Mongolie

La conversion d’une famille d’Oulan-Bator et le voyage du pape François en Mongolie

Le père Paul Leung, salésien, de la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul d’Oulan-Bator, bénit la maison de Tserenchimed Chuluunbaatar, qui sera baptisé durant la Vigile pascale. Le père Paul Leung, salésien, de la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul d’Oulan-Bator, bénit la maison de Tserenchimed Chuluunbaatar, qui sera baptisé durant la Vigile pascale. © Ucanews
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Tserenchimed Chuluunbaatar, un Mongol de 67 ans d’origine bouddhiste, sera baptisé ce samedi 19 avril durant la Vigile pascale avec sa femme et une de ses filles. En 2022, deux des filles de la famille Chuluunbaatar ont quitté la religion familiale pour rejoindre le catholicisme. Le père Paul Leung, salésien compare ces deux filles à saint André « qui a trouvé le Messie et l’a présenté à son frère Simon Pierre ». La famille rejoint les quelque 1 400 catholiques mongols sur 3,3 millions d’habitants.

Quand Tserenchimed Chuluunbaatar a quitté son travail au ministère des Finances de Mongolie, il espérait profiter d’une vie paisible comme tout retraité. Mais le Ciel, comme souvent, avait d’autres plans pour lui. En 2017, il a pris sa retraite à l’âge de 60 ans et a débuté sa vie de retraité aux côtés de son épouse, Baigalmaa Horloo, et de leurs trois filles dans leur ville natale, située à environ 50 km de l’agitation d’Oulan-Bator, la capitale mongole.

Cette vie paisible a duré seulement cinq ans jusqu’à ce que deux de ses filles – la plus jeune et l’aînée – troublent cette tranquillité. Un soir de 2022, elles sont revenues de leur journée de travail en lui disant qu’elles avaient quitté la religion traditionnelle de la famille pour rejoindre l’Église catholique. « Elles voulaient retirer toutes les images et statues liées à notre foi bouddhiste dans la maison. Elles voulaient les remplacer par des symboles et des images chrétiens », raconte leur père. « Cela m’a laissé sans voix, et mes proches étaient furieux. Ils ne pouvaient pas du tout l’accepter et demandaient : ‘Comment peuvent-elles abandonner la foi et les traditions familiales aussi facilement ?’ Mais elles les ignoraient complètement. »

Les deux filles – Enkhtuul et Margad, aujourd’hui âgées de 40 et 33 ans – ont persisté, et ont pris Monica et Stella comme noms de baptême durant la Vigile pascale 2023 dans la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul d’Oulan-Bator. La religion a donc commencé à diviser le foyer. Tserenchimed, ainsi que son épouse âgée de 62 ans et leur autre fille, continuaient de pratiquer leur religion traditionnelle, tandis que les deux autres filles pratiquaient le catholicisme.

Elles ont expliqué à leur père qu’elles avaient changé de religion après avoir ressenti une profonde paix intérieure en priant dans la cathédrale. Elles y étaient entrées seulement pour voir comment était l’intérieur. Mais elles y ont vécu un sentiment de paix et de tranquillité inhabituel en s’asseyant dans l’édifice, dont la forme rappelle celle d’une yourte (ou Ger) mongole. Elles ont cherché à en savoir plus sur l’homme qui était sur la croix, et sur les raisons pour lesquelles il avait été crucifié. Devant leur enthousiasme, on les a présentées au père Kim Stephen, curé de la cathédrale. Par la suite, les deux femmes ont rapidement débuté le Rite d’initiation chrétienne des adultes (RICA), en suivant le programme de catéchuménat jusqu’à leur baptême.

Tserenchimed Chuluunbaatar devant la cathédrale d’Oulan-Bator, la capitale mongole, où il sera baptisé à Pâques avec sa femme et une de ses filles.
Tserenchimed Chuluunbaatar devant la cathédrale d’Oulan-Bator, la capitale mongole, où il sera baptisé à Pâques avec sa femme et une de ses filles.

Voyage du pape en Mongolie en 2023

Leur histoire a inspiré leur père, Tserenchimed. Toutefois, il avait été élevé dans la foi bouddhiste et il ne sentait pas le besoin de changer de religion. Chaque semaine, ses filles revenaient de la messe avec la feuille paroissiale contenant les méditations sur l’Évangile du dimanche, ce que Tserenchimed lisait toujours attentivement. « La Bible a commencé à m’intéresser, ainsi que l’Église et la foi chrétienne », ajoute-t-il.

