En Corée du Nord, Kim Jong-un veut supprimer les mots « réunification » et « réconciliation » dans les écoles

Kim Jong-un avec l’ancien président sud-coréen Moon Jae-in, le 27 avril 2018 lors d’un sommet intercoréen. Kim Jong-un avec l’ancien président sud-coréen Moon Jae-in, le 27 avril 2018 lors d’un sommet intercoréen. © Cheong wadae /Blue House / president.go.kr
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La Corée du Nord a décidé d’interdire les mots « réunification », « réconciliation » et « nos compatriotes » dans les manuels scolaires du pays. Cette décision confirme le discours de Kim Jong-un en janvier dernier. Lors d’une session du Parlement nord-coréen, il avait enterré l’idée d’une réunification et d’une réconciliation avec la Corée du Sud, en affirmant vouloir mettre un terme à « toute forme de coopération et de communication » avec Séoul.

Afin de mettre en œuvre la nouvelle orientation politique du parti, voulue depuis janvier par Kim Jong-un qui veut mettre un frein à tout échange intercoréen, le ministère de l’Éducation du régime a appelé les enseignants du pays à supprimer les mots « réunification », « réconciliation » et « nos compatriotes » des livres scolaires, selon une information publiée le 5 avril par Daily NK (un journal en ligne basé à Séoul, en Corée du Sud, qui rend compte de divers aspects de la société nord-coréenne à partir d’informations obtenues à l’intérieur et à l’extérieur de la Corée du Nord via un réseau d’informateurs).

« Pour cette année, les écoles ont reçu l’ordre d’utiliser des stylos ou des crayons afin de rayer les mots interdits par l’État dans les manuels scolaires », indique une source anonyme citée par Daily NK, en ajoutant que la directive a déjà été « appliquée par le corps enseignant ». Il semblerait que les autorités éducatives nord-coréennes aient reçu l’ordre d’examiner tous les livres scolaires au cours du mois de mars, afin de préparer une nouvelle série de manuels incluant les modifications imposées par le régime.

En janvier dernier, Kim Jong-un a martelé que la réunification avec la Corée du Sud n’était plus possible, et que la Constitution nord-coréenne devait être amendée afin de désigner la nation voisine comme « ennemi principal » de la Corée du Nord, a également indiqué la BBC. Le dirigeant a aussi ajouté que si une guerre éclate dans la péninsule coréenne, la Constitution du pays devra examiner certaines questions comme « l’occupation », « la reconquête » et « la réintégration » du Sud dans le territoire nord-coréen.

Certains enseignants ont trouvé les directives « ridicules »

Selon Daily NK, la décision a déjà amené différents départements du gouvernement nord-coréen à initier des changements, dont le ministère de l’Éducation dans le programme scolaire. « Les enseignants ont expliqué à leurs élèves que les ordres doivent être respectés, parce qu’ils correspondent aux efforts du parti qui cherche à établir une vision correcte de l’histoire », selon la même source. Les enseignants qui ne respectent pas les consignes encourent des mesures disciplinaires.

En mars, une enseignante en école primaire à Uiju, dans la province de Pyongan du Nord (au nord-ouest du pays), a ainsi perdu son emploi pour avoir demandé aux élèves de laisser les manuels scolaires en place dans leurs bureaux. Elle estimait que les ordres reçus étaient trop lourds à appliquer. L’enseignante a été punie pour « manquement au devoir », pour avoir désobéi aux consignes du ministère et pour n’avoir pas expliqué aux élèves que la décision correspondait à la politique du parti. Elle a aussi été accusée d’avoir des « problèmes idéologiques ». « Les enseignants étaient censés y consacrer cinq minutes avant les cours, afin de rayer les phrases identifiées par le parti », ajoute la source.

En février et mars, les enseignants nord-coréens ont dû suivre une session d’urgence assurée par les autorités éducatives aux niveaux provincial, municipal et cantonal. Dans ce contexte, on leur a dit qu’ils sont des « révolutionnaires chargés de préparer la prochaine génération à prendre en main l’avenir de la patrie » et qu’ils doivent donc être « équipés sur le plan idéologique, comme seuls des révolutionnaires doivent l’être ».

Cependant, selon la même source, certains enseignants ont bien senti que les directives, à savoir modifier à la main les manuels scolaires et même interdire de prononcer en classe le mot « réunification », étaient « ridicules ». « Mais ils doivent se taire, parce qu’ils savent qu’ils pourraient être virés pour avoir dit ce qu’il ne fallait pas. » Selon la source, le régime a même interdit certains chants en classe comme « Réunification, ne tarde pas » (« Reunification, May You Come Soon »).

(Avec Ucanews)