Divers horizons

Cardinal Czerny, Dicastère pour le développement humain intégral : « La justice doit être enracinée en nous »

Un camp de réfugiés de Cox’s Bazar, Bangladesh, en 2018 lors d’une visite du cardinal Tagle, alors président de Caritas Internationalis. Un camp de réfugiés de Cox’s Bazar, Bangladesh, en 2018 lors d’une visite du cardinal Tagle, alors président de Caritas Internationalis. © Caritas Internationalis
Lecture 5 min

Le 20 septembre, les représentants de plus d’une vingtaine de mouvements populaires ont participé à une rencontre avec le pape François. Durant cette rencontre, impliquant des participants d’Europe, d’Amérique du Nord et du Sud, d’Afrique et d’Asie, le cardinal Michael Czerny, préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral, a déclaré que « la justice ne peut pas être une question intellectuelle ou même juridique, elle doit être enracinée en nous, aussi urgente et impossible à ignorer que la faim et la soif ».

C’est peut-être un signe de vieillesse, a confié le pape François, mais il est de plus en plus préoccupé par le monde que lui et ses pairs laisseront aux jeunes générations – et le pronostic n’est pas bon. « Ce n’est pas du pessimisme », a déclaré le pape à près de deux douzaines de représentants de mouvements et d’organisations populaires qui participaient à cette rencontre organisée le 20 septembre au Dicastère pour le service du développement humain intégral.

Le Saint-Père a ajouté qu’il craint de voir les adultes laisser « un monde découragé, inférieur, violent, marqué par le pillage de la nature, aliéné par des modes de communication déshumanisés » et « sans paradigmes politiques, sociaux et économiques adaptés pour montrer la voie, avec peu de rêves et d’énormes menaces ». Mais si les hommes unissent leurs forces, en particulier ceux qui sont le plus souvent les victimes, les choses peuvent changer a-t-il assuré. Il a ainsi prié pour que « le cri des exclus » puisse « réveiller les consciences endormies de tant de dirigeants politiques qui sont en fin de compte ceux qui doivent mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels ».

« La justice ne peut pas être une question intellectuelle ou juridique »

Le pape François a rencontré des représentants de mouvements et d’organisations d’Europe, d’Amérique du Nord et du Sud, d’Afrique et d’Asie, y compris des groupes qui accompagnent des travailleurs informels qui collectent et recyclent les ordures, qui soutiennent des habitants de bidonvilles, qui sensibilisent les populations locales sur la question de l’environnement, qui aident les agriculteurs ou qui secourent les migrants en mer.

Le cardinal Michael Czerny, préfet du dicastère, a déclaré aux participants que « la justice ne peut pas être une question intellectuelle ou même juridique, elle doit être enracinée en nous, aussi urgente et impossible à ignorer que la faim et la soif ». « Pour prendre la parole au nom des sans voix », a-t-il ajouté, les chrétiens doivent suivre l’exemple de Jésus et être « humbles, ne pas se laisser prendre par l’orgueil, l’argent et la gloire ; en solidarité avec ceux qui souffrent, capables de pleurer avec eux et de les consoler ; doux, agir, sans violence ni vantardise, mais avec une profonde soif de justice ».

Le pape François a dit aux représentants que les injustices qui laissent tant de personnes malnutries, sans emploi et en marge de leur communauté sociale et politique alimentent les violences et en fin de compte les guerres. Parmi les participants, le média américain Catholic News Service a interrogé Gloria Morales-Palos, membre de la paroisse du Christ-Roi de San Diego (à l’extrême sud-ouest des États-Unis, près de la frontière mexicaine).

Gloria représente le PICO Network, une organisation catholique qui s’efforce de créer des solutions innovantes aux problèmes rencontrés par les communautés urbaines, périphériques et rurales (notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’accès au logement). Elle a confié qu’elle partageait les craintes du Saint-Père : « En Amérique, c’est la première génération d’enfants qui vivront moins bien que leurs parents. » « L’environnement politique est très difficile actuellement, cela devient effrayant pour beaucoup de latinos », a-t-elle expliqué.

Le silence de l’indifférence

Le pape François a confié au groupe qu’il a déjà été critiqué parce qu’il ne parlait jamais pour défendre les classes moyennes, « et je demande pardon pour cela ». Mais en même temps, a-t-il ajouté, « c’est Jésus qui a mis les pauvres au centre ». Selon lui, les richesses viennent des biens de la Création, que Dieu a faits pour tous et qui doivent bénéficier à tous.

Il estime que ceux qui ont de l’argent aiment souvent parler de l’économie comme une « méritocratie », tandis que leurs richesses ne viennent pas toujours de leurs propres mérites, mais de « l’héritage, ou du fruit de l’exploitation des personnes ou de la pollution de la nature », ou bien « de la corruption ou du crime organisé ». « La course à l’aveugle pour obtenir de plus en plus d’argent n’est pas une force créatrice, mais une voie de perdition », a insisté le pape. « C’est un comportement irresponsable, immoral, irrationnel, qui détruit la Création et les vies des gens. »

Trop de personnes, et pas seulement les riches, veulent avoir quelqu’un à mépriser pour se sentir supérieur, a-t-il ajouté. Ils « regardent de loin, d’au-dessus, avec indifférence, avec irrespect, avec haine ». « C’est comme cela que s’exerce le silence de l’indifférence qui renforcent le cri de la haine. Le silence face à l’injustice ouvre la voie à la division sociale, qui entraîne la violence. » Selon le pape, la réponse et la clé pour espérer est l’amour : le combat pour la justice sociale, pour le respect du caractère sacré de toute vie humaine et pour la protection de la Création doit toujours être motivé par l’amour.

(Ad Extra, avec Ucanews)