La criminalité en Asie du Sud-Est, une menace croissante pour la paix et la sécurité mondiale

Une femme birmane victime de trafic humain en Chine. La Birmanie, le Laos et le Cambodge sont impliqués dans un des plus importants réseaux de crime organisé au monde. Une femme birmane victime de trafic humain en Chine. La Birmanie, le Laos et le Cambodge sont impliqués dans un des plus importants réseaux de crime organisé au monde. © UN Women / Stuart Mannion (CC BY-NC-ND 2.0 )
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La Birmanie, le Cambodge et le Laos sont cités dans le dernier rapport de l’Institut des États-Unis pour la paix comme étant l’épicentre de la traite des êtres humains et du crime organisé, « qui évolue rapidement pour devenir le plus puissant réseau criminel de l’ère moderne ». Le rapport, intitulé « criminalité transnationale en Asie du Sud-Est : une menace croissante pour la paix et la sécurité mondiale », accuse les pays d’être impliqués dans la traite des personnes, le travail forcé, les centres d’arnaque en ligne et les jeux clandestins.

Trois pays d’Asie du Sud-Est, la Birmanie, le Cambodge et le Laos, sont accusés par un nouveau rapport de l’Institut des États-Unis pour la paix (UISP) d’avoir pillé presque 64 milliards de dollars à travers le monde en étant impliqués dans un des plus puissants réseaux criminels au monde.

« Les escroqueries de ce réseau sont mises en œuvre par plusieurs centaines de milliers d’individus, beaucoup d’entre eux étant dupés par des annonces promettant des emplois lucratifs dans les hautes technologies. Puis ils deviennent des victimes de la traite en étant transportés illégalement pour être forcés de travailler dans des centres », explique le rapport de l’USIP, publié le 13 mai et intitulé « criminalité transnationale en Asie du Sud-Est : une menace croissante pour la paix et la sécurité mondiale ».

« Les victimes du travail forcé, ainsi qu’un petit nombre de travailleurs participant volontairement à ces opérations, viennent de plus de soixante pays à travers le monde », ajoute le rapport. Tout indique que la protection de ces activités illégales (traite des êtres humains, travail forcé, cyber arnaques et jeux illégaux en ligne) est aujourd’hui d’un intérêt stratégique « pour les élites dirigeantes de Birmanie, du Cambodge et d’autres pays de la région », à cause de la profitabilité de ces activités et de la nature de l’implication des autorités.

Trois pays interconnectés pour échapper aux répressions

« Au Cambodge, la rentabilité des arnaques en ligne est estimée à plus de 12,5 milliards de dollars par an, soit la moitié du PIB officiel du pays, avec beaucoup de centres qui sont entre les mains des élites locales », ajoute l’organisation. De plus,celle-ci calcule que les fonds « pillés par les syndicats criminels basés dans les pays du Mékong dépassent 43,8 milliards de dollars par an – presque 40 % du PIB officiel combiné » des trois États impliqués.

Les prévisions de croissance du PIB du Cambodge, estimées à plus de 6 %, sont parmi les plus élevées au monde, et le FMI (Fonds monétaire international) a récemment révisé à la hausse (+35 %) le PIB du Cambodge, qui pourrait atteindre 41,9 milliards de dollars selon le journal cambodgien pro-gouvernement Khmer Times. Les perspectives économiques du FMI sont basées sur des chiffres collectés par les banques centrales de ses pays membres. « Une part significative de ces profits est signalée comme étant destinée à la junte birmane et aux élites dirigeantes du Cambodge et du Laos », indique le rapport de l’USIP.

C’est un fléau dont l’aggravation est attribuée à une série de causes dont la pandémie de Covid-19, qui a entraîné la fermeture forcée des casinos et des zones économiques spéciales. « La fusion des groupes criminels avec des élites locales corrompues a généré un écosystème malveillant qui évolue rapidement pour devenir le plus puissant réseau criminel de l’époque moderne », poursuit le rapport, qui explique que les trois pays sont interconnectés, ce qui permet aux réseaux d’échapper aux répressions occasionnelles en transférant les opérations d’escroquerie entre les pays.

Des relations étroites avec des membres du Parti communiste chinois

Le rapport note aussi que les opérations basées en Birmanie, le long des frontières chinoises et thaïlandaises, sont un moteur clé du conflit interne birman – une guerre civile déclenchée après le coup d’État de la junte qui a renversé le gouvernement civil élu début 2021. Mais une décision policière chinoise, fin 2023, d’imposer la fermeture des centres frontaliers de cyber arnaque en Birmanie a poussé beaucoup d’entre eux à être relocalisés dans le sud du pays, dans l’État Karen sur la frontière avec la Thaïlande – près de Mae Sot –, ainsi qu’au Cambodge et au Laos.

« Les centres de cyber arnaque en Birmanie ont également une enceinte de protection armée fournie par les gardes-frontières sous l’autorité des militaires birmans ou de leurs alliés », souligne le rapport. L’USIP donne un avis mitigé sur la Chine – dont les lois sont strictes contre les jeux clandestins et les cyber arnaques, ce qui a poussé les groupes criminels chinois vers l’Asie du Sud-Est. Selon l’organisation, ceci leur a permis de « puiser à bonne distance dans ce marché lucratif, en s’alliant aux élites locales tout en se protégeant » de la loi chinoise.

Toutefois, selon l’USIP, si la police chinoise a tenté de réprimer ces réseaux, les groupes criminels ont malgré tout maintenu des relations étroites avec des membres du Parti communiste chinois et d’autres acteurs de l’État. « Pendant ce temps, la corruption généralisée en Chine pose aussi un problème majeur en freinant la répression chinoise, les agences anticorruption étant confrontées à de nombreux cas de policiers ayant accepté des pots-de-vin et avantages afin d’ignorer des activités illégales ou de minimiser les poursuites. »

L’USIP note aussi que si « la Birmanie, le Cambodge et le Laos forment l’épicentre de l’activité criminelle régionale, la plupart de ces pays contribuent d’une manière ou d’une autre aux opérations des réseaux en facilitant le transfert illégal des victimes de travail forcé vers les centres d’arnaques ». Selon le rapport, cela a fourni une base financière pour blanchir les recettes des activités illégales et contribuer au développement des technologies numériques avancées essentielles à la cybercriminalité, aux jeux clandestins et aux fraudes financières sophistiquées perpétrées par les réseaux criminels.

(Avec Ucanews)