La réception de Querida Amazonia

Disputatio

Geraldo Luiz De Mori

Le synode sur l'Amazonie, qui s'est tenu à Rome en octobre 2019, a une portée à la fois locale et universelle. Si l'opinion s'est intéressée à la question de l'ordination d'hommes mariés, le cœur du débat portait davantage sur l'inculturation de l'Église. Une telle démarche d'inculturation peut se transposer dans d'autres contextes.

Il y a un peu plus d'un an, en octobre 2019, s'est déroulée l'Assemblée spéciale du synode des évêques pour la région panamazonienne, convoquée par le pape François, événement dont la portée universelle dépasse les frontières de cette région de la planète. Le 2 février 2020, le pape a signé l'exhortation apostolique post-synodale Querida Amazonia1, un texte dont le lyrisme est marqué par l'emploi récurrent de la notion de « rêve », mais qui invite également à découvrir le mystère et les drames de ce biome extraordinaire. Le 25 septembre 2020, à l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU), le Saint-Père a rappelé la « situation périlleuse » vécue par l'Amazonie et ses populations autochtones2. Trois jours auparavant, devant la même assemblée, dans le contexte d'incendies sans précédent dans la région, en grande partie provoqués par les intérêts des grandes firmes agro-industrielles, le président du Brésil Jair Bolsonaro accusait les organismes nationaux et internationaux de vouloir nuire à l'économie du pays et à son gouvernement. Plus que jamais donc, l'Amazonie, qui avait fait l'objet de vives discussions lors du synode, reste à l'ordre du jour3.

Le texte qui suit présente quelques conséquences du synode sur la région panamazonienne, surtout sur les activités pastorales développées par les Églises de la région. Il s'agira de faire une brève relecture des principaux axes autour desquels le synode a compris la situation et le rôle de l'Amazonie dans le contexte mondial. On verra comment s'établit le rapport entre les « rêves » du pape François dans Querida Amazonia, les difficultés de leur mise en œuvre sur le terrain et les initiatives qu'ils suscitent dans la vie ecclésiale amazonienne. On tentera de formuler quelques idées sur la manière de s'engager en faveur de la santé de cette région particulière.

Un synode "spécial" à portée universelle

L'Assemblée « spéciale » pour la région panamazonienne, convoquée par le pape François en 2017, semble, à première vue, n'avoir qu'une portée régionale, impliquant uniquement les habitants et les Églises des neuf pays qui composent le biome amazonien. Le document préparatoire (DP), l'Instrumentum laboris (IL) et certaines parties du document final (DF) et de l'exhortation post-synodale Querida Amazonia(QA) peuvent, en effet, confirmer cette impression, par le recours qu'ils font à la catégorie de « territoire » et les descriptions qu'ils proposent de l'Amazonie, de son peuple et de son Église. Ce caractère apparemment « local » offre un enracinement au synode et aux textes qui ont guidé sa préparation, au document que l'assemblée synodale a élaboré et à l'exhortation dont l'auteur est le pape lui-même. Plus qu'un « ailleurs » lointain, objet de la curiosité folklorique, cet enracinement régional est au service de ce qui caractérise l'identité chrétienne, à savoir sa dimension d'incarnation dans l'espace et dans le temps....

L'inscription régionale du synode ne doit pourtant pas cacher sa portée universelle, explicitée dans la thématique choisie par le pape : « Amazonie : nouveaux chemins pour l'Église et pour une écologie intégrale ». Le terme « Amazonie » renvoie clairement à un lieu mais, de ce lieu, émergent de « nouveaux chemins pour l'Église » et pour une « écologie intégrale ». Comme le grand fleuve qui unifie la région, de ce synode coule un ensemble d'éléments à partager avec l'ensemble du monde ecclésial et avec la société au sens large. De quoi s'agit-il ? Que se passe-t-il dans cette partie du monde qui présenterait une capacité de féconder l'Église et l'écologie, en leur ouvrant de « nouveaux chemins » ? Pour répondre à ces questions, il faut d'abord reprendre la lecture du synode sur la réalité qui fait signe vers l'irruption d'une nouveauté, entrevue par le document préparatoire comme « identité et aspirations » et par l'Instrumentum laboris comme « voix », qui demandent, selon le document final, une « écoute » qui mène à la « conversion intégrale » et inspire, selon Querida Amazonia, des « rêves » pour l'Amazonie et pour le monde.

