Bangladesh

Bangladesh : à quelques semaines de l’Avent, les chrétiens de Dacca inquiets face à une série d’attaques

Le 8 novembre dans la cathédrale Sainte-Marie de Dacca, la capitale, où trois attaques ont ciblé une école catholique et deux églises en seulement un mois. Le 8 novembre dans la cathédrale Sainte-Marie de Dacca, la capitale, où trois attaques ont ciblé une école catholique et deux églises en seulement un mois. © Ripon Abraham Tolentino / RVA
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Au Bangladesh, trois attaques en près d’un mois ont secoué la communauté chrétienne de Dacca, la capitale, et font craindre de nouveaux troubles à quelques semaines du temps de l’Avent et des célébrations de Noël. Les 7 et 8 novembre derniers, des bombes artisanales ont explosé près de la cathédrale Sainte-Marie et de l’école et collège Saint-Joseph. Le 9 octobre, une attaque similaire avait déjà eu lieu devant l’église de Tejgaon, à Dacca.

Le vendredi 7 novembre vers 22h30 heure locale, une bombe artisanale a explosé près de la cathédrale Sainte-Marie de Dacca, la capitale du Bangladesh. Le jour suivant, samedi dernier, les catholiques se sont rassemblés dans la cathédrale pour un événement organisé par l’Église locale dans le cadre du Jubilé, en présence de l’archevêque Bejoy N. D’Cruze, mais selon le média catholique Radio Veritas Asia, la participation était moins importante que prévu.

« Beaucoup de fidèles ont évité l’événement pour des raisons de sécurité », a signalé Hemanta Corraya, secrétaire général de l’Association chrétienne du Bangladesh. Hemanta, directeur de Basic Development Partners, une ONG locale au service de l’éducation et du développement, a donc invité les catholiques à prendre des précautions supplémentaires. « Les prochaines élections générales sont prévues en février. Les groupes politiques opposés au scrutin pourraient tenter de provoquer l’instabilité en ciblant les minorités », a-t-il ajouté, interrogé par RVA.

Des attaques répétées dans un contexte de tensions politiques

Il s’est dit inquiet après les attaques récentes dans la capitale. « Les chrétiens sont préoccupés. Trois attaques contre des églises et école catholique en près d’un mois, même sans dégâts majeurs, est troublant. Nous voulons obtenir justice. Nous sommes pacifiques et nous ne participons pas aux conflits politiques », a-t-il insisté.

Hemanta Corraya a également dénoncé une « culture d’impunité » au Bangladesh. Des affaires précédentes, comme l’attaque de l’église catholique de Baniarchar en 2001 et le meurtre du commerçant catholique Sunil Gomes à Natore en 2016, restent non résolues. « Nous n’avons jamais obtenu justice pour ces deux cas. Cela nous rend désemparés aujourd’hui. »

Selon lui, les craintes sont palpables à l’approche des fêtes de la Nativité. « Je demande au gouvernement d’assurer la sécurité de notre communauté afin que nous puissions nous préparer pour l’Avent et Noël. » Afin de faire connaître leurs revendications aux autorités, des groupes chrétiens de Dacca prévoient notamment une manifestation afin de protester après les dernières attaques.

La porte principale de l’église du Saint-Rosaire de Tejgaon (Dacca), visée par deux explosions artisanales le 9 octobre dernier.
La porte principale de l’église du Saint-Rosaire de Tejgaon (Dacca), visée par deux explosions artisanales le 9 octobre dernier.
© Stephan Uttom Rozario / RVA

La sécurité renforcée dans les églises de Dacca

Le Bangladesh, majoritairement musulman, compte également des minorités hindoues, bouddhistes et chrétiennes. Bien que des attaques surviennent plus fréquemment dans les temples hindous, les églises sont moins souvent ciblées. « Trois attaques en un mois, c’est très inquiétant. C’est un coup direct porté à l’harmonie religieuse », alerte Nirmol Rozario, président du Conseil pour l’unité chrétienne, bouddhiste et hindoue du Bangladesh.

Il suspecte aussi les auteurs de ces attaques de vouloir attirer l’attention de la communauté internationale avant Noël. « Quel que soit le motif, c’est un crime qui trouble la sécurité et l’harmonie communautaire. Les responsables doivent être poursuivis. Les élections prochaines doivent être justes, et ces actes doivent être pris au sérieux. »

Les autorités enquêtent pour savoir si ces attaques avaient des objectifs politiques. « Les enquêteurs travaillent sur différents angles afin de trouver les coupables. Des mesures de sécurité supplémentaires ont été déployées dans plusieurs lieux sensibles », a déclaré Masud Alam, un commissaire adjoint de Dacca. La police locale a arrêté un suspect âgé de 28 ans, soupçonné d’être lié aux attaques. Il ferait partie d’une section interdite de la Ligue Chhatra (la branche étudiante de la Ligue Awami, le parti de l’ex-Première ministre Sheikh Hasina aujourd’hui exilée en Inde).

Les autorités ont intensifié les opérations afin d’arrêter toutes les personnes impliquées dans ce qu’elles dénoncent comme des « violences haineuses et honteuses ». La sécurité a également été renforcée dans les églises et d’autres institutions religieuses à travers la capitale. Le gouvernement par intérim dirigé par l’économiste Muhammad Yunus a aussi réitéré son engagement pour la protection de l’harmonie interreligieuse.

« Toute tentative de troubler la coexistence religieuse sera punie sévèrement par la loi », a déclaré le porte-parole du gouvernement. En attendant, pour les chrétiens de Dacca, les craintes demeurent. À l’approche du début du temps de l’Avent, leurs prières pour la paix et la justice se font entendre avec plus de force.

Crédit : Ripon Abraham Tolentino / RVA

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