Les jeunes birmans commencent à recevoir les avis de conscription de la junte

Des paroissiens de la cathédrale du Christ-Roi de Loikaw, avant l’occupation des locaux par l’armée birmane en novembre 2023. Des paroissiens de la cathédrale du Christ-Roi de Loikaw, avant l’occupation des locaux par l’armée birmane en novembre 2023. © Asianews
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La semaine dernière, la junte a débuté l’enrôlement forcé de près de 5 000 jeunes hommes et femmes birmans, afin de renforcer ses troupes face aux désertions et aux pertes subies. Selon le Conseil consultatif spécial pour la Birmanie, un groupe d’experts soutenant les efforts pro-démocratie en Birmanie, la junte ne peut revendiquer le « contrôle stable » que sur 17 % du pays actuellement. Le problème étant le manque d’une force homogène de la part des groupes rebelles, avec une stratégie politique et militaire efficace sur le terrain.

La junte birmane a débuté l’envoi des avis de conscription (service militaire obligatoire) adressés aux jeunes hommes et femmes désignés pour renforcer les rangs de la junte. Cette opération a été lancée afin d’ajouter près de 5 000 soldats aux forces de la junte, face à des désertions et des pertes subies sur le terrain après des mois de combats acharnés contre les milices ethniques et les Forces de défense populaire (PDF).

Des avis de conscription standardisés, adressés à des hommes âgés de 18 à 35 ans et à des femmes âgées de 18 à 27 ans, ont été reçus la semaine dernière, après l’annonce par la junte d’une nouvelle loi sur la conscription obligatoire, prévoyant des poursuites en cas de refus de la part des conscrits. « Ces lettres ont été reçues par des amis chez moi », signale une recrue récente des PDF rebelles, depuis la ville de Mae Sot près de la frontière thaïlandaise.

« Je sais que les militaires veulent m’appeler moi aussi à servir, c’est pourquoi je suis venu ici pour rejoindre la révolution. Je ne me battrai pas pour la junte », déclare-t-il. Une autre recrue des PDF confie : « Il n’y a nulle part où aller. Je ne veux pas aller à l’étranger. Je ne me battrai pas pour les militaires, je les combattrai jusqu’au bout. Si je suis forcé de vivre dans la jungle, je le ferai. »

Sentiment d’urgence de la junte face aux rebelles

Des bombardements, des combats acharnés et de nombreuses défections ont été rapportés le long de la frontière la semaine dernière. Selon les PDF (la branche armée du Gouvernement d’unité nationale – NUG), ces désertions sont révélatrices des lourdes pertes subies par la junte menée par le général Min Aung Hlaing.

Deux groupes de déserteurs ont notamment franchi la frontière près de Mae Sot la semaine dernière, selon Ucanews et Radio Free Asie (RFA). Le premier groupe, qui comptait 48 soldats, a traversé la frontière le 19 mars après des attaques lancées par les rebelles Karens. L’autre groupe, qui comptait 26 soldats, a fui en Thaïlande le 21 mars près du poste-frontière de Myawaddy-Mae Sot, où des militaires thaïlandais ont confisqué leurs armes.

L’escalade récente des violences en Birmanie a notamment causé la mort d’un pasteur baptiste selon le Centre d’information Karen (Karen Information Center). Un policier a aussi été tué dans l’État Chin, dans le nord du pays, après une attaque lancée par le groupe armé CDF (Chinland Defence Force) contre des troupes de la junte basées dans une école. Également dans le Nord, l’Armée pour l’indépendance Kachin (KIA) a revendiqué le contrôle d’une autre base de la junte le 24 mars au matin, forçant la fuite de 50 soldats. Le groupe rebelle affirme avoir pris le contrôle de neuf foyers importants de la junte au cours des derniers jours.

Les analystes estiment que les PDF et les Organisations ethniques armées (EAO) préparent une offensive majeure pour avril, ce qui renforce le sentiment d’urgence de la junte, qui a précipité son opération de recrutement forcé via la conscription obligatoire. Selon l’ONG américaine USIP (United States Institute for Peace), si la junte revendique environ 150 000 soldats parmi ses troupes, seuls 70 000 d’entre eux seraient prêts au combat.

« Leur principale difficulté est de se battre comme une force homogène »

David Gum Awng, ministre adjoint pour la Coopération internationale du NUG (le gouvernement rebelle en exil), a déjà affirmé que ces chiffres sont insuffisants. De leur côté, les forces combinées des PDF et des EAO compteraient près de 200 000 soldats – environ 135 000 pour les EAO et 65 000 pour les PDF.

Ces troupes rebelles seraient soutenues par environ 200 000 travailleurs participant au mouvement de désobéissance civile. « Leur principale difficulté est de se battre comme une force homogène avec une stratégie politique et militaire efficace sur le terrain, pour que tout le monde soit dans le même bateau via une même entité alliée chargée du commandement et du contrôle direct de l’ensemble », explique le conseiller militaire indépendant Ross Milosevic. « S’ils parviennent à dépasser leurs différences, alors la junte pourrait être vaincue d’ici la fin de l’année », assure-t-il.

Le Conseil consultatif spécial pour la Birmanie, un groupe d’experts soutenant les efforts pro-démocratie en Birmanie, estime qu’à l’heure actuelle, la junte ne peut revendiquer le « contrôle stable » que sur environ 17 % du pays, tandis que près de 23 % du territoire national est disputé. Selon le conseil, les forces combinées des PDF et des EAO assurent un contrôle effectif sur plus de 52 % de la Birmanie.

En attendant, l’armée thaïlandaise a annoncé avoir envoyé un convoi d’aide pour soutenir la mission humanitaire menée en Birmanie par la Croix Rouge thaïlandaise. Selon une source citant le média local Transborder News, le convoi est arrivé ce lundi 25 mars à Mae Sot, et les aides doivent être distribuées à l’ouest de Myawaddy aux villageois qui ont souffert à cause des combats de la semaine dernière.

(Avec Ucanews)