Le premier élément, mis en valeur par les documents officiels qui ont précédé le synode, l'ont accompagné et lui ont succédé, se situe sur le plan physique : c'est la richesse du biome amazonien, auquel s'ajoute celle d'autres biomes comparables, comme le bassin du fleuve Congo et la région Asie-Pacifique. Selon le document préparatoire, l'Amazonie représente une des « plus grandes réserves de biodiversité (30 % à 50 % de la flore et de la faune mondiales) et d'eau douce (20 % d'eau douce non congelée) de toute la planète ». Ce biome possède « plus d'un tiers des forêts primaires de la planète », étant essentiel pour « la répartition des précipitations dans d'autres régions reculées d'Amérique du Sud » et contribuant aussi « aux grands mouvements de l'air autour de la planète ». Il abrite environ « 10 % à 15 % de la biodiversité terrestre », constituant un « espace vital et nourricier », en même temps que la « possibilité, la subsistance et la limite de la vie » (DF 6). Les menaces qu'il subit, du fait de l'avancée de l'agro-industrie et de l'exploitation de ses richesses minérales, de ses ressources forestières, de pratiques prédatrices de la chasse et de la pêche, montrent combien il est fondamental à l'équilibre écologique de la région et de l'ensemble de la planète. La façon dont « tout est lié4 » dans ce territoire représente un vrai appel à la découverte de « nouveaux chemins pour l'écologie intégrale », l'un des axes principaux de la thématique générale du synode.

Le deuxième élément important présenté dans les documents est la diversité des cultures qui habitent cet immense territoire : d'une part, les peuples autochtones, constitués d'environ « trois millions d'indigènes, représentant quelque 390 peuples et nationalités distincts », dont entre 110 et 130 composés des peuples en isolement volontaire ; d'autre part, les autres peuples arrivés depuis le début de la colonisation européenne – les Africains, les Européens et les Asiatiques, auxquels s'ajoutent les populations métisses résultant des rencontres et du mélange qui se sont opérés dans la région. Les textes insistent sur l'un des traits les plus caractéristiques de la cosmovision indigène, le buen vivir (« bien vivre »), cette façon d'exister en « harmonie avec soi-même, avec la nature, avec les êtres humains et avec l'être suprême, car il existe une interrelation entre tous les éléments du cosmos, où personne n'exclut personne » (IL 12). L'idée que « tout est lié » rejoint ici celle du « bien vivre » et suppose celle du « bien faire » (IL 13). À cette idée s'oppose toute forme de colonialisme, qui avait guidé l'entreprise coloniale européenne sur la région et qui continue aujourd'hui encore à y imposer sa logique.

