Aux Philippines, la période de Noël débute dès le mois de septembre et dure quatre mois
Le parol est une décoration traditionnelle philippine que l’on retrouve partout durant les fêtes de Noël. © mawa.caLe 01/11/2024
Chaque année aux Philippines, les célébrations de Noël débutent dès le mois de septembre, avec des décorations et des chansons dans tous les lieux publics. Avec plus de 80 % de catholique, le pays est l’un des seuls en Asie où l’on retrouve la ferveur et la joie des fêtes de Noël à chaque coin de rue. Comme c’est aux Philippines que l’on fête Noël le plus longtemps, c’est une période propice à l’économie du pays, et le versement du 13e mois est obligatoire pour permettre aux familles de préparer les fêtes plus sereinement.
Dès les premiers jours du mois de septembre, on peut déjà sentir l’excitation et la joie de nombreuses familles philippines qui commencent à célébrer la naissance de Jésus. Les maisons, les rues, les centres commerciaux sont décorés avec des étoiles traditionnelles en toile de jute ou en coquillage, aujourd’hui souvent avec un revêtement en plastique. Ces étoiles appelées parol sont la décoration de Noël philippine par excellence. Elles sont suspendues sur les balcons, dans les rues et certaines s’allument durant la nuit.
D’autres décorations lumineuses ornent dès le mois de septembre les grands boulevards de Manille et des quartiers d’affaire comme le Makati Central Business District qui organise toutes les heures un « festival des lumières » à la nuit tombée. Des milliers de lumières colorées étincellent et se reflètent sur les vitres des gratte-ciel environnants, offrant un spectacle aussi magnifique que démesuré.
Le changement n’est pas que visuel mais aussi musical, puisque dès le début de mois de septembre, on entend des chants de Noël dans les centres commerciaux, à la radio ou dans les transports en commun. Il ne s’agit pas tant de chansons traditionnelles ou de cantiques de l’Avent, mais plutôt de chansons pop et plutôt modernes, comme All I want for Christmas is You de Mariah Carey, les chansons populaires de Jose Marie Chan, la célébrissime Da Best ang Pasko ng Pilipino qui déclare que c’est aux Philippines que l’on célèbre Noël le plus longtemps, ou encore le classique Mano po Ninong Mano po Ninang, qui parle d’un enfant qui remercie son parrain et sa marraine de lui avoir offert un cadeau.
Une période propice à l’économie de l’archipel
En raison de l’engouement que produisent les fêtes de Noël aux Philippines, le paiement d’un treizième mois de salaire pour les entreprises du secteur formel est obligatoire depuis 1976. Ce versement doit être fait avant le 24 décembre, pour apporter un soutien financier supplémentaire en fin d’année et permettre aux familles de célébrer Noël dans des conditions plus confortables. Le secteur informel ne bénéficie quant à lui pas d’un treizième mois obligatoire, mais de nombreuses donations sont faites par la Mairie, les régies de quartier, des organisations non-gouvernementales ou des familles plus aisées.
Il serait en fait si triste et impensable qu’une famille ne puisse pas réveillonner, malgré la pauvreté endémique qui touche l’archipel. Souvent, les familles démunies reçoivent un panier garni avec de la nourriture pour célébrer la Noche Buena le 24 décembre : du Christmas ham ou jambon de Noël, des spaghettis, de la sauce, de la gelée de coco et de pandan (une plante locale). En effet, le plat principal du réveillon de Noël n’est pas la dinde, mais les spaghettis à la sauce tomate ! Pour les familles qui en ont les moyens, le cochon de lait grillé est aussi très apprécié, ainsi que les gâteaux de riz appelés puto.
La ferveur et l’excitation sont toujours très palpables, en particulier à partir de la fin du mois de novembre pendant laquelle les embouteillages sclérosent la capitale et les centres commerciaux sont bondés. Des chapelles sont alors ouvertes et des messes sont célébrées directement dans les centres commerciaux de manière intense pendant le mois de décembre, et des crèches y sont aussi installées. Une manière de ne pas oublier l’esprit chrétien qui anime ces célébrations et que les lumières et les musiques joyeuses peuvent parfois faire oublier…
Une période intense de rassemblement autour du Christ et de la Vierge
Dans ce grand pays chrétien, les célébrations de l’Avent ne se réduisent bien sûr pas au shopping dans des centres commerciaux étincelants. Le mois de décembre est alors l’occasion pour les catholiques pratiquants et pratiquantes de se retrouver autour d’une série de neuf messes à partir du 15 décembre. Cette Neuvaine est dédiée à la Vierge Marie et a pour caractéristique de se dérouler très tôt le matin, en général dès 4 heures du matin.
Appelées Simbang Gabi (Église de nuit) ou Misa de Gallo, ces messes célébrées en langue locale ou en anglais permettent aux personnes qui le souhaitent de se rassembler et de se recentrer au cœur de leurs paroisses sur la naissance de Jésus et son message universel. Tous les matins donc du 15 au 24 décembre, des voisins et voisines se retrouvent pour aller ensemble à l’église et partager ce temps si important ensemble. Comme les églises sont souvent bondées et la foule ne peut pas y entrer, elles doivent donc parfois utiliser des haut-parleurs pour celles et ceux qui suivent la messe depuis l’extérieur.
Après la messe, des marchands ambulants vendent des gâteaux de riz et des gâteaux de cassave, et donnent à voir des scènes typiques de la période de Noël aux Philippines : une église étincelante, le jour qui se lève et une foule qui sort de l’église pour aller partager un gâteau, de manière aussi dépouillée que riche, simplement debout sur un trottoir.
Pour permettre au plus grand nombre de participer à ces neuf jours de messe et de prière, il arrive souvent que les écoles catholiques ouvrent leurs portes plus tôt pour permettre l’utilisation des chapelles qui s’y trouvent, tout comme les centres commerciaux dans lesquels se trouvent une chapelle ou une église. La période de Noël est en fait un révélateur de la manière dont la chrétienté et la modernité s’entremêlent dans l’archipel, ce qui en fait un des lieux chrétiens de premier plan de l’Asie du Sud-est.
Jérémy Ianni, doctorant en sciences de l’éducation, vit à Manille depuis dix ans. Aux Philippines, il a travaillé en particulier sur la discipline en éducation, la guerre contre la drogue, l’articulation entre les Églises et l’État et les mutations de la chrétienté aux Philippines. Il est aussi engagé dans plusieurs projets associatifs liés à la grande pauvreté, l’éducation populaire et l’émancipation.
(Ad Extra, Jérémy Ianni)