Bangladesh

Bangladesh : le gouvernement par intérim nie toute discrimination contre les minorités religieuses

Une foule dans une rue de Dacca, la capitale bangladaise (juillet 2022). Une foule dans une rue de Dacca, la capitale bangladaise (juillet 2022). © ISKCON TV Dhaka / pexels.com
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La semaine dernière, le Conseil pour l’unité hindoue, bouddhiste et chrétienne du Bangladesh a organisé une conférence de presse pour dénoncer les violences visant les minorités religieuses depuis plusieurs mois. L’organisation parle de 174 cas de violences sectaires entre le 21 août et le 30 décembre 2024. Le gouvernement par intérim (dirigé par Muhammad Yunus depuis que Sheikh Hasina a été chassée du pouvoir en août) nie toute discrimination et affirme que la majorité de ces violences sont politiques et non religieuses.

Le 30 janvier à Dacca lors d’une conférence de presse, le Conseil pour l’unité hindoue, bouddhiste et chrétienne du Bangladesh, une des principales organisations représentant les minorités religieuses dans le pays d’Asie du Sud, a affirmé que le gouvernement par intérim, dirigé par Muhammad Yunus depuis que l’ex-Première ministre Sheikh Hasina a été chassée du pouvoir en août dernier, s’est rendu coupable de discriminations contre les minorités religieuses. L’organisation interreligieuse a déclaré qu’entre le 21 août et le 30 décembre 2024, les minorités ont subi 174 incidents de violences sectaires, qui ont provoqué la mort de 23 personnes.

Interrogé le 3 février, le porte-parole adjoint du gouvernement bangladais, Azad Majumder, a dénoncé comme « trompeuses » les déclarations affirmant que les minorités religieuses sont particulièrement visées depuis le départ de l’ancienne dirigeante. Selon lui, le gouvernement par intérim « ne soutient aucune forme de violence ». Par ailleurs, il a ajouté que « les enquêtes policières n’ont trouvé aucun lien confessionnel pour 22 décès sur 23 ». « Les détails d’une dernière personne sont inconnus. »

Selon le Conseil interreligieux, les minorités religieuses ont commencé à subir davantage de violences juste après les deux mois de protestations nationales qui ont renversé Hasina et son gouvernement le 5 août. Un mois après son départ, le Conseil avait émis une accusation similaire. Le 19 septembre, il avait déclaré aux médias qu’entre le 4 et le 20 août, au cours de d’une période volatile de deux semaines qui a immédiatement suivi le changement de régime, les minorités religieuses avaient été victimes d’au moins 2 010 incidents violents.

« Leurs préférences politiques peuvent-elles justifier de réprimer les minorités ? Jamais. »

De son côté, en janvier, le gouvernement a admis que ces violences ont bien eu lieu, mais en ne reconnaissant un caractère religieux dans ces incidents que pour 20 d’entre eux. Pour Dacca, les autres violences ont été commises pour des motivations politiques, et non religieuses. Le porte-parole a également mis en garde contre le fait d’exagérer certains événements violents. « Des informations trompeuses peuvent entraîner des violences communautaires », a-t-il alerté.

Mais pour l’économiste et militant Anu Muhammad, les minorités sont bel et bien attaquées. Il estime au contraire que c’est plutôt « une absence de transparence et de responsabilité de la part du gouvernement qui peut conduire à des exagérations ». Par ailleurs, les observateurs sociaux comme lui expliquent que les minorités religieuses bangladaises sont généralement perçues comme des soutiens du parti d’Hasina, la Ligue Awami, qui a dirigé le pays durant 15 ans d’une main de fer.

La colère et la haine envers son parti et son gouvernement, profondément enracinées dans le pays, ont de fait causé des attaques contre ses partisans. Donc pour Anu Muhammad, les violences de ces derniers mois devraient plus être vus comme politiques que religieuses. « Cela dit, leurs préférences politiques peuvent-elles justifier de réprimer les minorités ? Jamais. »

7,95 % d’hindous, 0,61 % de bouddhistes et 0,30 % de chrétiens au Bangladesh

Le Conseil pour les minorités a également accusé le gouvernement par intérim de discrimination en n’incluant pas leurs représentants parmi les membres des comités chargés de restaurer et restructurer les institutions et les systèmes démocratiques du pays. De plus, le Conseil a signalé que sur 321 policiers renvoyés pour manquement au devoir, 103 sont issus des minorités religieuses. Celles-ci ne représentent que 9 % de la population, sur 179 millions d’habitants.

Le Conseil a également accusé le gouvernement par intérim de n’avoir pas inclus les minorités religieuses dans les comités chargés de réformer la Constitution, ou de les consulter avant de proposer des changements constitutionnels significatifs. Il a précisé que parmi ces changements suggérés se trouve l’abandon du sécularisme (laïcité) comme principe national, tout en gardant l’islam comme religion d’État.

Pour les membres du Conseil, ces propositions vont « à l’encontre de la liberté religieuse, en refusant d’admettre les discriminations qui prévalent dans l’État et la société contre les minorités ethniques et religieuses ». Le communiqué qui a été lu à l’issue de la conférence de presse du 30 janvier invite « le gouvernement par intérim à prouver par l’investigation que nous avons tort ».

Les hindous forment la minorité religieuse la plus importante au Bangladesh avec 7,95 % de la population, pour 0,61 % de bouddhistes et 0,30 % de chrétiens.

(Ad Extra, avec Ucanews)