Un troisième élément, l'inculturation, pensée du point de vue théologique à partir de la catégorie de l'incarnation, a acquis de nouvelles significations ces derniers temps dans le cadre des débats sur l'interculturalité. La prise en compte de la culture dans laquelle l'Évangile a été annoncé et mis en forme aide à en découvrir la semence dans les cultures dans lesquelles il est à nouveau proposé. Les rites et les langages sont certes importants (par exemple, dans QA 81-82), de même que les méthodes et les projets missionnaires (DF 56), l'action éducative (DF 57), le processus de formation de la vie religieuse consacrée (DF 98) et l'annonce elle-même (QA 66). Mais tout cela n'est pas suffisant. Il faut plus d'audace et « ne pas avoir peur » (DP 14). Le processus d'inculturation et d'interculturalité exige des propositions « courageuses » (IL 106). « L'inculturation de la foi n'est pas un processus de descente vers le bas, ni une imposition de l'extérieur, mais un enrichissement mutuel des cultures en dialogue (interculturalité) », dont les « sujets actifs sont les peuples autochtones eux-mêmes » (IL 122). En effet, le parcours de l'inculturation « ne déprécie rien de ce qu'il y a de bon dans les cultures [...] mais le recueille et le porte à sa plénitude à la lumière de l'Évangile » (QA 66), car la « grâce suppose la culture et le don de Dieu s'incarne dans la culture de la personne qui le reçoit » (QA 68, citant Evangelii gaudium, n° 115). Ce processus suppose, selon Querida Amazonia, l'écoute de la sagesse ancestrale des peuples d'Amazonie, la mise en valeur de sa mystique de « l'interconnexion et de l'interdépendance de toute la création, une mystique de gratuité qui aime la vie comme un don [...] de l'admiration sacrée devant la nature qui déborde de tant de vie » (QA 73). Cette inculturation devra « nécessairement avoir une odeur fortement sociale et se caractériser par une défense ferme des droits humains » (QA 75).

L'ensemble des orientations du synode peuvent être regroupées autour des termes de « conversion », selon le document final, et de « rêves », selon Querida Amazonia. À ces deux termes s'ajoutent soit une perspective (« intégrale », dans le document final), soit des domaines particuliers (pastoral, culturel, écologique et synodal, dans le document final ; social, culturel, écologique et ecclésial, dans Querida Amazonia).

La conversion, centrale dans le christianisme, puisque Jésus lui-même inaugure sa mission en appelant à se convertir (Marc 1,15), est, selon le texte du document final, le fruit d'une écoute, celle de la voix et des chants de l'Amazonie, celle du cri de la terre et du cri des pauvres, qui demande « une véritable conversion intégrale, avec une vie simple et sobre, le tout nourri d'une spiritualité mystique » (DF 17). Cette conversion doit se « déployer dans des dimensions interconnectées pour motiver la sortie vers les périphéries existentielles, sociales et géographiques » (DF 19). Les domaines auxquels doit s'appliquer la conversion sont, selon le document final, le pastoral, le culturel, l'écologique et le synodal, ou, selon les « rêves » de Querida Amazonia, le social, le culturel, l'écologique et l'ecclésial.

Les « conversions » et les « rêves » proposés dans ces deux textes concernent avant tout les populations et les Églises d'Amazonie. Ce sont d'abord elles qui éprouvent la « splendeur », le « drame » et le « mystère » de ce biome et qui doivent réagir aux menaces qui ne cessent de mettre en péril ce qu'il apporte à la planète. Mais cette responsabilité doit aussi être partagée par l'ensemble de l'humanité, car la destruction de ce biome est, en grande partie, liée à un système qui en exploite les richesses sans souci des conséquences, aujourd'hui ou demain. Les « nouveaux chemins » entrevus par la thématique du synode veulent donc impliquer les hommes et les femmes du monde entier, en les appelant à sauvegarder cette partie de la planète dont dépend en grande partie leur avenir, en leur montrant un modèle de « bien vivre » qui se sait lié à tous les éléments qui composent le monde de la vie et, enfin, en les ouvrant à la redécouverte de la richesse culturelle et spirituelle des peuples porteurs de sagesse et de vie. L'Église à bâtir dans cette région peut également manifester une nouvelle fraîcheur de l'annonce de l'Évangile, qui peut inspirer et provoquer l'ensemble des Églises à l'accueillir tel qu'il est en son commencement, « bonne nouvelle » qui donne vie et inaugure un nouveau monde5.

