Vietnam

La pauvreté chronique alimente le trafic d’êtres humains au Vietnam

Une femme distribue de la glace dans la province centrale de Thua Thien Hue. Une femme distribue de la glace dans la province centrale de Thua Thien Hue. © Ucanews
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Les médias vietnamiens signalent une hausse alarmante du nombre de victimes de la traite des personnes au Vietnam. Rien qu’en 2022, les autorités ont identifié 255 victimes, dont 102 femmes, 153 hommes et 74 enfants – soit 126 victimes de plus qu’en 2021. Les autorités ont réprimé 1 832 affaires de trafic humain et secouru 8 300 victimes entre 2012 et 2023. La longue frontière vietnamienne, qui s’étend sur plus de 4 000 km avec la Chine, le Laos et le Cambodge, fournit de nombreuses ouvertures qui facilitent la prolifération des trafics.

En 2020, à l’âge de 19 ans, Anh Nguyen Dang a reçu une offre d’emploi particulièrement attractive, avec l’opportunité de vivre dans de meilleures conditions hors de son village, dans la province centrale de Thua Thien Hue. La femme bien habillée à l’origine de cette proposition, qui lui proposait de l’embaucher dans son entreprise, lui avait assuré qu’elle toucherait un salaire régulier.

En accompagnant cette femme vers sa maison située dans la province voisine de Quang Tri, Anh Nguyen Dang se souvient s’être vu offrir à boire, avant d’être droguée et emmenée dans un casino dirigé par des Chinois à Savannakhet, au Laos. Là, elle a été vendue pour 120 millions de dongs (4 300 euros) et forcée de se prostituer.

Durant plus de deux ans, elle est devenue esclave sexuelle au Laos. « Je déteste les trafiquants de toutes mes forces pour les ravages qu’ils ont causés dans ma vie et dans les vies de tant d’autres personnes. Leurs actions mauvaises nous condamnent à un véritable enfer sur terre, et nous privent de notre dignité et de notre humanité », dénonce la victime.Elle a voulu s’échapper, mais on lui a demandé de payer une rançon de 150 millions de dongs. Toutefois, faute de pouvoir payer ou contacter sa famille, elle est restée captive. Elle n’a pu être libérée que fin 2022.

1 832 affaires de trafic humain et 8 300 victimes entre 2012 et 2023

Les médias vietnamiens signalent une hausse alarmante du nombre de victimes de la traite des personnes au Vietnam. Rien qu’en 2022, les autorités ont identifié 255 victimes, dont 102 femmes, 153 hommes et 74 enfants – soit 126 victimes de plus qu’en 2021. Les autorités ont réprimé 1 832 affaires de trafic humain et secouru 8 300 victimes entre 2012 et 2023. La part de victimes masculines est passée de 10 % à 40 % entre 2020 et 2023. La plupart des survivants, qui avaient besoin d’emplois pour survivre et faire vivre leur famille, se sont retrouvés bloqués en Chine, au Cambodge ou au Laos.

La longue frontière vietnamienne, qui s’étend sur plus de 4 000 km et qui compte de nombreux chemins, croisements et raccourcis, fournit de nombreuses ouvertures qui facilitent la prolifération des trafics. Beaucoup de victimes comme Anh Nguyen Dang ont été attirées avec des offres d’emplois lucratifs ou de mariages avec des riches étrangers, avant de se retrouver victimes de réseaux de drogue, de cyber-arnaque ou d’exploitation sexuelle.

Une ancienne victime de trafic humain (à droite) dans un marché local (juin 2024, province de Thua Thien Hue).
Une ancienne victime de trafic humain (à droite) dans un marché local (juin 2024, province de Thua Thien Hue). Crédit : Ucanews
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« Il faudra des années pour guérir »

Certains ont même été victimes de trafic d’organes et forcés de payer une rançon pour leur libération. Des handicapés ont aussi été victimes d’exploitation, forcés de mendier ou soumis à des tests chimiques, d’armes ou de médicaments, selon des rapports du gouvernement. Selon Anh Nguyen Dang, d’autres femmes captives au casino venaient aussi du Cambodge, du Laos, de Malaisie, de Birmanie et des Philippines. « Je ne connais pas leur nombre exact, mais il y en avait beaucoup. »

Sœur Marie Tran, qui lutte contre ce fléau, explique que beaucoup de gens issus des provinces de Ha Tinh et de Nghe An sont trompés par des « passeurs de migrants » promettant des opportunités d’emplois à l’étranger. La religieuse de l’Association des Missionnaires de la Charité de la province de Nghe An ajoute que « les victimes sont incitées à payer de fortes sommes afin d’échapper à la pauvreté en espérant gagner facilement de l’argent à l’étranger ». Elle explique qu’elles espèrent ainsi envoyer de l’argent régulièrement à leur famille. La religieuse confie que les survivants reviennent avec d’importants traumatismes physiques et psychologiques. Leurs dettes insurmontables et leurs frais de voyage rendent aussi la reconstruction difficile.

Anh Nguyen Dang confie qu’elle a effectivement reçu un soutien psychologique et financier de la part d’un groupe caritatif catholique local. « Aujourd’hui, je travaille chez un marchand de fruits et je peux gagner de l’argent pour moi et ma famille. Toutefois, la guérison intérieure prendra des années », assure-t-elle, en appelant à sensibiliser les gens sur les trafiquants afin « d’éviter d’être victimes » à leur tour.

(Avec Ucanews)