Au Japon, l’Église contre l’hiver démographique

Le 05/03/2025
L’Église au Japon est consciente de l’urgence de sa mission face aux dernières statistiques : la natalité a atteint son niveau le plus bas en 2024 avec un taux de fécondité d’1,26 enfant par femme et seulement 750 000 naissances pour 124 millions d’habitants. Même si le pays compte moins d’1 % de chrétiens, le journaliste Cristian Martini Grimaldi, basé à Tokyo, estime que la minorité religieuse peut mener la lutte contre la crise démographique.
L’Église au Japon, dans un pays en plein hiver démographique (population vieillissante, taux de natalité en baisse), tente depuis des années d’avoir un impact positif sur cette crise en soutenant constamment le caractère sacré de la vie. Mais les chrétiens japonais représentent moins d’1 % de la population, et leur voix reste peu entendue.
Pourtant, l’Église locale est consciente de l’urgence de sa mission, comme le rappellent clairement les dernières statistiques : le taux de fécondité a atteint son niveau le plus bas en 2024 avec 1,26 enfant par femme, soit bien en-dessous du seuil de remplacement démographique fixé à 2,1, et avec seulement 750 000 naissances par an. Le nombre de mariages a aussi fortement chuté pour atteindre 474 717 en 2023.
Par ailleurs, la prévalence du recours à l’avortement reste une problématique majeure. Les études indiquent que les principales causes du recours à l’IVG pour les femmes japonaises sont l’instabilité financière (24,3 %), les naissances hors mariage (24,3 %) ou encore des inquiétudes liées à leur carrière ou leurs études (8,6 %). Ces barrières systémiques demanderaient non seulement des politiques gouvernementales adaptées mais aussi une réponse radicale de l’Église japonaise elle-même.
Malgré les nombreuses interventions du gouvernement, l’échec des politiques pro-natalité n’a fait qu’exacerber la crise. Les aides financières telles que les maigres allocations de naissance et les avantages fiscaux pour les familles n’ont pas suffi face aux coûts de plus en plus élevés que suppose le fait d’élever un enfant au Japon. Le manque de services de garde d’enfants abordables continue de décourager les femmes tentant d’équilibrer vie de travail et vie de famille, forçant beaucoup d’entre elles à retarder ou renoncer à la parentalité.
Culture du travail
Face à une culture du travail toujours rigide, avec de longues heures de bureau et des attentes sociales lourdes, il est presque impossible pour les deux parents de partager les responsabilités. Même les mesures gouvernementales destinées à augmenter les congés parentaux ont échoué à cause de la résistance des entreprises et de la stigmatisation associée aux longs congés au Japon. Par ailleurs, les politiques de logement n’ont pas suffisamment soutenu les jeunes couples, alors que le coût de la vie dans les grandes villes est resté excessivement cher.
Ainsi, l’échec de ces politiques n’a fait que contribuer à une société où le mariage et les naissances sont de plus en plus considérés comme des poids financiers et personnels plutôt que comme des étapes naturelles et heureuses de la vie. Face à cette situation, l’Église doit faire plus que rappeler la doctrine catholique et agir concrètement. Par exemple créer des centres afin de soutenir les femmes durant leur grossesse, apporter une aide financière et matérielle ou encore promouvoir les services d’adoption.
Les jeunes femmes qui font face à des grossesses imprévues se sentent souvent isolées, sans aide psychologique ou sociale. Là, l’Église peut intervenir, en offrant des programmes de parrainage qui les relient à des familles expérimentées qui peuvent apporter leur aide et leur encouragement. La priorité doit être la compassion et non le jugement, afin de montrer que choisir la vie n’est pas un fardeau insurmontable mais une voie qui peut être soutenue et accompagnée. L’Église doit aussi sensibiliser la population sur les politiques pro-famille en travaillant avec les décideurs, les organisations religieuses et aussi les groupes non confessionnels.
Culture de la vie
Une culture de la vie ne peut pas être construite que sur des doctrines morales ; il faut un changement systémique. Une plus grande protection des femmes enceintes au travail, des congés parentaux étendus, des aides financières aux jeunes familles, et des options éducatives flexibles pour les jeunes mères qui doivent être soutenues non seulement par le gouvernement mais aussi par les responsables religieux.
De plus, un changement des comportements sociaux est essentiel. L’Église doit s’engager activement dans des campagnes pro-famille, afin de normaliser les jeunes parentalités et de faire valoir une vision positive de la vie de famille.
Malgré ces impératifs moraux, l’Église fait cependant face à des obstacles significatifs. Sa présence limitée au Japon restreint son influence, et les normes culturelles qui privilégient l’harmonie sociale rendent difficiles les positions publiques fortes sur les sujets sensibles. Beaucoup d’Églises fonctionnent avec un financement et des ressources humaines limitées, ce qui limite d’autant plus leur capacité à s’engager dans des actions à large échelle. De plus, le christianisme est souvent perçu comme une influence étrangère plutôt que comme faisant partie intégrante de la société japonaise, ce qui ne favorise pas non plus les déclarations publiques.
Mais ces obstacles servent souvent d’excuses. L’Église a le devoir de répondre, de s’élever au-dessus de ces contraintes, afin d’être porteuse d’espérance. En choisissant l’action plutôt que la rhétorique, la collaboration plutôt que l’isolement, la compassion plutôt que la condamnation, l’Église peut réaffirmer son rôle au service de la vie. Elle peut démontrer que mettre au monde un enfant n’est pas un sacrifice à craindre mais un don à chérir.
(Avec Ucanews, Cristian Martini Grimaldi)