L'Amazonie, un an après le synode

La presse s'est beaucoup intéressée au synode pendant son déroulement et pendant les semaines qui ont précédé la publication de Querida Amazonia, en grande partie à cause de deux thématiques qui avaient été discutées dans la phase préparatoire : la possibilité d'ordonner des hommes mariés et l'accès des femmes aux ministères ordonnés. Ces deux thématiques, importantes sans doute, ne sont pas suffisantes pour comprendre ce que l'événement du synode a voulu signifier pour le monde et pour l'Église : se convertir à une autre façon de vivre, « rêver » à une autre vie en Église. Elles ne rendent pas compte non plus de l'impact effectif d'autres questions et propositions débattues qui sont à l'origine des « pistes » du document final et des « orientations » de Querida Amazonia. Qu'en est-il de la mise en œuvre de ces « pistes » et « orientations », un an après cet événement ?

Un acteur important de l'organisation ecclésiale de la Panamazonie est le Réseau ecclésial panamazonien (Repam), créé en 2014, à la suite du discours du pape François aux évêques brésiliens, lors de son voyage de 2013. Il leur demandait que l'Église assume un nouveau rôle en Amazonie, dans la défense de cet important biome et dans celle de ses habitants les plus vulnérables. Depuis sa création, le Repam a beaucoup travaillé pour mettre en place une organisation qui articule sur le terrain les différentes forces et initiatives ecclésiales, sociales et écologiques. Très actif avant et pendant les travaux du synode, il continue de l'être au temps de sa réception.

La pandémie de Covid-19 a bien sûr ralenti la réalisation de certaines « pistes » proposées par le document final, mais elle a également suscité d'autres initiatives, surtout dans le domaine de l'accompagnement et de la diffusion de ce qui se passe dans la région. L'une de ces initiatives – un inventaire des personnes touchées par le virus, mis à jour deux fois par semaine – donne, dans le bulletin de décembre 2020, les chiffres suivants : 1 610 130 contaminés et 37 747 morts6. Un autre relevé, celui des conflits socioterritoriaux, également diffusé dans les derniers mois, confirme la recrudescence des attaques contre les dirigeants des peuples autochtones et contre des militants des droits humains et de la défense de l'environnement7. On sait que, depuis la fin de juillet, les incendies ont connu une augmentation sans précédent, provoqués surtout par des propriétaires d'entreprises agroalimentaires qui, à leur tour, accusent les indigènes et les petits propriétaires d'en être la cause.

Parmi les « pistes » concernant directement l'Église panamazonienne, celle de l'organisation d'une « structure synodale régionale », prévue dans le document final, a connu des suites relativement rapides, avec la convocation, par le comité directif du Repam, de l'assemblée de projet de constitution de la Conférence ecclésiale de l'Amazonie, qui a eu lieu les 26 et 29 juin 2020. La première journée a été consacrée à l'exposition des fondements de l'identité et de la mission du nouvel organisme ecclésial, par Carlos María Galli, un théologien argentin, et à la présentation du statut de la Conférence, par Alphonse Borras, un canoniste belge, l'une et l'autre suivies de questions, débats et suggestions. La seconde journée a été consacrée aux ajouts et corrections au statut, à savoir : un préambule qui reprend les contributions de Galli et des clarifications sur le rapport du nouvel organisme avec le pape, les congrégations et dicastères romains, les conférences épiscopales des pays amazoniens et les autres institutions de l'Église.

La Conférence comprendra, d'une part, des membres avec droit d'expression et de vote – un évêque de chaque conférence épiscopale des pays de l'Amazonie (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou, Venezuela et deux pour le Brésil), le président et le vice-président du Repam et un membre de la présidence du Conseil épiscopal latino-américain (Celam) – et, d'autre part, des membres avec droit d'expression mais sans droit de vote – le président de la Caritas d'Amérique latine et des Caraïbes, le président de la Conférence latino-américaine des religieux (Clar), le secrétaire du Repam, trois représentants des peuples indigènes d'Amazonie, quelques experts et un membre nommé par le Saint-Père. Après ce travail, l'assemblée a choisi le nom de la Conférence ecclésiale de l'Amazonie (CEAMA), tout en approuvant son statut, l'intégration du texte de Galli, et finissant avec l'élection du comité exécutif de la CEAMA. Son président est le cardinal brésilien Cláudio Hummes, ses vice-présidents sont l'évêque péruvien David Martínez de Aguirre Guinea et un autre évêque du territoire amazonien, Eugenio Coter, de Bolivie.