Le tournant décisif a été quand le pape François est venu en Mongolie du 1er au 4 septembre 2023. Toute la famille Chuluunbaatar a été invitée à assister à la messe papale du 3 septembre. Ils ont rejoint près de 2 500 autres personnes dans le stade Steppe Arena d’Oulan-Bator, deux heures avant l’arrivée du pape François pour la célébration de l’après-midi. Le stade était rempli des prières de l’assemblée, des chants de louanges et des acclamations du pape. « Le rassemblement enthousiaste des catholiques et la façon dont ils saluaient leur chef âgé [86 ans à l’époque], avec à son discours et la messe, a été une expérience très forte pour moi », assure-t-il. « Je voulais faire partie de cette communauté et servir comme un missionnaire pour le Christ. »

Le message papal durant son voyage lui a fait comprendre qu’il y a « beaucoup de similarités entre la culture mongole et l’Église catholique ». Il y avait en particulier deux choses remarquables pour lui : les « prières à Dieu dans le Ciel » et les liens entre la vision catholique de la famille et le Ger mongol (ou « yourte », demeure traditionnelle mongole). Les Mongols, dont Genghis Khan, pratiquaient traditionnellement le tengrisme, une religion chamanique adorant les esprits dans le ciel, les vents et les montagnes. « Je pouvais facilement me retrouver dans l’adoration du Père qui est au Ciel et de l’Esprit Saint partout présent. Je trouvais que la foi catholique apportait un sens nouveau et une vie nouvelle à mes croyances. »

Le Ger mongol et la Sainte Famille

Le pape François a lui aussi fait le lien entre le Ger mongol et la Sainte Famille, ce que Tserenchimed a trouvé « immédiatement séduisant ». Pour les Mongols, le Ger est un symbole de la famille. « La famille et le Ger sont inséparables. Je peux comprendre la Sainte Famille parce que je comprends le Ger. Tout ce qui est bon commence dans la famille. »

Après être rentré du stade, Tserenchimed a suivi la foi de ses filles catholiques en remplaçant les symboles de la foi traditionnelle par des images de la Vierge Marie et un crucifix. Lui, sa femme et leur troisième fille ont commencé des cours de catéchisme en 2024 auprès du père salésien Paul Leung, et seront baptisés durant la Vigile pascale dans la paroisse de la cathédrale, ce 19 avril.

« Je suis impatient de devenir catholique et missionnaire », confie Tserenchimed. L’homme aujourd’hui âgé de 67 ans se dit « déjà missionnaire » parce qu’il a « placé un crucifix au centre de notre maison ». « J’explique aux proches qui nous rendent visitent qui est sur la croix et comment il m’a sauvé. »

Sœur Nirmala Rani, membre des Sœurs missionnaires du Cœur immaculé de Marie (ICM), qui dirige les programmes de catéchismes pour les adultes dans la paroisse de la cathédrale d’Oulan-Bator, souligne que « sa volonté d’être missionnaire est assez remarquable ». Elle précise qu’une équipe accompagnée d’un prêtre de la paroisse est venue chez lui pour bénir leur maison. « Toute la famille est aujourd’hui très positive sur la foi. »

1 400 catholiques pour 3,3 millions d’habitants

La famille Chuluunbaatar rejoint la petite communauté catholique mongole de près de 1 400 fidèles, pour une population d’environ 3,3 millions d’habitants. L’Église locale compte seulement 25 prêtres, dont un Mongol, ainsi que 36 religieuses. Les missions chrétiennes n’ont repris qu’en 1992 dans cet ancien État satellite de l’Union soviétique, quand la nation majoritairement bouddhiste a pris le chemin de la démocratie et adopté sa Constitution garantissant la liberté religieuse.

Le père Leung explique que la famille Chuluunbaatar est « un signe de la croissance de l’Église mongole » et de la vivacité des catholiques en Mongolie. « Les deux filles me font penser à André, qui a trouvé le Messie et l’a présenté à son frère Simon Pierre. Les deux filles ont pris l’initiative de rechercher la vraie foi, et après avoir rencontré Jésus, elles l’ont transmis à leurs parents et à leur sœur. »

Sœur Nirmala Rani, de son côté, explique qu’elle « leur donne le Christ comme missionnaire, et à leur tour, ils pourront donner le Christ aux autres comme missionnaires ». Elle apprécie « l’implication et l’engagement de la famille envers la foi ». « Ils viennent régulièrement à la messe du dimanche, et Tserenchimed vient aussi parfois dans la cathédrale en semaine pour rendre service à la paroisse. » La religieuse qui se dit « fière de la famille » est devenue leur « marraine », en accompagnant « toute la famille dans la foi et l’espérance de suivre Jésus avec ferveur ». Tserenchimed confie que sa vie est aujourd’hui chargée, loin de la vie paisible qu’il envisageait. « Mais je suis heureux, cela me donne du sens et de la paix. »

(Avec Ucanews, sœur Nirmala Rani)

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