Les minorités religieuses pakistanaises manquent de protection selon un rapport

Une messe en décembre 2023 à l’église catholique de la Sainte-Croix, à Basti Saiden Sah, Lahore. Une messe en décembre 2023 à l’église catholique de la Sainte-Croix, à Basti Saiden Sah, Lahore. © Kamran Chaudhry / Ucanews
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Un nouveau rapport publié le 23 avril dénonce la situation des droits de l’homme au Pakistan en 2023, en particulier les droits des minorités religieuses. Le rapport cite 193 cas de violence religieuse l’an dernier dont 113 contre les chrétiens, 42 contre les ahmadis, 34 contre les hindous et un contre les sikhs. On compte également 35 personnes tuées pour des raisons religieuses, contre 19 en 2022. Selon l’organisation Portes Ouvertes, le Pakistan est classé 7e parmi les pays où les chrétiens rencontrent le plus de persécutions.

Le Pakistan est à nouveau sous le feu des critiques avec un nouveau rapport pour l’année 2023, qui dénonce la situation des droits humains dans le pays, en particulier concernant la protection des droits des minorités et les attaques en hausse contre les minorités religieuses. Le dernier rapport du Département d’État américain (2023 Country Reports on Human Rights Practices), publié le 23 avril, couvre les droits individuels, politiques et du travail reconnus à l’international, en se basant sur la Déclaration universelle des droits de l’homme et d’autres accords internationaux.

Le rapport souligne qu’il y a eu peu de changements significatifs au Pakistan depuis l’année précédente. Les violences contre les minorités religieuses ont continué en 2023, notamment les conversions forcées, les mariages précoces et forcés ainsi que des attaques de foules ciblant les minorités. Le Pakistan compte environ 241 millions d’habitants, dont 96,3 % de musulmans, 1,6 % d’hindous et 1,6 % de chrétiens. D’autres minorités religieuses comme les sikhs, les bouddhistes et les zoroastriens sont moins d’1 % selon la Commission américaine sur la Liberté religieuse internationale.

L’an dernier, des ONG et autres organisations pour la défense des droits de l’homme ont également signalé une augmentation des violences contre les minorités au Pakistan. Un total de 193 actes de violence contre les minorités religieuses a été enregistré dans le pays l’an dernier, selon le centre CRSS (Center for Research and Security Studies) basé à Islamabad. Sur ces affaires, 113 visaient les chrétiens, 42 les ahmadis (une secte musulmane considérée comme hérétique par les musulmans radicaux) et 34 les hindous, ainsi qu’un incident contre la minorité sikh. Selon le CRSS, 35 personnes, majoritairement issues des minorités, ont été tuées par des violences religieuses l’an dernier, contre 19 en 2022.

« Les violences religieuses restent un problème grave en 2023 »

Le rapport du Département d’État américain, qui cite des informations publiées par plusieurs ONG pakistanaises, les tribunaux du pays n’ont pas suffisamment protégé les minorités religieuses contre la majorité musulmane, qui les accusent régulièrement de violer les lois sur le blasphème. Le Code pénal pakistanais punit la diffamation contre l’islam et le prophète Mohammed avec des peines allant jusqu’à la perpétuité et la peine de mort.

« Bien que la majorité des détenus pour blasphème soient musulmans, les minorités religieuses sont affectées de manière disproportionnée », affirme le rapport, qui estime que les tribunaux concernés craignent les représailles des groupes extrémistes en cas d’acquittement des personnes accusées de blasphème. Le rapport souligne aussi que les conversions forcées et l’application des lois sur le blasphème sont des questions qui concernent particulièrement les minorités religieuses. « Les violences sociétales dues à l’intolérance religieuse restent un problème grave. Il y a eu plusieurs signalements de violences de foules contre les minorités, dont les chrétiens, les ahmadis et les hindous. »

Appel à supprimer tout « contenu haineux » des programmes scolaires

Zohra Yusuf, journaliste et ancienne présidente de la Commission des droits de l’homme du Pakistan (HRCP), reconnaît qu’il n’y a pas eu d’amélioration sérieuse de la situation dans le pays. « Les plus affectés sont les membres de la communauté ahmadi. Leurs lieux de culte et leurs cimetières sont attaqués. Ils sont clairement les plus persécutés au Pakistan. »

Elle explique également que les hindous sont les plus touchés par les conversions forcées dans la province de Sindh, et que les filles sont enlevées dans la région afin d’être converties à l’islam et mariées à des musulmans. « Quand elles demandent de l’aide aux tribunaux, pour ces derniers, la question est toujours de déterminer si les victimes sont considérées comme adultes ou non. Et même si elles obtiennent justice, ce n’est jamais facile de se relever après tout ce qu’elles ont subi. »

Nasir William, membre d’une ONG locale, le Centre pour la justice sociale, ajoute que c’est « à cause d’un état d’esprit que nous avons entretenu que ce genre de choses arrivent ». Il estime que la situation ne peut s’améliorer que si les gens sont suffisamment sensibilisés sur les droits de l’homme et que cette question est développée dans les programmes scolaires, pour que les enfants l’apprennent dès le plus jeune âge. Selon Nasir, de telles initiatives permettraient d’éduquer les futures générations. Il appelle aussi les autorités à supprimer tout « contenu haineux » des programmes enseignés dans les établissements scolaires.

(Avec Ucanews)