La création de la CEAMA soulève la question de son rapport avec le Repam et celle de l'identité de chacun des deux organismes. Le Repam, dont l'histoire est déjà longue, continue sa mission, tout en mettant l'accent sur l'incidence publique et politique des Églises et des groupes organisés de la Panamazonie pour la défense des territoires des peuples indigènes, de l'environnement, en plus de la dénonciation des attaques aux droits humains et la création d'un projet d'éducation bilingue pour les Indiens. Un chemin de discernement a déjà eu lieu, qui a abouti au choix d'un nouveau secrétaire général. La CEAMA, dont le profil est plus ecclésial, en lien plus étroit avec l'Église officielle (le Vatican, le Celam, les conférences des évêques des pays de la région et d'autres pays), devra, après l'approbation de Rome, se consacrer, dans un premier temps, à l'application des orientations du synode, concernant en particulier les Églises d'Amazonie.

Deux de ces orientations devront occuper immédiatement la CEAMA. On pense à créer un « rite amazonien », tel que le propose le document final. Ce travail n'est pas aussi simple, car la diversité d'ethnies et de peuples autochtones de la région est immense et exigera une écoute de leurs différents univers symboliques et rituels. Cette écoute devra se faire en dialogue avec la tradition rituelle de l'Église, et devra commencer officiellement dès que la CEAMA aura été reconnue par le Vatican. On pense ensuite à la question des nouveaux ministères. Le ministère ordonné conféré à des hommes mariés qui sont déjà diacres permanents (proposition de document final, n° 111) et le diaconat des femmes (suggéré par le document final, n° 103) ont beaucoup attiré l'attention de la presse, laissant cependant dans l'ombre d'autres propositions aussi courageuses et importantes comme la création de ministères de soin de la maison commune et de l'accueil des déplacés du territoire (DF 79 et DF 82), la promotion équitable des ministères aux hommes et aux femmes (DF 95), le service de la « charge pastorale d'une communauté à une personne non investie du caractère sacerdotal, membre de cette communauté » (DF 96), la révision de Ministeria quaedam, le motu proprio de Paul VI (1972), afin que les fonctions de « lecteur » et d'« acolyte », réservées aux hommes, puissent être conférées à des femmes, la création d'un ministère institué de la femme leader de communauté (DF 102) et, enfin, la formation au diaconat pour les membres des communautés indigènes (DF 104). Ces différentes orientations devront également occuper les prochaines années du nouvel organisme ecclésial, l'aidant dans la création d'une Église au véritable visage amazonien.

Trois autres orientations – la création d'une université catholique dans la région, celle d'un réseau d'écoles bilingues pour l'Amazonie et celle d'un observatoire sociopastoral amazonien – sont accompagnées surtout par le Repam. Pour l'université, par exemple, il y a déjà un dialogue établi avec le réseau d'universités jésuites d'Amérique latine (Asociación de universidades confiadas a la Compañía de Jesús en América latina, ou AUSJAL) et avec celui d'autres congrégations religieuses déjà présentes sur le terrain. Pour l'éducation bilingue, le Repam élabore un projet de création d'un réseau d'écoles primaires d'éducation bilingue et interculturelle en Amazonie, qui devra se mettre en place aussi dans les années qui viennent. En ce qui concerne l'observatoire, les diverses expériences d'institutions du même genre pourront aider dans la création d'un tel organisme au visage amazonien. La crise sanitaire de la Covid-19 a retardé plusieurs initiatives, qui devront, cependant, reprendre dans les mois à venir.

