Inde-Pakistan : « Nous sommes frères parce que nous sommes les enfants d’une seule mère »

Le 23/05/2025
Cette semaine, face à l’escalade des tensions entre l’Inde et le Pakistan depuis le 22 avril au Cachemire, le cardinal indien Oswald Gracias (80 ans, Mumbai) et le cardinal pakistanais Joseph Coutts (79 ans, Karachi) ont tous deux pris la parole pour appeler à la paix dans la région, en rappelant que les deux nations sont sœurs. « Nous avons la même culture, les mêmes traditions », rappelle le cardinal Gracias. De son côté, le cardinal Coutts signale que « nous sommes les enfants d’une seule mère, comme le disait Mahatma Gandhi ».
Cette semaine, le cardinal Oswald Gracias, archevêque émérite de Mumbai, âgé de 80 ans, ancien président de la Conférence épiscopale indienne et de la Fédération des conférences épiscopales d’Asie, a appelé à signer un accord total et définitif pour une paix durable après le conflit qui a opposé les deux pays ces dernières semaines.
Le Pakistan et l’Inde partagent « un héritage commun » et doivent mettre fin aux « anciennes animosités », a demandé le cardinal indien. « C’est un appel sincère à la paix au Cachemire. Un tel accord serait important non seulement pour l’Inde et le Pakistan, mais aussi pour la paix dans le monde entier », a-t-il ajouté depuis la capitale de l’État du Maharashtra, dans l’ouest de l’Inde.
Les deux pays ont signé un accord de cessez-le-feu le 10 mai après quatre jours d’attaques et de représailles. Le conflit a été provoqué par une attaque terroriste dans la région disputée du Cachemire, le 22 avril, qui a causé la mort de 28 civils, en majorité des touristes indiens. New Delhi a accusé Islamabad d’avoir protégé des groupes terroristes et d’avoir orchestré l’attaque, ce que le Pakistan a nié. Le conflit qui a suivi entre les deux rivaux, tous deux détenant l’arme nucléaire, a causé au moins 70 morts.

Cardinal Gracias : « Le Pakistan et l’Inde partagent un héritage commun »
Le Cachemire, majoritairement musulman, a intégré l’Inde à la suite de l’accord entre son maharaja hindou et le gouvernement indien, après la partition britannique de l’Inde et du Pakistan en 1947. Les deux pays revendiquent le territoire du Cachemire dans sa totalité, et ont déjà combattu deux guerres dans la région. Celle-ci est aujourd’hui divisée entre les territoires administrés par l’Inde et par le Pakistan, séparés par ce qui est appelé la Ligne de Contrôle.
Le pape Léon XIV a salué le cessez-le-feu du 11 mai en espérant qu’il conduise bientôt à « un accord durable ». Le cardinal Gracias a partagé cet appel en soulignant : « Le temps est venu pour la paix. » Il a rappelé que le Pakistan et l’Inde partagent un héritage commun. « Nous sommes frères – nous avons la même culture, les mêmes traditions, les mêmes pensées, les mêmes sentiments. Raison de plus pour s’asseoir face à face et tenter de dénouer, par le dialogue, le nœud qui s’est formé dans la région du Cachemire, qui nous a causé tant de souffrances depuis l’époque de l’indépendance. »
Il a aussi lancé un avertissement sur les conséquences d’un conflit prolongé entre les deux puissances nucléaires, en disant qu’une telle guerre aurait des effets dévastateurs sur le monde entier. Le cardinal Gracias a donc invité la communauté internationale à organiser des médiations et « des efforts diplomatiques urgents, qui soient perçus comme neutres par les deux parties ». « Aujourd’hui, les dirigeants ont le devoir d’abandonner tout nationalisme religieux et de défendre la paix avec réalisme. C’est notre espérance. »
Le cardinal Coutts appelle à « désamorcer la haine et désarmer les cœurs »
De son côté, le cardinal Joseph Coutts a également pris la parole en appelant à prier pour la paix entre les deux pays. Il a lui aussi évoqué les racines communes de l’Inde et du Pakistan. « Nous sommes frères parce que nous sommes les enfants d’une seule mère, comme le disait le Mahatma Gandhi », a souligné le cardinal pakistanais, archevêque émérite de Karachi, âgé de 79 ans, qui a participé au conclave et qui était présent à la messe d’inauguration du pape Léon XIV ce dimanche 18 mai – où se trouvait aussi une délégation du Pakistan (trois représentants de l’État issus des communautés musulmane, sikhe et hindoue).
« Aujourd’hui, nous ressentons l’urgence d’agir pour une paix authentique. En tant que citoyens et communautés religieuses en Inde et au Pakistan, nous pouvons promouvoir, et nous nous y engageons, une culture de la paix afin de désamorcer la haine, de désarmer les cœurs, et de sensibiliser les gens au pardon », a-t-il déclaré, interrogé par l’agence Fides. « Nos dirigeants politiques doivent donc faire quelque chose de concret sous la forme d’un accord, parce que le conflit au Cachemire est une question politique, et que les gouvernements des deux nations continuent de s’accuser mutuellement. »
« Le nationalisme politique a compliqué la situation au fil des années »
Historiquement, a-t-il expliqué, le problème remonte à l’époque de l’indépendance. « Les musulmans du Cachemire ne voulaient pas faire partie de l’Inde. À l’époque, on disait que les citoyens avaient le choix : s’ils étaient musulmans, ils appartenaient au Pakistan ; s’ils étaient hindous, ils appartenaient à l’Inde. Toutefois, ce n’était pas le cas du Cachemire, parce que le Raja hindou du royaume a choisi l’Inde, alors que cela contredisait la volonté de son peuple et la situation générale », a-t-il rappelé. « C’est ainsi que le conflit est né. »
« À l’époque, nous étions vraiment frères et sœurs, un peuple luttant pour la libération sous le joug colonial. Cette fraternité doit être redécouverte aujourd’hui. C’est la voix d’une paix juste et durable. Nous devons revenir aux mots de Mahatma Gandhi, qui a dit : durant deux mille ans, nous avons vécu ensemble comme un peuple, nous sommes tous enfants d’une mère, l’Inde. Mais aujourd’hui, Gandhi est oublié et il n’est même pas enseigné à l’école », a-t-il poursuivi avec une certaine amertume.
« Le nationalisme politique a compliqué la situation au fil des années. Les attaques et les guerres ont alimenté les tensions entre des peuples qui partagent la même histoire et la même culture. Cela nous fait réaliser l’absurdité de la guerre. À l’origine, le but était de créer deux nations qui accorderaient le même droit à tous les citoyens de vivre en paix. Les meneurs de l’indépendance, Mohammad Ali Jinnah, Mohandas Gandhi et Jawaharlal Nehru, ont imaginé deux nations sœurs. Revenons à ce désir. »