Après le pèlerinage de Jérusalem : les 87 martyrs de Nagasaki.

Rédigé par Alexis Jeanson, pèlerin, le 26/09/2025
Alexis Jeanson est un jeune pèlerin dans l’âme. Il s’apprête aujourd’hui à partir sur les pas des martyrs de Nagasaki au Japon. Un défi spirituel et sportif pour faire connaître un lieu de pèlerinage trop peu connu.
Revenant de pèlerinage à Jérusalem, me voici devant la question de la suite. Non pour l’accumulation mais bien pour continuer ma trajectoire. Les 7 000 kilomètres qui m’ont permis de joindre la Terre Sainte à pied, ne furent qu’une étape supplémentaire. Ce dont il s’agit ici est mon cheminement dans la foi au Christ. Compostelle avant ça, fut la précédente. Et toutes celles d’avant – Vézelay, Chartres, Lisieux, le Mont saint Michel… et d’autres encore – le furent en leur temps.
Être pèlerin n’est pas un état d’envie mais un bien un choix qui s’ancre par la marche. Cela demande une mise en action. Il est ici question d’engagement profond et non de faire du tourisme spirituel. Nous sommes pèlerins parce que nous allons cheminer avec Dieu.
Par le cadre d’abord. Le pèlerinage se fond dans la Création de Dieu : ses chemins sont propices au silence, aux rencontres, à s’immerger dans la nature parfois profonde. Ainsi le cheminant, a le temps de la conversation avec le Seigneur. D’autant plus que le Chemin rend de manière beaucoup perceptible la sainte Providence.

Par la marche ensuite, on récupère du temps parce qu’on le vit pleinement. La prière peut ainsi fortifier ses racines. Dès lors, cette nouvelle temporalité change une donne que les obligations sédentaires savent éluder. Sur la route, le pèlerin a le temps de prier. Difficile de se dérober.
Changement de plans… je laisse tomber Shikoku !
Lorsqu’il a fallu choisir une nouvelle route de pèlerinage, j’avais celui de Shikoku en tête. Certains m’en avaient parlé. Ce « Compostelle asiatique » est particulier car il forme une boucle. Long d’environ 1 200 kilomètres, il permet de joindre les 88 temples présents sur l’île. Il est dit que ce nombre correspond aux étapes pour atteindre l’illumination dans la religion Shintoïste. Ainsi dérouler cette route permet, en passant prier dans ces temples, de se départir de toutes les passions humaines qui empêchent le Nirvana.
Mon projet était donc au départ d’y aller. Par curiosité d’abord, par intérêt ensuite. En effet, la route semble difficile, les temples superbes… sans compter les conditions météorologiques qui peuvent durcir les kilomètres. N’ayant que 90 jours pour voyager au pays du Soleil Levant, Shikoku était au départ l’élément central de l’aventure à venir. Seulement son approfondissement a esquissé tout autre chose.
Il était très important pour moi d’y insuffler une part de chrétienté. Alors, j’ai souhaité me recueillir sur le lieu des martyrs de Nagasaki. En étudiant la carte, je me suis rendu compte que la ville, détruite par la seconde bombe de 1945, n’était pas si loin. Et que par conséquent, je pourrais l’intégrer facilement à mon parcours. Mais Nagasaki n’est pas simplement un lieu de mémoire chrétien : toute une route existe !
Partant de Kyoto, ce chemin file à travers tout le Japon pour y arriver. Peu d’informations semblent disponibles sur internet à ce sujet. J’ai donc creusé. Quand on part de peu, la patience pointilleuse compte. Au début, me dire que j’allais marcher entre ces deux villes, n’était qu’un constat limité. Surtout quand on veut s’inscrire dans une route qui doit passer quelque part. C’est là, l’une des différences avec les pèlerinages de Compostelle ou celui de Jérusalem. Pour ceux-là, c’est presque le principe de fermer la porte de chez soi pour arriver là-bas. À l’instar de Rome, peu importe finalement le chemin emprunté, il y a cet écho de dire que tous les chemins y mènent.
En ce qui concerne le pèlerinage des martyrs de Nagasaki, ce dernier fait partie de ceux où l’on fait mémoire : les étapes comptent car elles se fondent dans ces pierres blanches qui articulent le tout. C’est comme le chemin de saint Martin : les endroits comptent car ils résonnent de ce passé qui produit une consistance mémorielle. J’ai donc cherché une carte du pèlerinage pour avoir une idée de la distance, du temps nécessaire et des lieux concernés. Une fois ces questions abordées, la projection étant plus simple, j’ai pu reprendre une préparation concrète.
Le Japon, premier entraînement avant 2028
Maintenant que vous êtes plus au fait du pèlerinage à venir, il me faut vous expliquer sa projection globale. En effet, mon envie d’aller y racler mes semelles ne sort pas de nulle part. Pouvoir structurer mon aventure nippone de manière chrétienne est un fond indéniable. Pouvoir y découvrir cette partie du visage de l’Église également. À cet effet, le soutien de l’AED (l’Aide à l’Église en Détresse) me sera très précieux : cette structure, bénéficiant d’un mandat pontifical, me facilitera les prises de contact pour les différentes paroisses où je ferai étape.
Je table sur une soixantaine de jours pour terminer le pèlerinage. S’ajouteront à cette première étape, deux autres objectifs. D’abord la traversée de la forêt d’Aokigahara, où évoluer est difficile, avant d’attaquer l’ascension du mont Fuji, réputée laborieuse elle aussi. Puis, d’aller tout au nord du pays dans les parcs nationaux de l’île d’Hokkaido pour espérer y croiser des ours bruns afin d’apprendre à bien réagir face aux hostilités éventuelles. Ainsi, fort de ces trois phases, je pourrai tirer le bilan de ce premier entraînement.
Trame chrétienne, environnement dégradé, terrains exigeants, prises de décision face à une faune possiblement agressive… la construction du périple à venir n’a pas de sous-textes anodins. 2 026 sera donc une phase d’application pour la suite. 2027, une autre encore… cette fois, la survie à -50 degrés en sera l’articulation principale.
Deux entraînements donc pour le grand départ en 2028. À savoir ce que l’on appelle « le chemin le plus long du monde ». Allant d’Afrique du Sud jusqu’à Magadan en Sibérie, une route singulière m’attend. Un peu moins de 25 000 kilomètres à travers 15 pays. 6 années pour réussir… à raison de 20 kilomètres par jour en moyenne et des temps de pauses. Soyons honnêtes : ce pari hors norme demande un entraînement avant de s’y risquer. Pour le dire autrement : parcourir un peu plus de la moitié de la circonférence de la Terre ne s’improvise pas.
Vous pourrez ainsi suivre mes avancées sur les réseaux sociaux (Instagram, Tik Tok et Polarsteps : tapez « un marcheur lambda »), en podcasts hebdomadaires avec la radio RCF et via les journaux, qui voudront bien me prêter leur page pour raconter.
Le départ pour le Japon est donc fixé pour la mi-août 2026. D’ici-là, prenez soin de vous et que Dieu vous bénisse !

