Léon XIV et la Chine : malgré les défis à venir, la fidélité des catholiques chinois éclaire le début du pontificat

Quelques jours après la mort du pape François, les autorités chinoises ont « élu » deux évêques alors que le Siège épiscopal était vacant, et la Chine a presque totalement ignoré les funérailles du défunt pape le 26 avril. Cependant, après l’élection du pape Léon XIV le 8 mai dernier, les réactions officielles chinoises sont arrivées plus rapidement, bien que se limitant au niveau diplomatique. De leur côté, les fidèles chinois ont suivi avec ferveur les événements et prient déjà pour le nouveau pape.

Dix jours après l’élection du cardinal Prevost comme 267^e successeur de Pierre, la Chine et Taïwan font partie des chantiers majeurs qui attendent le nouveau pape Léon XIV. De nombreux catholiques chinois attendent de voir quelle va être la réaction du Vatican alors que le 28 avril, une semaine après la mort du pape François le 21 avril, l’Association patriotique des catholiques chinois (APCC), l’organe catholique officiel contrôlé par l’État, a élu le père Wu Jianlin, vicaire général du diocèse de Shanghai, comme nouvel évêque auxiliaire. Et le jour suivant, comme l’indique l’agence Ucanews, le père Li Jianlin a été élu comme nouvel évêque du diocèse de Xinjiang.

De nombreux médias catholiques ont interprété cela comme un « geste symbolique » destiné à revendiquer l’autonomie de l’Église chinoise vis-à-vis du Vatican, quelques jours avant le conclave qui devait élire le nouveau pape. Selon l’accord provisoire Chine-Vatican (signé en 2018 et renouvelé pour la troisième fois en octobre 2024 pour quatre ans), les deux parties sont censées nommer conjointement les évêques du pays. Mais le Saint-Siège ne pouvait pas ratifier « l’élection » de ces deux évêques comme elles ont eu lieu alors que le Siège Apostolique était vacant. Selon l’agence Asianews, leur élection devrait servir de banc d’essai pour l’avenir de l’accord Chine-Vatican sur les nominations épiscopales.

Ferveur des catholiques chinois, réaction plus discrète des autorités

En attendant de connaître ce que sera la diplomatie du Saint-Siège vis-à-vis de la Chine sous le nouveau pape Léon XIV, les catholiques chinois ordinaires ont suivi son élection avec ferveur, comme l’assure Asianews en soulignant que dans beaucoup d’églises chinoises, dès le 9 mai, le nom du nouveau pape était déjà inclus dans la prière eucharistique durant les célébrations. Un évêque chinois l’a confié dès le jour de son élection à l’Agence Fides : « Je suis heureux car, dans peu de temps, lors de la messe du matin, je pourrai déjà prononcer le nom du pape et prier pour le nouveau Souverain Pontife ».

La fumée blanche est apparue quand il faisait nuit en Chine, mais malgré l’heure tardive, les catholiques chinois sont restés rivés à leurs ordinateurs, tablettes ou smartphones, attendant l’annonce et les premières paroles du nouveau pape. Selon Fides, les messages de félicitations et les prières de remerciement se sont multipliés, sur le web et lors des premières messes matinales célébrées par les fidèles chinois, qui prient « pour un monde et une Église bénis par Dieu à travers le ministère pastoral du pape Prevost ». Le choix du nom « Léon », qui a une dimension historique mais qui regarde en même temps vers le présent et l’avenir, a également été très apprécié par les catholiques chinois.

Quant aux deux groupes catholiques officiels soutenus par le gouvernement chinois, l’Association patriotique des catholiques chinois et la Conférence des évêques de Chine (non reconnue en tant que telle par Rome), l’agence officielle chinoise Xinhua a indiqué qu’ils ont envoyé rapidement leurs félicitations. Dès la nuit du 8 au 9 mai, les deux organes catholiques contrôlés par l’État ont félicité « le pape Léon XIV pour son élection comme nouveau pape », sans doute avec un message dont le contenu n’a pas été rendu public.

« L’accord Chine-Vatican est loin de faire l’unanimité »

Le ministre des Affaires étrangères chinois Lin Jian a également réagi en répondant aux questions d’un journaliste de l’agence de presse AP : « Nous félicitons le cardinal Robert Prevost pour son élection. Nous espérons que sous la direction du nouveau pape, le Vatican continuera de maintenir le dialogue avec la Chine dans un esprit constructif. »

Cependant, le média philippin Rappler remarque que ces réactions des autorités chinoises se limitent une nouvelle fois au niveau diplomatique, mais que ni l’Association patriotique ni les différents diocèses chinois n’ont publié de réaction officielle sur leur site internet ou leur profil WeChat. Ce qui suggérerait qu’aucun évêque chinois ne devrait assister à la messe inaugurale de Léon XIV ce dimanche 18 mai sur la place Saint-Pierre.

Comme l’écrivait le journaliste Dorian Malovic, le 13 mai dans La Croix, « il aura fallu attendre, comme d’habitude, une petite journée avant toute réaction officielle » de la part de la Chine. Quant à l’avenir, il notait que « dans la réalité, si plusieurs cas d’évêques trop politiques ou d’autres clandestins ont été réglés [par l’accord Chine-Vatican] », celui-ci « est loin de faire l’unanimité au sein de l’Église catholique de Chine et de ses 12 millions de fidèles ».

Taïwan félicite Léon XIV en rappelant 83 ans de liens diplomatiques

Du côté de Taïwan, le président Lai Ching-te a envoyé ses félicitations au nouveau pape Léon XIV, le vendredi 9 mai au lendemain de son élection, en assurant que l’île espère continuer de bâtir sur les liens existants entre Taipei et le Saint-Siège.

Comme le rappelle Rappler, le Vatican fait partie des seulement douze pays à maintenir des liens diplomatiques officiels avec l’île toujours revendiquée par Pékin, même si Lai n’a pas assisté aux funérailles du pape François le mois dernier, en envoyant l’ancien vice-président Chen Chien-jen, fervent catholique. François a largement tendu la main à la Chine officiellement athée, ce qui a suscité l’inquiétude de Taïwan.

Selon le ministère des Affaires étrangères de Taïwan, Lai a envoyé un message de félicitations via son ambassade au Vatican. « Nous espérons bâtir sur nos liens diplomatiques avec le Saint-Siège, qui durent depuis 83 ans, afin de faire avancer la paix, la justice, la solidarité et la générosité », a-t-il écrit en anglais sur son compte X. Le ministère des Affaires étrangères de Taïwan n’a pas indiqué si Lai comptait se rendre à la messe d’inauguration du pontificat du pape Léon XIV, qui aura lieu ce dimanche 18 mai sur la place Saint-Pierre. En 2013, l’ex-président Ma Ying-jeou s’était rendu à la messe d’inauguration de François.

Vendredi 9 mai, l’ambassade de Taïwan près le Saint-Siège a publié une photo de son ambassadeur sortant, Matthew Lee, en train de serrer la main de Léon XIV alors qu’il était encore le cardinal Prevost lors d’un événement au Vatican en 2023. Lee a indiqué à l’agence officielle taïwanaise Central News Agencyque durant cette rencontre, quand l’ambassadeur a dit au futur pape Léon XIV qu’il venait de Taïwan, ce dernier lui a assuré qu’il comprenait la différence entre « la démocratie taïwanaise et la Chine communiste ».

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