Philippines

Conclave, les voix qui comptent en Asie (6) : cardinal Pablo Virgilio David, Kalookan, Philippines

Le cardinal David durant une messe d’action de grâce aux Philippines en décembre 2024 après sa création comme cardinal. Le cardinal David durant une messe d’action de grâce aux Philippines en décembre 2024 après sa création comme cardinal. © Angie de Silva
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Le cardinal Pablo Virgilio David, 66 ans, évêque de Kalookan, est l’un des trois cardinaux philippins électeurs. Il est président de la Conférence épiscopale philippine et vice-président de la Fédération des conférences épiscopales d’Asie. Il a toujours montré une attention missionnaire pour les pauvres et marginalisés. Il a été une voix virulente contre la « guerre contre la drogue » de l’ex-président Duterte. Il y a quelques jours, il rappelait que le conclave n’est pas une « course hippique » et insistait sur le caractère sacré de l’élection du pape.

Une des qualités distinctes du cardinal Pablo Virgilio Siongco David, évêque de Kalookan (3e ville des Philippines dans la région du Grand Manille), est son attention pour les opprimés. Le prélat, âgé de 66 ans, a toujours nourri une passion sincère pour la justice sociale, et il s’est engagé activement au service des groupes marginalisés, quel que soit son statut comme prêtre, évêque ou cardinal. Son emblème a été de toucher les périphéries de la société philippine avec soin pastoral, compassion et fidélité.

Depuis qu’il est devenu évêque de Kalookan en 2016, le cardinal David a lancé une vingtaine de stations missionnaires dans son diocèse, « afin de mieux servir les plus pauvres d’entre les pauvres ». Le diocèse couvre les villes de Kalookan, Navotas et Malabon, pour un total d’environ 1,3 millions d’habitants.

La plupart des catholiques du diocèse sont des pauvres, des nouveaux occupants et des migrants internes qui se sont installés en ville depuis les régions rurales à la recherche de travail. Ils vivent dans des bidonvilles surpeuplés, sans infrastructures suffisantes.  Le manque d’opportunités d’emploi, de logement, d’éducation, d’accès aux soins et d’aide sociale les expose à des exploitations et à des injustices qui violent leur liberté, leur dignité et leurs droits.

Face à leurs besoins pastoraux et à leurs préoccupations, le cardinal David a lancé la Pastorale pour les Pauvres Urbains avec d’autres organisations ecclésiales. Il a aussi appelé plusieurs congrégations à travailler dans des stations missionnaires pour les communautés vulnérables confrontées à la pauvreté, aux trafics d’êtres humains (particulièrement ressentis en Asie du Sud-Est), aux migrations et aux exécutions extrajudiciaires.

Le cardinal Pablo Virgilio David, 66 ans, président des évêques philippins.
Le cardinal Pablo Virgilio David, 66 ans, président des évêques philippins.
© Judgefloro / CC BY-SA 4.0

« Si les pauvres ne viennent pas à l’Église, l’Église doit aller à eux »

Avec un ministère spécial dédié à la prévention de l’exploitation et à la protection des communautés vulnérables, le cardinal David a défendu sans relâche leurs droits et leur dignité. En octobre 2024, lors d’une rencontre de la Conférence épiscopale philippine, qu’il préside pour le 2e mandat consécutif, il a souligné que « la lutte contre la pauvreté est essentielle pour construire une Église qui sert vraiment les pauvres ». Selon lui, l’Église doit reconnaître et respecter la dignité des pauvres. « Si les pauvres ne viennent pas à l’Église, l’Église doit aller à eux », avait-il déclaré en 2024.

L’évêque de Kalookan est aussi engagé auprès des détenus et des personnes privées de liberté, en particulier les jeunes délinquants qui dépérissent souvent pour de longues périodes en cellule sans procès. Dans cette perspective, le cardinal souligne que l’accompagnement des prisonniers est un devoir chrétien, donc il visite les prisonniers, interagit avec eux et célèbre la messe en prison, comme le faisait le pape François.

Le prélat n’a pas non plus hésité à s’élever contre l’ancien président Rodrigo Duterte et sa guerre brutale contre la drogue, en exprimant son désaccord sur la transformation du diocèse en champ de bataille sanglant contre des innocents. Malgré les nombreuses tirades de Duterte contre l’Église et les évêques, y compris le cardinal David lui-même, ce dernier a agi face à la vague de violences et de morts en créant une équipe chargée de documenter les faits.

Le cardinal reste l’une des critiques les plus virulentes de la guerre contre la drogue menée par Duterte, en condamnant les exécutions liées à la drogue et en appelant au respect de la dignité humaine. Le prélat a aussi initié un programme communautaire de réhabilitation des toxicomanes, basé sur trois aspects principaux : prise en charge médicale, familiale et communautaire. Il a même créé un lieu spécial pour enterrer les pauvres et les toxicomanes, victimes de Duterte qui n’avaient pas les moyens de payer des funérailles.

« Accompagnons plutôt les électeurs par nos prières, et non par nos préférences »

Le cardinal David explique qu’il est proche de la vision du pape François d’une Église plus accueillante et à l’écoute. Le 21 avril, jour de sa mort du pape, il avait salué un pape qui « créait des ponts ». « François était un pasteur qui marchait avec son peuple, souvent en choisissant les routes poussiéreuses vers les périphéries plutôt que le confort du centre ».

Ces derniers jours, il a parlé du processus vers le choix d’un successeur de manière critique, en avertissant ceux qui voient le conclave comme une course hippique ou une émission de télévision. « Le fait de créer ou de partager des vidéos de ‘campagne’ [ndr : pour couvrir la période pré-conclave au Vatican], même avec de bonnes intentions, risque de transformer un discernement sacré en spectacle mondain », avait-il souligné. « Cela pourrait involontairement faire pression ou politiser l’esprit des électeurs, et les distraire du silence et de la prière requis pour vraiment être à l’écoute de l’Esprit. »

« Accompagnons plutôt les électeurs par nos prières, et non par nos préférences. Renonçons aux spéculations et savourons l’espérance. Si nous devons parler, efforçons-nous de prononcer de paroles d’encouragement, et non d’approbation. Si nous devons partager quelque chose en ligne, que ce soient les Écritures, des réflexions qui édifient, des prières qui nourrissent la foi, qui renforcent l’espérance et soutiennent l’amour – l’amour qui seul peut apporter la justice et la paix, la miséricorde et la compassion, la guérison et la réconciliation dans notre monde blessé. » Vraiment, a-t-il insisté, « nous avons trouvé un modèle pour cela dans le pape François lui-même. Marcher sur ses traces c’est garder cet état d’esprit vivant ».

(Avec Asianews)

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