Le pape François adresse ses vœux au corps diplomatique en insistant sur « la voie de la paix » dans un monde en crises
Le 2 septembre 2023 à Oulan-Bator, le pape François quitte la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul durant son voyage en Mongolie. © Cristian Martini Grimaldi / Ucanews ; Jeon Han / korea.net (CC BY-SA 2.0 DEED) / Ucanews ; UcanewsLe 13/01/2024
Le lundi 8 janvier dans son discours traditionnel de vœux au corps diplomatique, le pape François s’est exprimé devant 180 diplomates accrédités près le Saint-Siège en insistant sur « le chemin de la paix » face aux principaux conflits en cours et aux problèmes généraux qui affectent le monde aujourd’hui. Dans ce contexte, il a proposé une liste de chemins et de voies à emprunter afin de garantir la paix, qui est au cœur de son discours. Actuellement, le Saint-Siège entretien des relations diplomatiques officielles avec 184 États.
Le lundi 8 janvier, en prononçant son discours aux membres du corps diplomatique accrédités près le Saint-Siège, afin de présenter ses vœux pour la nouvelle année devant 180 diplomates dans la salle des Bénédictions de la basilique Saint-Pierre, le pape François a évoqué dès le début de son propos « les préoccupations de la communauté internationale au début d’une année que nous voudrions pacifique et qui, au contraire, s’ouvre sur des conflits et des divisions ».
Le Saint-Père a malgré tout évoqué quelques bonnes nouvelles liées à la diplomatie vaticane comme la nomination d’un représentant pontifical résident à Hanoï, au Vietnam, après un accord conclu avec le pays d’Asie du Sud-Est en juillet dernier au Vatican. Il souhaité « poursuivre ensemble le chemin parcouru jusqu’à présent, sous le signe du respect et de la confiance mutuels, grâce aux relations fréquentes au niveau institutionnel et à la coopération de l’Église locale ».
Le pape s’est également réjoui de la ratification d’un accord complémentaire à « l’Accord entre le Saint-Siège et le Kazakhstan sur les relations mutuelles du 24 septembre 1998, qui facilite la présence et l’emploi des agents pastoraux dans le pays ». Il mentionne aussi quatre anniversaires importants qui ont été célébrés en 2023 : le 100e anniversaire des relations diplomatiques avec la République du Panama, le 70e anniversaire des relations avec la République Islamique d’Iran, le 60e anniversaire des relations avec la République de Corée et le 50e anniversaire des relations avec l’Australie.
Des anniversaires que le Saint-Siège tient à célébrer alors qu’il entretient des relations diplomatiques officielles avec 184 États, ainsi qu’avec l’Union européenne et l’Ordre souverain militaire et hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte. Dans la ville de Rome, on compte 91 missions diplomatiques accréditées près le Saint-Siège.
L’importance de sauvegarder et mettre en œuvre le droit humanitaire
Voici quelques-unes des crises dans les différents pays et les problèmes spécifiques dans le monde que le pape François a évoqués dans son discours.
Il a notamment dénoncé « la pratique de la dite mère porteuse, qui lèse gravement la dignité de la femme et de l’enfant », en soutenant la voie de la paix « qui exige le respect de la vie, de toute vie humaine, à partir de celle de l’enfant à naître dans le sein de la mère, qui ne peut être supprimée, ni devenir objet de marchandage ». C’est pourquoi il a appelé la communauté internationale à interdire cette pratique au niveau universel : « À chaque moment de son existence, la vie humaine doit être préservée et protégée, tandis que je constate avec regret, en particulier en Occident, la diffusion persistante d’une culture de la mort qui, au nom d’une fausse piété, rejette les enfants, les personnes âgées et les malades. »
Par ailleurs, durant son discours de 45 minutes dans la salle des Bénédictions, le pape a souligné l’importance de sauvegarder et mettre en œuvre le droit humanitaire « qui semble être la seule voie pour la protection de la dignité humaine dans les situations de guerre », alors que les guerres modernes « ne se déroulent plus uniquement sur des champs de bataille délimités et n’impliquent pas uniquement les soldats ». Dans un tel contexte, selon lui, « il n’y a pas de conflit qui ne finisse en quelque sorte par frapper aveuglément la population civile », a-t-il poursuivi en évoquant les exemples de l’Ukraine et de Gaza.
Un discours sur « l’état du monde »
Le discours du pape aux diplomates a été désigné comme son allocution annuelle sur « l’état du monde », parce que c’est l’une des rares fois où évoque dans un seul message toutes les crises globales et tous les conflits spécifiques qui se déroulent à travers le monde. Parmi les pays évoqués, la Chine n’a été mentionné qu’une seule fois, en lien avec le séisme survenu le mois dernier dans le nord-ouest (et que le pape décrit au milieu « des catastrophes que la main de l’homme ne peut pas contrôler »).
Il a également évoqué le problèmes des migrations, alors que de nombreux migrants « risquent leur vie sur des routes dangereuses » comme au nord du Mexique à la frontière avec les États-Unis, ou dans la mer Méditerranée qui pour lui devrait plutôt être un « laboratoire de paix ». Il a aussi eu l’occasion de le rappeler lors des Rencontres méditerranéennes auxquelles il a participé en septembre dernier à Marseille.
