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Cambodge-Thaïlande : les tensions ravivées à la frontière menacent une trêve fragile

Des piétons traversant la frontière entre les provinces de Banteay Mean Chey (Cambodge) et Sa Keo (Thaïlande). Des piétons traversant la frontière entre les provinces de Banteay Mean Chey (Cambodge) et Sa Keo (Thaïlande). © Jorge Láscar / CC BY 2.0
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Ce mercredi, l’armée thaïlandaise a tiré du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc sur des civils khmers le long de la frontière très disputée avec le Cambodge. Phnom Penh a dénoncé une violation du cessez-le-feu, signé en juillet après cinq jours de combats sanglants. Bangkok aurait donné au Cambodge un délai de 30 jours pour quitter une zone contestée. Ce nouvel incident vient menacer une trêve fragile, près de deux mois après le conflit qui a fait au moins 43 morts de part et d’autre cet été.

Ce mercredi 17 septembre, un nouvel incident est survenu à la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, et menace de ruiner le cessez-le-feu fragile signé le 28 juillet dernier après cinq jours de conflit sanglant. Au cœur de cette nouvelle affaire, les Thaïlandais affirment que les Cambodgiens occupent un ancien camp de réfugiés situé du côté thaïlandais de la frontière.

L’incident a donné lieu à un affrontement avec des civils cambodgiens dans le village de Prey Chan, dans la province de Banteay Meanchey. Les civils khmers ont tenté de protéger leurs maisons à coups de bâtons et de pierres, contre les soldats thaïlandais qui ont initialement lancé du gaz lacrymogène et tiré des balles en caoutchouc. L’armée thaïlandaise aurait donné au Cambodge un délai de 30 jours pour quitter ces terres qu’elle considère comme illégalement occupées.

Selon une source basée en Thaïlande, le village en question abritait autrefois des réfugiés cambodgiens qui avaient fui une guerre civile de 30 ans et qui s’est terminée fin 1998. « La plupart des Khmers sont ensuite rentrés chez eux, mais quelques familles sont restées et ont construit des maisons sur le site, que les Thaïlandais considèrent comme leur appartenant. Il est difficile de savoir dans quelle mesure cela est vrai », a ajouté la source.

Le Cambodge appelle la communauté internationale à intervenir

À Phnom Penh, le gouvernement a rejeté toutes les accusations, en affirmant que la Thaïlande prévoirait de s’emparer de territoires dans 17 localités situées dans les provinces de Pursat et de Koh Kong, à l’ouest et au sud-ouest du Cambodge, et a appelé la communauté internationale à faire pression pour s’opposer aux ambitions de la Thaïlande.

Le Premier ministre Hun Manet a plaidé la cause de son pays dans des lettres adressées au Premier ministre malaisien et président de l’Asean (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) Anwar Ibrahim, ainsi qu’au président chinois Xi Jinping, au président américain Donald Trump, au président français Emmanuel Macron et au secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres.

Il a déclaré que ces derniers événements entraînent un « élargissement de l’ampleur et de la portée de la zone de conflit » au-delà des zones initiales des provinces de Preah Vihear et d’Oddar Meanchey, et a appelé au respect total du cessez-le-feu et des accords récents conclus par le Comité général des frontières (GBC).

« Une grave menace pour la paix et la stabilité dans la région »

« Vingt-cinq familles ont déjà été expulsées de leurs maisons et de leurs champs, et un porte-parole de l’armée thaïlandaise a récemment menacé de nouvelles expulsions dans un avenir très proche, qui pourraient toucher des centaines de foyers, soit environ un millier d’habitants. Il est regrettable que les activités militaires thaïlandaises en violation du cessez-le-feu se poursuivent et dépassent même les zones de conflit initiales », a écrit Hun Manet, en ajoutant que ces violations « constituent une grave menace pour la paix et la stabilité entre les deux nations et dans l’ensemble de la région ».

De son côté, le lieutenant-général Maly Socheata, porte-parole du ministère cambodgien de la Défense, a affirmé que l’armée thaïlandaise a l’intention d’encercler des terres agricoles longtemps habitées et cultivées par les Khmers. En réponse à ces agressions, a-t-elle ajouté, « les habitants se sont mobilisés pour démanteler les clôtures et défendre leurs terres. Les forces thaïlandaises ont alors aggravé la situation en tirant des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogènes sur les civils cambodgiens et en déployant des dispositifs qui causent des dommages à l’oreille interne et au système nerveux ».

Les résidents khmers auraient 30 jours pour quitter la zone contestée

Les médias thaïlandais ont rapporté que deux soldats thaïlandais, qui avaient ouvert le feu en tirant du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc, ont été blessés à la tête par les Cambodgiens armés de bâtons et de pierres, qui tentaient d’enlever les barbelés bordant la frontière du village.

Par ailleurs, le journal thaïlandais Khaosod English a affirmé que la Thaïlande compte exiger des résidents cambodgiens qu’ils quittent la zone contestée dans un délai de 30 jours et qu’ils emportent tous leurs biens avec eux si la prochaine réunion du GBC ne parvient pas à aboutir à un accord.

« Le Cambodge n’a pas pu immédiatement accepter l’ultimatum, car il a besoin de l’autorisation d’autorités supérieures. Les dirigeants thaïlandais ont clairement fait savoir qu’elles protégeraient leur souveraineté quelle que soit la réponse du Cambodge », a ajouté le journal, sans citer ses sources.

Hun Manet a quant à lui reconnu que la Thaïlande avait lancé des « ultimatums », mais a refusé d’en dire plus.

La reprise du conflit après une trêve fragile

Au moins 43 personnes ont été tuées lors du conflit bref mais violent qui a éclaté en juillet, bien que d’autres estimations avancent un chiffre pouvant atteindre plusieurs centaines. Le conflit a initialement éclaté dans le Triangle d’émeraude, à la jonction des frontières entre la Thaïlande, le Cambodge et le Laos, avant de s’étendre le long des 817 km de frontière entre les deux pays.

Une trêve a été négociée par Anwar Ibrahim, sous la pression diplomatique exercée par Xi Jinping et Donald Trump. Le Cambodge a même proposé la candidature de Trump au prix Nobel de la paix.

L’éviction de la dynastie politique Shinawatra et la nomination d’Anutin Charnvirakul au poste de Premier ministre thaïlandais ont également suscité de grands espoirs quant à l’amélioration des relations entre les deux pays.

Cependant, après sa confirmation au poste de Premier ministre, Anutin a souligné : « La Thaïlande doit respecter le principe selon lequel nous ne céderons jamais notre territoire, pas même un seul centimètre carré. »

Source : Luke Hunt, Ucanews

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