, l’Église catholique l’a toujours condamnée catégoriquement. Le dicastère pour la Doctrine de la foi, dans sa déclaration Dignitas Infinita sur la dignité humaine, a dénoncé la pratique de l’euthanasie en la désignant comme « un cas particulier d’atteinte à la dignité humaine, plus silencieux mais qui gagne beaucoup de terrain ». « Aider la personne suicidaire à mettre fin à ses jours est une atteinte objective à la dignité de la personne qui le demande, même s’il s’agit de réaliser son souhait », souligne le dicastère.

Face à de tels défis, l’Église catholique « doit suivre la voie indiquée par le pape François en prenant particulièrement soin des personnes âgées », insiste le père Stefanus Na Jong-jin. Sous la direction du pape François, l’Église catholique a été à l’avant-garde des différentes initiatives lancées au service des plus âgés, afin qu’ils se sentent plus accueillis dans l’Église et dans la société. En 2021, le pape a ainsi établi la Journée mondiale pour les grands-parents et les personnes âgées, fêtée le 4e dimanche de juillet. Le thème de cette journée en 2024 était « Ne me rejette pas maintenant que j’ai vieilli » (Ps 71,9).

Pour le père Na, l’Église doit « développer et appliquer des programmes intégrés destinés à relier toutes les générations entre elles, des plus petits aux plus âgés, dans l’objectif pastoral d’une plus grande unité intergénérationnelle ».

(Avec Ucanews)