Le Saint-Père a poursuivi son discours en évoquant plusieurs conflits qui se poursuivent dans le monde, en revenant notamment sur les évènements en Israël et en Palestine, où il espère que « la Communauté internationale poursuive résolument la solution à deux États, l’un israélien et l’autre palestinien, avec un statut spécial internationalement garanti pour la ville de Jérusalem, afin qu’Israéliens et Palestiniens puissent enfin vivre dans la paix et la sécurité ». Il a aussi parlé de la situation au Nicaragua et de la guerre en Ukraine, où « la paix tant désirée n’a toujours pas trouvé sa place dans les esprits et les cœurs ».
Outre le Vietnam, la Corée, la Chine et l’Asie centrale, le pape a également parlé de son voyage en Mongolie (du 31 août au 4 septembre 2023), où il estime que « les signes d’espérance ne manquent pas » et pour lequel il a renouvelé sa gratitude aux autorités pour l’accueil qui lui a été réservé. « En restant sur le continent asiatique, je voudrais également attirer l’attention de la Communauté internationale sur le Myanmar [la Birmanie] », a-t-il ajouté, en demandant que « tous les efforts soient faits pour redonner de l’espoir à cette terre et un avenir digne aux jeunes générations, sans oublier l’urgence humanitaire qui affecte encore les Rohingyas ».
Le chemin de la paix
Sur le continent asiatique, le Saint-Père a également évoqué la situation tendue dans le Caucase du Sud entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ainsi que l’Iran où il a une nouvelle fois déploré « l’immoralité de la fabrication et de la détention d’armes nucléaires ». Parmi les autres nombreux sujets évoqués dans son discours, on compte notamment les multiples crises humanitaires sur le continent africain, l’utilisation éthique des nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle « qui constitue l’un des défis les plus importants des années à venir », ainsi que la liberté religieuse qui est indispensable pour « le chemin de la paix » qui « passe aussi par le dialogue interreligieux ».
« Il est douloureux, par exemple, de constater que de plus en plus de pays adoptent des modèles de contrôle centralisé de la liberté religieuse », a-t-il dénoncé, sans donner d’exemple mais en rappelant que « les communautés religieuses minoritaires se trouvent souvent dans une situation de plus en plus dramatique ». Il a notamment évoqué l’augmentation des persécutions et des discriminations à l’encontre des chrétiens, en particulier au cours de la dernière décennie, en estimant que « plus de 360 millions de chrétiens dans le monde subissent un niveau élevé de persécution et de discrimination en raison de leur foi ».
Parmi les causes de conflits, il a aussi parlé des catastrophes naturelles et environnementales, non seulement celles qui sont incontrôlables mais aussi celles « qui sont aussi imputables à l’action ou à la négligence de l’homme » comme en Amazonie. Il précise que 2023 a été l’année la plus chaude des 174 années précédemment enregistrées, en ajoutant que la crise climatique « exige une réponse de plus en plus urgente et demande la pleine implication de tous et de toute la communauté internationale ».
« Briser les épées pour en faire des charrues »
Enfin, le pape a rappelé que 2024 sera une année électorale pour beaucoup de pays (notamment pour l’île taïwanaise – qui n’a pas été évoquée dans le discours du Saint-Père – où les élections présidentielles se déroulent ce samedi 13 janvier). En Asie, on peut rappeler que le calendrier de cette année est chargé d’élections importantes, comme au Bangladesh le 7 janvier dernier, au Bhoutan le 9 janvier, le 8 février au Pakistan, et au printemps au Sri Lanka et en Inde.
« Les élections sont un moment fondamental dans la vie d’un pays car elles permettent à tous les citoyens de choisir de manière responsable leurs dirigeants », a souligné François, en évoquant des paroles de Pie XII qui « plus que jamais actuelles, résonnent : ‘Exprimer son opinion sur les devoirs et les sacrifices qui lui sont imposés ; ne pas être contraint d’obéir sans être écouté : voilà deux droits du citoyen qui trouvent leur expression dans la démocratie, comme son nom même l’indique. C’est à la solidité, à l’harmonie, aux bons fruits de ce contact entre les citoyens et le gouvernement de l’État que l’on peut reconnaître si une démocratie est vraiment saine et équilibrée, et quelle est sa force de vie et de développement’ ».
Le Saint-Père a conclu sur l’année jubilaire qui débutera à Noël 2024, en estimant qu’« aujourd’hui, peut-être plus que jamais, nous avons besoin de l’année jubilaire ». Le Jubilé 2025 aura lieu sur le thème « Pèlerins d’espérance ». Pour le pape, le jubilé est un temps de grâce et de miséricorde, pour faire l’expérience du don de la paix : « Il peut être pour tous – chrétiens et non-chrétiens – le temps de briser les épées pour en faire des charrues ; le temps où une nation ne lèvera plus l’épée contre une autre et où l’on n’apprendra plus l’art de la guerre [cf. Is 2, 4] ».
(EDA / avec Courtney Mares / Catholic News Agency)
Courtney Mares est correspondante à Rome pour CNA. Diplômée de Harvard, elle a couvert l’actualité sur trois continents et a reçu le Gardner Fellowship pour son travail sur les réfugiés nord-coréens.