Dignitas Infinita : de la pauvreté à la traite des personnes, les visages de l’humanité blessée

Des fans participants à concert à Baucau, Timor oriental, dans le cadre d’évènements organisés en 2010 contre la traite des personnes. Des fans participants à concert à Baucau, Timor oriental, dans le cadre d’évènements organisés en 2010 contre la traite des personnes. © UN Photo / Martine Perret (CC BY-NC-ND 2.0 DEED)
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La déclaration Dignitas Infinita (« Infinie dignité »), publiée le 7 avril par le dicastère pour la Doctrine de la foi, propose une étude approfondie sur la dignité humaine, qui existe « en toutes circonstances ». Le texte cite 13 violations « qui menacent gravement l’avenir de l’humanité », dont « le drame de la pauvreté », « la guerre » et « la traite des personnes ». Pour le cardinal Fernandez, préfet du dicastère, la défense de « la dignité inaliénable de chaque personne humaine » est une condition fondamentale « pour que nos sociétés soient réellement justes ».

Ce lundi 8 avril, le préfet du dicastère pour la Doctrine de la foi, le cardinal Victor Manuel Fernandez, a présenté la nouvelle déclaration doctrinale Dignitas Infinia lors d’une conférence de presse organisée au Vatican. Le texte, approuvé par le pape François, est signé par le cardinal Fernandez et le secrétaire du dicastère, Mgr Armando Matteo. Le document affirme que pour l’Église catholique, chaque personne est « créée à l’image et à la ressemblance de Dieu et rachetée dans le Christ Jésus », et que « chaque être humain possède une dignité inaliénable et intrinsèque dès le début de son existence comme un don irrévocable ».

Cette dignité « appartient à chaque personne humaine, en toutes circonstances et dans quelque état ou situation qu’elle se trouve », et pour les auteurs, ce principe ne reconnaît pas que la société puisse considérer certaines violations comme moins graves que d’autres : « La liste des sujets choisis par la déclaration n’est certainement pas exhaustive. Certains seront facilement partagés par les différents milieux sociaux, d’autres le seront moins. Cependant, ces thématiques nous semblent toutes déterminantes car, prises ensemble, elles permettent de reconnaître l’harmonie et la richesse de la pensée sur la dignité qui découle de l’Évangile. »

En 2019, le dicastère, encore connu comme la congrégation pour la Doctrine de la foi, a commencé à travailler sur ce texte en se concentrant sur l’indispensabilité du concept de la dignité de la personne humaine dans l’anthropologie chrétienne. Cette question est liée aux débats actuels sur les droits de l’homme, et à l’occasion du 75e anniversaire de la Déclaration universelle, le 10 décembre 2023, le pape François l’a décrite comme une « une autoroute, sur laquelle de nombreux pas en avant ont été faits ».

Des risques « d’incompréhensions » et de lectures partielles

Une rue du quartier de Thamel, à Katmandou, Népal. En Asie, la traitre des personnes s’observe notamment au Népal, sous forme d'exploitation sexuelle.
Une rue du quartier de Thamel, à Katmandou, Népal. En Asie, la traitre des personnes s’observe notamment au Népal, sous forme d’exploitation sexuelle. Crédit : Greg Willis / CC BY-SA 3.0 US DEED

Aujourd’hui, toutefois, il y a des risques « d’incompréhensions » et de lectures partielles de ce texte important, qui peuvent même limiter l’étendue de l’idée que chaque personne porte par nature une dignité qui ne peut jamais être effacée. Pour cette raison, Dignitas Infinita souligne la nécessité du respect véritablement inconditionnel envers la dignité de chaque personne.