Les 87 martyrs de Nagasaki… une histoire japonaise peu connue. Tout commence avec saint François Xavier. Débarquant en août 1549, à Kagoshima, il évangélisa les Japonais. Par son action patiente, et celle des nombreux Jésuites et Franciscains à sa suite, le christianisme se répandit dans le tout pays. Cependant quelques décennies plus tard, les persécutions commencèrent. Le shogun cherchant à la fois à unifier le pays et à lutter contre les puissances religieuses locales, il décida de s’en prendre aux chrétiens. Ainsi, le 5 février 1597, 26 catholiques furent assassinés. Jeunes, vieux, prêtres, religieux, laïcs, franciscains ou encore jésuites, la condition ne comptait pas. Seule l’exemplarité du châtiment importait aux yeux du daimyo Toyotomi Hideyoshi. Kyoto, Osaka, Hiroshima, Yoshida, Nagoya, Nagasaki… après les avoir torturés et exhibés de ville en ville. Ils arrivèrent enfin à Nagasaki, sur une colline faisant face à la mer. Là, ils furent suspendus à un gibet en forme de croix… jusqu’à être transpercés d’un coup de lance. À la suite de cet épisode terrible : les missionnaires furent expulsés, le christianisme implanté devint alors clandestin comme sur l’île de Goto par exemple. Malheureusement, cet épisode ne fut que la première salve des persécutions violentes à l’encontre des catholiques au Japon. 25 ans plus tard, arrive ce que l’on nomme « le Grand martyre ». Le 10 septembre 1622 à Nagasaki, 23 chrétiens furent brûlés vifs et 22 autres décapités. Enfin entre 1 633 et 1637, par haine de la foi chrétienne, 16 autres martyrs suivent. Ils étaient Japonais et étrangers, tous affiliés à l’ordre des Dominicains. |