Asie

Asie : le bouddhisme est la seule religion qui compte moins de fidèles qu’en 2010

Selon un rapport récent du Pew Research Center, le bouddhisme est la seule religion qui compte moins de fidèles qu’en 2010 avec une baisse de 18,6 millions. Selon un rapport récent du Pew Research Center, le bouddhisme est la seule religion qui compte moins de fidèles qu’en 2010 avec une baisse de 18,6 millions. © Sasint/Pixabay
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Selon les données les plus récentes du Pew Research Center, le bouddhisme est la seule confession à compter un nombre de fidèles inférieur à celui de 2010, avec une baisse de 18,6 millions. Cette baisse s’explique en partie par la situation de plusieurs pays fortement touchés par la crise des naissances, mais aussi par des changements dans la jeunesse des sociétés d’Asie du Sud-Est. L’âge moyen des bouddhistes, proche de 40 ans, est également le plus élevé parmi les croyants des différentes religions.

Le Pew Research Center, un des principaux think tanks internationaux, vient de publier son dernier rapport sur l’évolution du paysage religieux mondial entre 2010 et 2020. D’une manière générale, la croissance de la population mondiale se traduit par une augmentation du nombre de croyants. Les chrétiens restent le plus grand groupe religieux ; toutefois, bien qu’ils aient augmenté en termes absolus, leur part dans la population mondiale a baissé d’1,8 % – signe que leur progression a été plus lente que la moyenne générale.

Les musulmans sont le groupe qui augmente le plus rapidement, avec une hausse relative d’1,8 %, suivis par les non-affiliés, ceux qui ne s’identifient à aucune religion, et qui ont enregistré une augmentation d’un peu moins d’1 %. Dans l’ensemble, les chrétiens sont environ 2,3 milliards, suivis par les musulmans (2 milliards) puis par les non-affiliés (1,9 milliard). Les hindous, les juifs et les autres groupes classés dans la catégorie « autres religions » (bahaïs, taoïstes, jaïns, sikhs…) ont augmenté au même rythme que la population mondiale, sans variation significative. Les hindous sont environ 1,2 milliard, les juifs 14,8 millions, et les autres petits groupes religieux environ 200 millions.

On note un fait particulièrement frappant au milieu de tous ces chiffres : à l’échelle mondiale, les bouddhistes sont le seul groupe à avoir diminué, même en termes absolus. Ils sont actuellement un peu plus de 324 millions, soit 18,6 millions de moins (-5,4 %) qu’au cours de la décennie précédente. Les bouddhistes représentent désormais 4,1 % de la population mondiale, contre 4,9 % en 2010.

Le déclin du bouddhisme reflète celui des pays en crise démographique

La taille de la population bouddhiste n’est pas facile à estimer, car dans les sociétés d’Asie de l’Est, où la religion est très présente, la religiosité peut prendre différents aspects. Les estimations sous-jacentes du rapport du Pew Research Centre partent de la question suivante : « Quelle est votre religion, le cas échéant ? » Dans plusieurs régions d’Asie, par « religion », on désigne le plus souvent quelque chose d’organisé et hiérarchique comme le christianisme, mais certains bouddhistes rejettent ce type d’affiliation formelle.

Cela étant dit, le développement des groupes religieux, qu’il soit positif ou non, est lié à deux causes principales : le nombre de fidèles évolue quand les membres d’un groupe rejoignent un autre groupe, ou sous l’influence des tendances démographiques. C’est surtout ce deuxième aspect qui a eu un fort impact sur les bouddhistes.

Cela semble confirmé par le fait qu’en termes absolus, leur déclin est actuellement en phase avec les tendances démographiques globales. C’est-à-dire que le bouddhisme étant peu présent dans les pays où les taux de natalité sont les plus élevés, son déclin reflète largement le déclin démographique de pays comme la Chine ou le Japon.

L’âge moyen des bouddhistes, proche de 40 ans, est aujourd’hui celui qui est le plus élevé parmi les grands groupes religieux. La Thaïlande est le pays qui compte le plus grand nombre de bouddhistes au monde : 68 millions, soit 94 % de la population. La Chine suit avec 53 millions, soit environ 4 % de la population, puis la Birmanie, le Japon et le Vietnam.

Des changements dans la manière dont est vécue la spiritualité en Asie

En Corée du Sud, la proportion de bouddhistes a diminué de 7 points ; ici, le déclin n’est pas seulement démographique, mais aussi culturel, avec un nombre croissant de personnes qui s’identifient comme non affiliées. À l’inverse, le Vietnam est le seul grand pays où le nombre de personnes non affiliées a diminué, de 7 % au cours de la période étudiée.

En Thaïlande également, le nombre de bouddhistes diminue en raison du vieillissement de la population. Toutefois, cela ne signifie pas automatiquement que les jeunes Thaïlandais s’éloignent de la religion. Une enquête récente de l’Iseas (Institute of Southeast Asian Studies) révèle par exemple une situation plus complexe.

Les étudiants bouddhistes prient moins que ceux d’autres confessions et seulement un peu plus de la moitié des personnes interrogées s’appuient sur les valeurs de leur religion pour prendre des décisions importantes. Cependant, la même enquête montre qu’une majorité de ce groupe considère toujours la religion comme un élément essentiel de leur vie. L’écart entre la pratique et son importance perçue indique davantage un changement dans la manière dont la spiritualité est vécue que son abandon.

La propagation du « Mutelu » en Thaïlande

Par ailleurs, on pourrait dire qu’une religion moins dogmatique comme le bouddhisme se prête plus que d’autres aux changements, en particulier chez les jeunes. La propagation de ce que l’on appelle le Mutelu en est un exemple emblématique. Le terme vient du titre d’un film indonésien de 1979 – Mutelu : Occult War – qui explore des thèmes tels que la superstition et la magie noire, mais qui a pris une signification plus large et plus nuancée au fil du temps.

Le terme désigne aujourd’hui un ensemble de pratiques spirituelles qui se sont fortement affirmées chez les jeunes Thaïlandais, qui en ont dicté les règles : les amulettes ont un design moderne et minimaliste, compatible avec l’esthétique des réseaux sociaux, et les expériences en ligne se sont également développées au détriment des visites dans les temples.

Ainsi, les jeunes semblent chercher du sens selon des codes propres à la génération Z, réinterprétant la spiritualité de manière peu orthodoxe. Le Mutelu pourrait donc ne pas être qu’une simple mode, mais le signe d’une dimension spirituelle de la nouvelle génération thaïlandaise qui ne trouve pas de réponses dans les modèles traditionnels.

Source : Asianews/Lisa Bongiovanni

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