« Certaines proposent d’utiliser l’expression ‘dignité personnelle’ et droits ‘de la personne’ au lieu de ‘dignité humaine’ et ‘droits de l’homme’, car ils n’entendent par personne qu’un ‘être capable de raisonner’. Par conséquent, ils soutiennent que la dignité et les droits sont déduits de la capacité de connaissance et de liberté, dont tous les êtres humains ne sont pas dotés. L’enfant à naître n’aurait donc pas de dignité personnelle, pas plus que la personne âgée non autonome ou les personnes souffrant d’un handicap mental », poursuit le texte.

L’Église, au contraire, insiste sur le fait que « la dignité de toute personne humaine, précisément parce qu’elle est intrinsèque, demeure ‘en toutes circonstances’, et que sa reconnaissance ne peut en aucun cas dépendre du jugement sur la capacité d’une personne à comprendre et à agir librement ». « Sinon, la dignité ne serait pas en tant que telle inhérente à la personne, indépendante de son conditionnement et donc digne d’un respect inconditionnel. »

Treize thématiques étroitement liées au thème de la dignité

Basé sur ce principe fondamental, le document dénonce dans sa dernière partie « quelques-unes des nombreuses et graves violations de la dignité humaine dans le monde contemporain ». Le pape François a demandé expressément au dicastère pour la Doctrine de la foi de se concentrer sur 13 thématiques ; en fait, le document développe des questions qui sont « étroitement liées au thème de la dignité, telles que le drame de la pauvreté, la situation des migrants, la violence contre les femmes, la traite des êtres humains, la guerre et d’autres sujets du genre », explique le cardinal Fernandez en introduisant la déclaration.

Par exemple sur le drame de la pauvreté : « Si certaines personnes naissent dans un pays ou une famille où elles ont moins de possibilités de développement, on doit reconnaître que cela va à l’encontre de leur dignité, qui est exactement la même que celle des personnes nées dans une famille ou un pays riche. » Ce même regard amène l’Église à insister sur le fait que l’avortement est aussi une violation de la dignité de la personne, tout comme l’euthanasie, parce que la vie humaine est « porteuse d’une dignité qui doit toujours être respectée » : « Il n’y a pas de conditions sans lesquelles la vie humaine cesse d’être digne et peut donc être supprimée. »

Dans le même esprit, les auteurs dénoncent également une « culture du déchet » en soulignant que « dans certaines cultures, les personnes handicapées souffrent parfois de marginalisation, voire d’oppression, étant traitées comme de véritables ‘déchets’ ».

Une invitation à regarder le thème de la dignité de la personne dans son ensemble

En abordant le thème de la théorie du genre, le document du Vatican commence par rappeler que la dignité humaine est violée « dans certains lieux » où « de nombreuses personnes sont emprisonnées, torturées et même privées du bien de la vie uniquement en raison de leur orientation sexuelle ». D’un autre côté, il rejette les tentatives d’introduire de « nouveaux droits », sous une idéologie qui « laisse envisager une société sans différence de sexe et sape la base anthropologique de la famille ».

Le texte affirme aussi que la protection de la dignité humaine passe par le respect de son propre corps et la nécessité de « sauvegarder notre humanité » : « Cela signifie avant tout l’accepter et la respecter comme elle a été créée. Il s’ensuit que toute intervention de changement de sexe risque, en règle générale, de menacer la dignité unique qu’une personne a reçue dès le moment de la conception. »

« Dignitas Infinita est une invitation à regarder le thème de la dignité de la personne dans son ensemble, non par en s’arrêtant sur seulement un thème ou l’autre, comme si un aspect pouvait être considéré comme moins important que les autres », a déclaré le cardinal Fernandez durant la conférence de presse. Comme le souligne le document, l’idée même de la dignité humaine « aide à dépasser la perspective réductrice d’une liberté autoréférentielle et individualiste, qui prétend créer ses propres valeurs sans tenir compte des normes objectives du bien et de la relation avec les autres êtres vivants ».

(Avec Asianews)

Pour en savoir plus : https://eglise.catholique.fr/vatican/messages-du-pape-francois/551047-declaration-dignitas-infinita-sur-la-dignite-humaine/