Cardinal Gracias, de Mumbai : « Léon XIV veut être à l’écoute, ce sera un pontificat collégial »

Le 15/05/2025
« Léon est un pasteur façonné par saint Augustin, le ‘docteur de la grâce’, quand il dit que l’Église doit être le ‘phare qui éclaire les nuits du monde’ », selon le cardinal Oswald Gracias, archevêque émérite de Mumbai, qui a confié par écrit ses réflexions sur le nouveau pape. Le cardinal indien représentait l’Asie au sein du « C9 », le Conseil des cardinaux dont les neuf membres étaient nommés par le pape François. Il explique que Léon XIV « apporte des espoirs, des attentes, une compréhension, une ouverture et un élan missionnaire ».
Comment les Églises d’Asie, qui n’ont jamais été aussi présentes qu’aujourd’hui parmi les cardinaux électeurs, regardent-elles le nouveau pape ? Le lendemain de son élection, Léon XIV a retrouvé les cardinaux dans la continuation des congrégations générales qui ont précédé le conclave. Un signe qui montre sa capacité d’écoute selon le cardinal Oswald Gracias, archevêque émérite de Mumbai, interrogé par l’agence Asianews. Choisi puis confirmé par François comme représentant du continent au sein du C9 (le Conseil des cardinaux dont les neuf membres étaient chargés de l’assister pour la réforme de la Curie romaine et le gouvernement de l’Église), il a atteint 80 ans en décembre et n’a pas participé au conclave. Mais il a vécu ces jours historiques qui ont marqué la vie de l’Église, et il se confie sur ses impressions. Extraits.
Le pape Léon est un don de Dieu à l’Église universelle, à l’Asie, à l’Inde, à tous les continents, peuples et cultures. Il apporte des espoirs, des attentes, une compréhension, une ouverture et un élan missionnaire.
Je l’ai rencontré à trois reprises pour de longs échanges, alors qu’il était préfet du dicastère pour les Évêques. Je l’ai trouvé très ouvert, compréhensif, avec une vision large de la diversité des peuples et cultures, et par-dessus tout de l’élan missionnaire. Léon XIV est aussi très intelligent, avec une vraie capacité d’écoute et de saisir instantanément l’esprit de ce qui est en train d’être dit. Il a une clarté absolue et saisit la situation et le contexte, avec le discernement et le courage de prendre des décisions et des actes guidés par l’Esprit Saint.
Dans l’homélie [donnée vendredi matin dans la chapelle Sixtine], le pape Léon XIV a évoqué la question de l’athéisme de fait. Il connaît bien le contexte dans lequel nous vivons. Alors que sur le plan intellectuel, nous disons que Dieu est, nous vivons nos vies autonomes et nous nous comportons comme si Dieu n’existait pas. On voit que le pape est fermement enraciné dans la foi, enraciné par saint Augustin le « docteur de la grâce », quand il a dit [durant sa première messe en tant que pape dans la chapelle Sixtine] que l’Église doit être un « phare qui éclaire les nuits du monde ».
Le pape a parlé des contextes actuels dans lesquelles la foi chrétienne est considérée comme absurde, réservée aux personnes faibles et peu intelligentes, et des contextes où on lui préfère d’autres certitudes. Dieu n’est plus un facteur dans la société contemporaine, et le pape a évoqué ces questions devant tout le collège des cardinaux.
« La rapidité incroyable avec laquelle il a été élu est l’œuvre et le don de l’Esprit Saint »
Je pense que le pape Léon apporte l’espérance et une nouvelle fraîcheur, la fraîcheur de l’Esprit Saint, qui suscitera un nouvel élan.
Le pontificat du pape Léon sera influencé par celui du pape François et sera dans la continuité, mais il aura son propre style comme nous l’avons vu dès le jour de son élection [jeudi 8 mai]. Le pape est ainsi apparu au balcon vêtu des habits pontificaux traditionnels [la mozette rouge et une étole richement brodée], et je sais qu’il sera un pont.
Le nom qu’il a choisi, Léon XIV, se réfère au pape Léon XIII dont l’encyclique historique, Rerum Novarum, a été capitale. Il avait compris que l’économie régissait le monde. Rerum Novarum, abordait les questions sociales et économiques, et posait les fondations pour la construction d’une société juste.
Nous connaissons le travail de Léon XIV au Pérou, et ses capacités brillantes comme dirigeant et administrateur durant deux mandats comme prieur général. Il a été le témoin direct des vies des gens simples et ordinaires. Avec cette expérience globale, il sera capable de répondre aux nombreux défis du pontificat. Le fait de prendre le nom de Léon XIV est très symbolique. Le pape a voulu rencontrer à nouveau les cardinaux [le 9 mai, dès le lendemain de son élection], c’est un signe qu’il veut écouter. Son pontificat sera collégial.
Durant une de mes rencontres avec le cardinal Prevost, je l’ai interrogé sur ses origines augustiniennes, et il a dit que c’était « un équilibre de contemplations et d’actions ». Les jeunes iront à lui. Il les inspirera. Déjà sur la place Saint-Pierre, le jour de son élection, il y avait tellement de jeunes, qui étaient ravis et joyeux, avec une vitalité renouvelée, une soif et une excitation devant le nouveau pape Léon. La rapidité incroyable avec laquelle il a été élu est l’œuvre et le don de l’Esprit Saint, et une nouvelle fraîcheur pour l’Église.
(Avec Asianews, Nirmala Carvalho)