Manipur : l’évêque d’Imphal prie au milieu des églises en ruine pour le premier anniversaire des violences

Mgr Linus Neli au milieu des ruines de l’église catholique Saint-Joseph de Sugnu, incendiée l’an dernier au Manipur. Mgr Linus Neli, archevêque d’Imphal, en février au milieu des ruines de l’église Saint-Joseph de Sugnu, incendiée l’an dernier au Manipur. © Diocèse d’Imphal / Asianews
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Du 3 au 5 mai, un an après le début des violences interethniques dans le nord-est de l’Inde, Mgr Linus Neli, archevêque d’Imphal (capitale de l’État du Manipur), a annoncé trois jours de prière et de jeûne. Afin de lancer ce nouvel appel à la paix dans la région, le diocèse a publié plusieurs photos de l’évêque en prière dans des églises en ruine, à genoux et les bras vers le ciel. Le bilan des violences s’élève à au moins 220 victimes, sans compter plusieurs centaines d’églises chrétiennes et de temples hindous dévastés.

Ce vendredi 3 mai, Mgr Linus Neli, archevêque d’Imphal (capitale de l’État du Manipur, dans l’extrême nord-est de l’Inde), a appelé sa communauté diocésaine à prendre part à trois jours de jeûne et de prière pour la paix et la réconciliation, afin de marquer le premier anniversaire depuis le début des violences interethniques dans la région. Il a fait cette annonce en publiant une photo de lui prise en février dernier, à genoux et levant les bras vers le ciel au milieu des ruines de l’église catholique Saint-Joseph de Sugnu, une des centaines d’églises incendiées durant le conflit au Manipur.

« Je dis aux miens : priez pour la paix et la réconciliation, ne perdez pas espoir », a déclaré l’évêque. « Mais les instruments de la paix sont bien faibles… Les agents de la paix doivent être fortifiés et nous avons besoin d’actions positives de la part du gouvernement de l’État [du Manipur] et des autres autorités. Je prie Dieu pour lui demander sa force et sa lumière. » Trois jours de jeûne et de prière pour commémorer trois jours dramatiques survenus l’an dernier du 3 au 5 mai, quand les violences ont éclaté à Imphal, une ville majoritairement Meitei, et dans les régions montagneuses alentours, où vit en majorité l’ethnie Kuki.

Les deux ethnies se sont divisées autour d’un conflit territorial, dans une région pauvre de l’Inde ; mais les tensions ont aussi pris une dimension religieuse, les Meiteis étant majoritairement hindous, et les Kukis chrétiens, dans un État dirigé par le parti nationaliste hindou du BJP (Bharatiya Janata Party), soutenu par la majorité Meitei.

« Plusieurs centaines des nôtres sont toujours dans une situation de grande détresse »

Le bilan officiel des victimes est d’au moins 220 personnes, mais de nombreuses sources estiment que ce chiffre est largement sous-estimé. Aujourd’hui, près de 60 000 militaires ont été déployés par le gouvernement fédéral afin de maintenir les deux communautés séparées, bien que quelques épisodes de violences continuent de survenir ponctuellement dans certaines régions. Par-dessus tout, plusieurs milliers d’habitants ont tout perdu et sont toujours déplacés loin de chez eux.

La situation reste tout sauf paisible, et le malaise omniprésent était clairement visible il y a quelques jours, quand les élections ont eu lieu au Manipur dans le cadre de la première phase géographique du scrutin national (qui continue en sept étapes jusqu’au 1er juin, pour élire les membres du Parlement indien, la Lok Sabha).

Dans ce contexte, Mgr Neli a appelé les catholiques du Manipur à se souvenir du premier anniversaire des évènements tragiques de mai 2023, en priant et en jeûnant. Bien que la situation semble à nouveau relativement calme aujourd’hui, il a tenu à souligner que « nous ne sommes que trop conscients du scénario actuel de ségrégation ethnique ». « Plusieurs centaines des nôtres sont toujours dans une situation de grande détresse, de souffrance et d’incertitude, dans des camps de réfugiés et dans des conditions précaires. Prions sans cesse pour que vienne le jour où les membres de toutes les ethnies et communautés religieuses pourront vivre en paix sur cette belle terre du Manipur. »

369 églises et plusieurs centaines de temples hindous dévastés l’an dernier

En évoquant les trois jours de violences du 3 au 5 mai 2023, l’archevêque d’Imphal a demandé aux fidèles de « tomber à genoux en redoublant de ferveur dans nos prières, pour une réconciliation véritable et pour la paix et la justice entre tous les hommes ». Avec d’autres groupes et organisations, l’Église catholique au Manipur a été parmi les premiers sur le terrain à apporter une action humanitaire, un dialogue pour la paix et une prière constante pour une solution pacifique.

Mgr Neli, citant un passage biblique du prophète Isaïe (Is 57, 18-19), a ajouté : « Nous croyons fermement que Dieu entendra nos prières et guérira notre terre : il nous conduira et nous comblera de consolations ; il donnera ‘la paix à celui qui est loin, et à celui qui est proche’. » Il a conclu son message en invitant « toutes les personnes de bonne volonté au Manipur à donner une chance à la paix ». Il a aussi publié plusieurs photos de lui priant dans certaines des églises incendiées et détruites lors des violences, en invitant les paroisses locales à participer aux trois jours de prière.

Selon les derniers chiffres, 369 églises et plusieurs centaines de temples hindous ont été dévastés. La All-Manipur Christian Organisation, qui associe des communautés chrétiennes de plusieurs confessions présentes dans la région, a aussi organisé une rencontre de prière œcuménique le 3 mai au matin dans l’église baptiste Tangkhul de Dewlahland, un district d’Imphal.

(Avec Asianews)