Appel de l’Église syro-malabare : « Nous craignons le recul du sécularisme et de la démocratie dans le pays »
Des chrétiens indiens dans l’Arunachal Pradesh, dans le nord-est de l’Inde. © AsianewsLe 30/03/2024
Mgr Raphael Thattil, archevêque majeur de l’Église catholique syro-malabare, a appelé les catholiques à exercer leur droit électoral en choisissant des candidats et des partis qui défendent « les valeurs laïques et démocratiques indiennes ». Le sécularisme, la laïcité à l’indienne, a pour idée de faire vivre en harmonie toute la mosaïque indienne (hindous, musulmans, sikhs, chrétiens, jaïns, parsis et bouddhistes), tandis que le parti du BJP au pouvoir est accusé de vouloir faire de l’Inde une nation théocratique hindoue.
Mgr Raphael Thattil, archevêque majeur de l’Église catholique syro-malabare (de rite oriental) et archevêque métropolitain d’Ernakulam-Angamaly depuis janvier 2024, a appelé les fidèles syro-malabares à voter pour un parti qui respecte les droits de minorités religieuses ainsi que le caractère laïque de la Constitution indienne.
Mgr Thattil, basé dans l’État du Kerala, dans le sud du pays, a lancé cet appel alors que de nombreuses critiques accusent le parti pro-hindou au pouvoir du BJP de vouloir faire de l’Inde une nation théocratique hindoue, en ignorant les valeurs traditionnellement séculières de la Constitution. Mgr Thattil a notamment décrit la montée des violences contre les chrétiens comme « douloureuse », lors d’une intervention auprès des médias locaux, le 22 mars à Kottayam (une ville majeure du Kerala, où se trouve le siège de la deuxième plus grande Église catholique orientale au monde – après l’Église gréco-catholique orthodoxe ukrainienne).
L’évêque, âgé de 67 ans, a cité différents rapports parlant de « la hausse des attaques contre les chrétiens », alors que « nous avons une Constitution solide qui garantit notre droit de professer et pratiquer la religion de notre choix ». C’est pourquoi il a appelé les catholiques à exercer leur droit électoral en choisissant des candidats prêts à défendre la liberté religieuse et les valeurs démocratiques et laïques de l’Inde. Toutefois, il a évité de citer un parti en particulier, en soulignant la position neutre de l’Église en politique.
« Tout le monde est libre de voter selon son choix. L’Église ne soutient aucun parti politique. C’est aux électeurs de faire leur choix », a également déclaré le père Antony Vadakkekkara, porte-parole de l’Église syro-malabare, qui compte plus de 5 millions de fidèles en Inde et à l’étranger. Le prêtre vincentien a malgré tout souligné que « nous craignons le recul du sécularisme et de la démocratie dans le pays ». Le sécularisme, la version indienne de la laïcité, défend la cohabitation des religions dans l’espace public – dans l’idée de faire vivre en harmonie les hindous, musulmans, sikhs, chrétiens, jaïns, parsis, bouddhistes et autres membres de la mosaïque indienne.
« Nous prierons pour la nation »
Dans ce contexte, le 22 mars à l’occasion du dernier vendredi de Carême avant la Semaine sainte, les évêques catholiques indiens ont organisé une journée de jeûne et de prière avant les élections nationales, qui dureront du 19 avril au 1er juin, en sept étapes. Une des initiatives les plus significatives de cette journée a été le rassemblement de plusieurs milliers de personnes au Karnataka, au site de la Croix miraculeuse (Miraculous Cross) dressée au sommet de la colline de Nandgad, à environ 35 km de la ville de Belagavi.
La croix de Nandag a été érigée en 1888 par des souffrants et des mourants, notamment des malades de peste qui voyageait de Goa à Belagavi. Le site est devenu un centre de pèlerinage durant le jubilé de l’an 2000. Le chemin de croix organisé sur la colline a rassemblé un grand nombre de pèlerins, dont beaucoup de non chrétiens, certains étant même venus des États voisins de Goa et du Maharashtra.
Le diocèse local de Belgaum a aussi organisé une « journée de réparation » au site de Nandgad afin de « reconnaître nos péchés et réparer les blessures causées à l’humanité ». « Donc nous prierons aussi pour la nation », explique Mgr Derek Fernandes, évêque de Belgaum.
Le Premier ministre Narendra Modi, du parti pro-hindou du BJP (Parti du peuple indien) a déjà remporté les élections précédentes en 2014 et 2019. Le BJP, qui espère un troisième mandat, est accusé de vouloir changer la Constitution du pays afin de faire le pays le plus peuplé au monde une nation exclusivement hindoue. Des groupes hindous soutenant Modi et sa politique se sont rendus responsables de violences contre les chrétiens et les musulmans, les deux plus grandes minorités en Inde. Quand Modi est arrivé au pouvoir en 2014, on comptait 147 incidents violents contre les chrétiens, contre 687 en 2023.
Les Rameaux apportent l’espérance pour les chrétiens au Manipur
Parmi les violences enregistrées ces derniers mois contre les chrétiens, on a compté plusieurs dizaines de chrétiens tués au Manipur, dans l’extrême nord-est de l’Inde, toujours en proie à de graves violences ethniques depuis début mai 2023. Alors que plusieurs dizaines de milliers d’habitants ont été déplacés par les conflits, le dimanche des Rameaux, le 24 mars dernier, a été célébré avec ferveur parmi les minorités chrétiennes Kukis déplacées dans la région. Ainsi, dans plusieurs paroisses de la région, les églises étaient trop petites pour accueillir tout le monde, forçant quelques fidèles à suivre les célébrations depuis l’extérieur.
« Dans les paroisses où il y a un grand nombre de réfugiés, les églises étaient bondées durant les messes des Rameaux », confie le père Varghese Velickakam, vicaire général de l’archidiocèse d’Imphal, capitale du Manipur, et coordinateur d’une commission locale luttant pour le soutien et la réhabilitation des victimes du conflit en cours (relief and rehabilitation committee).
« La situation commence lentement à se calmer », précise le père Velickakam, interrogé par l’agence Asianews. Selon le prêtre, les célébrations des Rameaux ont montré des signes éloquents d’un retour progressif à la normale au Manipur. « Nous essayons d’aider les réfugiés à se reconstruire. On commence à rebâtir. Des soutiens sont envoyés de différentes régions du pays et aussi de leurs propres communautés », poursuit le prêtre.
(Avec Asianews et Ucanews)