Un synode qui ouvre de nouveaux chemins

L'Amazonie, avec le biome du Congo et celui de l'Asie-Pacifique, est un don pour le monde. Et pas uniquement à cause de ses richesses minérales et biologiques, ou de la diversité des peuples qui vivent sur son territoire. Comme le synode l'a bien montré, de cette région dépendent, en grande partie, la santé et la vie de la planète entière. Pour cette raison, elle n'est pas seulement l'affaire des ceux et celles qui vivent sur son territoire, mais celle de tous et toutes. Les pays de la région amazonienne ont certes une plus grande responsabilité de veiller à sa santé, mais cette tâche concerne tout le monde, comme l'a bien montré le pape François dans Laudato sí. Le synode d'Amazonie l'a repris et a redit avec force que « tout est lié ». Dans un certain sens, outre les « nouveaux chemins » pour l'Église et pour l'écologie intégrale, le synode invite l'humanité à prendre sa part dans le soin de la maison commune.

La société civile peut mettre en œuvre des mécanismes de pression, impliquant toutes sortes de groupes – organisations non gouvernementales, groupes politiques, États – soit pour dénoncer les attentats à l'environnement ou les préjudices subis par les peuples indigènes, soit pour faire pression sur les groupes économiques qui investissent dans la région ou font du commerce avec des instances des pays de la région exploitant ses ressources de manière irresponsable. La Norvège, par exemple, a suspendu, en 2019, les transferts vers le Fonds d'Amazonie. L'accord entre l'Union européenne et le Mercosur8, qui intéresse les élites de l'agroalimentaire d'Amérique latine, pourrait devenir l'objet de pression de la part des groupes européens préoccupés par la santé de la région amazonienne.

À l'invitation à sauvegarder l'Amazonie, il faut ajouter l'appel du synode à découvrir de nouveaux chemins que l'Amazonie ouvre pour l'Église et l'écologie intégrale. Comme il a été dit dans les pages précédentes, le chemin de l'incarnation, vécu en Amazonie comme une inculturation et une interculturalité, veut montrer un retour à la nouveauté de l'Évangile lui-même, toujours proposé comme « bonne nouvelle », qui demande une conversion et ouvre à une vision autre du monde, de la vie, tout en motivant une action qui fait la différence et instaure du nouveau. Ce chemin, ouvert à une Église au visage amazonien, invite à découvrir dans le « bien vivre » des peuples autochtones de la région une façon de se rapporter à soi-même, à l'autre, au monde en tant que lieu où tout est lié. Pour des sociétés fatiguées d'une organisation sociale qui ne permet pas une vision unifiée de la vie, cette invitation du synode peut devenir effectivement un chemin nouveau, une bonne nouvelle, comme l'a été l'annonce de l'Évangile du Christ au début de l'histoire de ces mêmes sociétés.

NOTES :

1 Disponible sur www.vatican.va
2 François, Message vidéo du pape François à l'occasion de la 75e session de l'Assemblée générale des Nations unies, 25 septembre 2020, disponible sur www.vatican.va
3 La question de l'ordination d'hommes mariés, voire celle de femmes, était présente dans les débats du synode. Mais, malgré leur importance, elle n'était pas aussi centrale qu'on a pu le dire.
4 Formule typique de l'encyclique Laudato sí, que l'on retrouve dans Instumentum laboris, n° 20.
5 L'Église d'Amazonie a créé le verbe « amazonizer » pour montrer la portée universelle de ces conversions.
6 « Covid-19 en la Panamazonía. Mapa de casos confirmados », sur https://redamazonica.org/covid-19-panamazonia/
7 « Atlas de conflictos socioterritoriales pan-amazónico », sur www.cptnacional.org.br
8 Le Mercosur (de l'espagnol Mercado común del Sur) ou Mercosul (du portugais Mercado comum do Sul) est le Marché commun du Sud.

Article paru dans la Revue Etudes N°4279 – Février 2021
www.revue-etudes.com/article/la-reception-de-querida-amazonia/23207