Conclave, les voix qui comptent en Asie (4) : le cardinal Luis Antonio Tagle, Philippines

Le 07/05/2025
Le cardinal Luis Antonio Tagle, 67 ans, est pro-préfet du dicastère pour l’Évangélisation. Né en 1957, il a été ordonné prêtre en 1982 et évêque en 2001. Archevêque de Manille de 2011 à 2019, créé cardinal par Benoît XVI en 2012, il a été appelé par le pape François au Vatican en 2019. Le père Sénéchal, supérieur général des Missions Étrangères de Paris, estime qu’il saurait faire l’unité : « Son parcours entre l’Asie et Rome, ses origines multiculturelles, sa grande humilité : tout cela en fait quelqu’un capable de rassembler. »
Le cardinal Tagle est un théologien qui a été remarqué par trois papes différents, qui lui ont assigné de grandes responsabilités. Malgré ses 67 ans, il a un rôle de premier plan dans l’Église en Asie depuis au moins 20 ans. En tant qu’ancien président de Caritas Internationalis et pro-préfet du dicastère pour l’Evangélisation, il a rencontré les communautés catholiques du monde entier. Surnommé Mgr « Chito », il est très populaire aux Philippines.
Alors que les cardinaux entrent en conclave ce mercredi 7 mai, le père Vincent Sénéchal, supérieur général des Missions Étrangères de Paris, qui a rencontré le cardinal Tagle à plusieurs reprises, partage quelques impressions personnelles sur cette voix devenue parmi les plus influentes au sein du collège des cardinaux.
Sur son style pastoral, le père Sénéchal explique que le cardinal philippin a « un style profondément humain et accessible ». « Il est marqué par une capacité d’écoute attentive. Ce qui frappe immédiatement chez lui, c’est sa simplicité : il ne cherche jamais à imposer, mais plutôt à réfléchir avec vous, à cheminer avec. C’est un pasteur proche des gens. Il a aussi une intelligence fine, une culture théologique solide et un vrai don pour communiquer de manière vivante, souvent avec humour. C’est un homme qui a été à la tête d’un des plus grands diocèses du monde, le diocèse de Manille. »
Alors que beaucoup de cardinaux expliquent chercher un homme d’unité, le père Sénéchal rappelle encore une fois que le cardinal Tagle a été à la tête d’un énorme diocèse, Manille. « Il sait faire l’unité, non pas une unité forcée, mais une unité dans la diversité. Son parcours entre l’Asie et Rome, ses origines multiculturelles, sa grande humilité : tout cela en fait quelqu’un capable de rassembler. Sans faire de pronostic, on peut dire qu’il a des qualités humaines et spirituelles qui peuvent contribuer fortement à la communion dans l’Église », assure-t-il.

Le missionnaire évoque également quelques souvenirs personnels : le cardinal Tagle est en effet venu aux MEP en novembre 2021, et le Conseil permanent de la Société a travaillé avec lui toute une matinée. « Il a présidé et prêché pour les prêtres de la maison, en particulier pour les nombreux prêtres en mission d’études venus d’Asie. Ce qu’il leur a dit était simple et profond, pour les aider à se centrer sur le service d’Église que constituent leurs études dans le cadre d’une Église missionnaire en Asie. Il leur a parlé en partant de sa propre expérience de jeune prêtre envoyé par son évêque faire un doctorat aux États-Unis. »
« Je me souviens aussi de sa présence à la dernière réunion des supérieurs des sociétés de vie apostoliques missionnaires, à Goa, en Inde, en décembre dernier. Il a véritablement stimulé tous les participants par ses homélies, simples et profondes, sa présence accessible et ses prises de parole allant à l’essentiel. C’est un homme qui, par son attention aux autres, son souci de la mission comme partage de la joie de l’Évangile, est marquant et stimulant. »
« Il sait faire l’unité, non pas une unité forcée, mais une unité dans la diversité »
Le cardinal Tagle est né de parents catholiques, Manuel Topacio Tagle (du groupe ethnique tagalog – austronésien) et Milagros Gokim (du groupe ethnique tsinoy, d’origine chinoise), tous deux employés de banque et dont il est le fils aîné. Au cours d’une interview, il a évoqué avec émotion son grand-père maternel chinois qui, enfant, a été migrant ayant dû quitter la Chine pour se réfugier aux Philippines.
Il a reçu son éducation et sa formation dans des institutions jésuites – le séminaire San Jose et l’Université Ateneo de Manille, ainsi que l’École de théologie Loyola de Manille –, où il a étudié la philosophie et la théologie. Il a été diplômé d’une licence et d’un doctorat en théologie à l’Université catholique d’Amérique à Washington D. C.
En tant que membre de la Conférence épiscopale philippine, il a collaboré avec la Fédération des conférences épiscopales d’Asie (FABC). Il a également fait partie du comité éditorial de l’Institut pour les sciences religieuses de Bologne, contribuant à rédiger l’histoire du concile Vatican II. En 1997, il a été nommé membre de la Commission théologique internationale (à l’époque sous la présidence du cardinal Joseph Ratzinger), et en 1998 à Rome, il a participé comme expert à l’assemblée spéciale du synode des évêques pour l’Asie.
Le pape Jean-Paul II l’a nommé évêque d’Imus en 2001. Au cours de son épiscopat à Imus, il a porté une attention particulière aux jeunes, mettant en ligne chaque semaine un message vidéo. En 2009, le diocèse d’Imus a accueilli la première rencontre des jeunes d’Asie, version continentale des JMJ (Journées mondiales de la jeunesse).
Le pape Benoît XVI l’a nommé archevêque de Manille en 2011, puis il l’a créé cardinal en 2012. En tant qu’archevêque, il a participé à divers événements catholiques à travers le monde, y compris la 3e assemblée générale extraordinaire du synode des évêques (octobre 2014) et la 14e assemblée générale ordinaire (Synode sur la famille en 2015).
De mai 2015 à 2019, il a servi comme président de Caritas Internationalis. En 2019, le pape François l’a nommé préfet de la congrégation pour l’Évangélisation des peuples. Après la restructuration de la congrégation, il a été annoncé que le cardinal Tagle servirait désormais comme pro-préfet du dicastère pour l’Évangélisation.
Beaucoup le surnomment le « François asiatique » en raison de son approche pastorale et de sa défense de la justice sociale, similaires au pape défunt. De plus, il est salué pour sa longue expérience pastorale et pour sa solide formation théologique et historique. Il a participé au conclave de mars 2013 qui a élu le pape François. Il est considéré comme « une des voix les plus représentatives de la pensée théologique asiatique ». Sa devise épiscopale vient de l’Évangile selon Jean (21, 7) : « C’est le Seigneur ! »
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