Un conseil interreligieux contre un nouveau module islamique dans les écoles publiques
Deux filles musulmanes en scooter après l’école, à Langkawi dans le nord-ouest de la péninsule malaisienne. © CEphoto, Uwe Aranas / CC-BY-SA-3.0Le 02/09/2023
La semaine dernière, le Conseil consultatif malaisien du bouddhisme, du christianisme, de l’hindouisme, du sikhisme et du taoïsme, organisation interreligieuse de premier plan en Malaisie, a dénoncé la mise en œuvre d’un nouveau module par le ministère de l’Éducation. Ce dernier recommande les enseignements des « Hadiths » dans les écoles publiques du pays, ce que le conseil considère comme « anticonstitutionnel » : « L’école nationale doit favoriser l’unité, et non introduire des politiques semant la division. »
La première organisation interreligieuse en Malaisie, le Conseil consultatif malaisien du bouddhisme, du christianisme, de l’hindouisme, du sikhisme et du taoïsme (MCCBCHST), a dénoncé la mise en œuvre récente, par le ministère de l’Éducation nationale, d’un module recommandant les enseignements des « Hadiths » dans les écoles publiques du pays. Pour le conseil interreligieux, cette nouvelle mesure est « anticonstitutionnelle ».
Dans un communiqué, l’organisation a déclaré que l’application du module portant sur « les 40 Hadiths de l’imam Al Nawawi » viole la liberté religieuse censée être garantie par la Constitution, parce qu’elle épouse totalement le mode de vie islamique, selon une information publiée le 23 août par le quotidien local Malay Mail. L’imam Al Nawawi (1230-1277) était un dignitaire religieux, juriste et érudit islamique né d’origine syrienne, auteur de plusieurs ouvrages interprétant les Hadiths – recueils de paroles et d’actes relevant de la communication orale selon la tradition musulmane, lus et pratiqués dans de nombreux pays islamiques.
« Les ‘Hadiths’ font clairement partie de la religion de l’islam. Il semble qu’il n’y ait aucune provision dans notre Constitution fédérale [FC] qui autorise de tels enseignements islamiques dans les écoles publiques. Cela peut très bien être mis en place dans les écoles religieuses islamiques », a souligné le conseil interreligieux. Pour ce dernier, la Constitution fédérale autorise chaque personne à pratiquer sa propre religion, et empêche de la contraindre à prendre part à tout culte ou acte religieux autres que le sien, tandis que la mise en place du module sur les 40 Hadiths transmettrait non seulement les valeurs des enseignements islamiques mais aussi « les fondamentaux religieux » de l’islam.
Le conseil a reconnu que l’article 3(1) de la Constitution stipule aussi que « l’islam est la religion de la fédération », tout en précisant que c’est seulement en référence aux rituels et cérémonies islamiques. « Cela ne concerne pas l’islam vu comme un concept universel, car il est en général compris comme un système de vie intégral », a poursuivi l’organisation interreligieuse.
« Une école nationale doit être un lieu où l’unité est favorisée »
Le groupe a également souligné que l’article 12(2) de la Constitution précise que « chaque groupe religieux a le droit d’établir et maintenir des institutions pour l’éducation des enfants selon sa propre religion ». « Ainsi, les 40 Hadiths peuvent être enseignées dans les écoles religieuses islamiques, mais dans les écoles publiques, ce serait anticonstitutionnel de le faire », a insisté le groupe. De plus, a-t-il ajouté, l’article 12(3) dit qu’« aucune personne ne peut être forcée de recevoir des instructions ou de prendre part à tout acte cultuel ou à toute cérémonie d’une religion autre que la sienne ».
Ainsi, la Constitution « protège les personnes, y compris les élèves, contre toute instruction religieuse autre que la leur ». Le Conseil a déclaré que le gouvernement et le ministre de l’Éducation doivent agir conformément à la Constitution fédérale. « Avant que toute décision supplémentaire soit prise sur le sujet, le ministère doit consulter le MCCBCHST comme partie prenante sur cette question. Une école nationale doit être un lieu où l’unité est favorisée, et non pour introduire des politiques qui créent la division. »
La Malaisie est un pays majoritairement musulman comptant environ 34 millions d’habitants. Selon le recensement national de 2020, les musulmans représentent près de 63,5 % de la population, pour 18,7 % de bouddhistes, 9,1 % de chrétiens, 6,1 % d’hindous et environ 9 % d’autres groupes religieux dont les animistes, les confucianistes, les taoïstes, les sikhs, les bahaïs et des mouvements chrétiens comme les Témoins de Jéhovah et les Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours (Mormons).
Des observateurs remarquent que ces derniers temps, les groupes extrémistes et les partis politiques islamistes en Malaisie poussent de plus en plus à imposer une forte identité islamique dans le pays. Le PAS (Parti islamique malaisien), un parti conservateur islamiste, a émergé comme force politique majeure après les élections générales de 2022 et les élections parlementaires de 2023. Le PAS a remporté 43 sièges sur 222 au Parlement fédéral, et il fait partie d’Alliance nationale (Perikatan Nasional, PN), la coalition au pouvoir. Le parti a élu des parlementaires et des élus locaux dans huit des 13 États du pays.
(Avec Ucanews)