Ouïghours : « Le monde arabe ne devrait pas se laisser influencer par la Chine » au Xinjiang

Une scène de rue dans la ville de Kashgar, au Xianjiang, dans le nord-ouest de la Chine. Une scène de rue dans la ville de Kashgar, au Xianjiang, dans le nord-ouest de la Chine. © ChiralJon / CC BY 2.0 DEED
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Face à la répression de la minorité musulmane ouïghoure au Xinjiang, le monde islamique reste majoritairement silencieux. Les nations musulmanes semblent de moins en moins prêtes à critiquer la Chine pour ce qui est dénoncé comme un « génocide culturel », parce qu’elles ont besoin de son soutien politique et de son investissement. Fin mars, une délégation de responsables palestiniens et arabes a fait l’éloge de la politique chinoise et dénoncé les rapports d’abus publiés par les gouvernements occidentaux comme étant des « fausses informations ».

Le silence du monde islamique, en particulier au Moyen Orient, sur les violations des droits de l’homme contre la minorité musulmane ouïghoure dans la région autonome du Xinjiang, au nord-ouest de la Chine, contrebalancé par les louanges intéressées envers Pékin, a franchi une nouvelle étape. Une délégation de responsables politiques palestiniens et arabes a même fait l’éloge de la politique du dragon chinois et dénoncé les rapports d’abus publiés par les gouvernements occidentaux comme des « fausses informations » lors d’une visite récente dans la région, provoquant une réponse indignée – et critique – de la part des experts et militants locaux et internationaux.

Selon le GlobalTimes, le quotidien anglophone du Parti communiste chinois (PCC), la délégation était dirigée par Bassam Zakarneh, membre du Conseil palestinien révolutionnaire du Fatah ; de plus, elle était composée de représentants politiques de Syrie, d’Égypte, du Liban, d’Irak, du Yemen, de Jordanie et de Tunisie. Le 27 mars dernier, le chef du PCC au Xinjiang, Ma Xingrui, a accueilli les délégués à Urumqi, la capitale de la région autonome. Le but de la visite, selon un rapport du Xinjiang Daily, était de montrer une vision générale de la situation dans la région occidentale chinoise et de véhiculer le récit d’une province pacifique et dynamique auprès de la communauté internationale.

Cette histoire est en contraste total avec les dénonciations des États-Unis et des chancelleries occidentales, qui ont accusé Pékin à maintes reprises de perpétuer une politique de « génocide culturel » contre les quelque 11 millions de musulmans ouïghours, en emprisonnant, torturant et stérilisant ceux qui n’obéiraient pas. Pékin a rejeté continuellement ces accusations, en affirmant que les (supposés) camps de concentration étaient en réalité des centres de formation professionnelle aujourd’hui fermés. Selon les médias pro-Pékin, durant la visite, la délégation aurait salué « les mesures de gouvernance créatives de la Chine » et ses « progrès sans-précédents » en termes de développement économique.

« La Chine cherche à renforcer son influence globale »

Le responsable de la délégation aurait également déclaré que « tous les groupes ethniques vivent bien, jouissent pleinement de la liberté religieuse et ont le sourire aux lèvres », bien que l’article en question ne mentionne pas les noms de ceux qui auraient fait ces déclarations. Toutefois, selon les spécialistes et chercheurs de la région, Pékin aurait orchestré chaque moment et chaque aspect de la visite, établissant a priori ce que les délégués pourraient voir ou non. Pour Mustafa Akyol, chercheur de l’institut Cato, un think tank américain, « le monde arabe ne devrait pas se laisser influencer par la Chine » et sa propagande.

Dans le passé, à plusieurs reprises, des analystes, ONG et groupes militants ont montré que Pékin utilisait ces visites au Xinjiang afin de convaincre d’autres groupes musulmans et de les éloigner des sphères d’influence américaines et occidentales. Ainsi, la Chine a également soutenu les Palestiniens, en essayant d’étendre son influence au Moyen-Orient, ainsi qu’on l’a vu aussi dans le rôle de médiateur joué par Pékin dans la reprise des relations entre l’Iran et l’Arabie Saoudite.

Il y a dix mois, lors d’une visite à Pékin, le président palestinien Mahmoud Abbas a dit à son homologue chinois Xi Jinping qu’il estimait que la question du Xinjiang, souvent présentée comme relative aux droits de l’homme, était en fait une bataille contre le terrorisme, l’extrémisme et le séparatisme. « La Chine cherche à parvenir à un consensus et à renforcer son influence globale », explique Ma Ju, un musulman Hui (un groupe ethnico-culturel musulman chinois) vivant aux États-Unis. Par ailleurs, les nations musulmanes risquent d’être de moins en moins prêtes à critiquer la Chine, parce qu’elles ont besoin de son soutien politique et de son investissement.

(Avec Asianews)