En Birmanie, la junte militaire interdit aux hommes de partir travailler à l’étranger
Un panneau devant l’aéroport de Rangoun, Birmanie. Début mai, la junte a interdit aux hommes de postuler pour travailler à l’étranger. © Jim Driscoll / CC BY-NC-ND 2.0Le 15/06/2024
La junte birmane a interdit aux hommes éligibles à l’enrôlement dans l’armée de quitter le pays pour travailler à l’étranger, selon une annonce du ministère du Travail. Cette mesure est entrée en vigueur début mai et suit la conscription imposée en février aux hommes de 18 à 35 ans et aux femmes de 18 à 27 ans – des décisions qui ont été prises après d’importantes pertes et défaites subies par l’armée dans le cadre de la guerre civile. Après l’annonce de la conscription forcée, au moins 100 000 hommes avaient demandé à quitter le pays.
Nyunt Win, secrétaire permanent du ministère du Travail, a expliqué le mois dernier que l’ordre de ne pas quitter le pays ne s’appliquait pas à ceux qui avaient déjà reçu une autorisation. « Ceux qui ont déjà obtenu un accord sont exempts de cette interdiction. Nous la lèverons selon les circonstances à venir. C’est tout ce que je peux dire pour le moment. » Une source anonyme a indiqué au média local Myanmar Now que durant une réunion organisée avant l’annonce officielle, le ministre du Travail s’était plaint que « trop de jeunes quittent le pays pour éviter la loi sur les conscriptions ».
De son côté, l’Institut des États-Unis pour la paix estime que l’armée birmane compte un maximum de 130 000 soldats, et que seulement près de la moitié d’entre eux sont prêts au combat. Selon les experts, les conscriptions sont une tentative désespérée de renforcer les troupes, qui ont été réduites progressivement après plus de trois ans de combats.
2,6 millions d’habitants ont été déplacés par les conflits
Après la guerre civile qui a éclaté à cause du coup d’État de février 2021, quand les militaires ont renversé le gouvernement dirigé par Aung San Suu Kyi, plusieurs milliers de citoyens birmans ont fui à l’étranger, en allant chercher du travail principalement en Thaïlande, en Malaisie, à Singapour, en Corée du Sud et aux Émirats Arabes Unis.
Avant l’annonce des conscriptions forcées en février, le régime militaire, à court d’argent et de main-d’œuvre, avait déjà introduit deux mesures économiques dans le but de pénaliser les travailleurs migrants. Afin d’envoyer de l’argent en Birmanie, ces derniers doivent utiliser des canaux officiels pour transférer au moins un quart de leur salaire (à des taux défavorables). Un refus entraînerait une interdiction de voyage à l’étranger durant trois ans dès leur retour. De plus, les Birmans travaillant à l’étranger doivent payer des impôts sur leurs revenus à l’étranger, soit une double taxation puisqu’ils doivent déjà payer des impôts dans leur pays hôte.
Avec la nouvelle interdiction annoncée début mai, tout le monde « a perdu espoir en l’avenir », confie un homme qui pensait partir au Japon, interrogé par la BBC. « Il n’y a pas d’opportunités d’embauche en Birmanie, et maintenant ils nous interdisent même de quitter le pays. Est-ce que nous n’avons le droit de rien faire ? », demande-t-il.
Après l’annonce des conscriptions, durant plusieurs semaines, beaucoup d’hommes en âge d’intégrer l’armée ont pu fuir en Thaïlande grâce aux avancées des forces de résistance qui avaient pris le contrôle de Myawaddy – un important poste commercial frontalier – avant de le perdre deux semaines plus tard. Près de 15 000 personnes ont pris la fuite durant les combats, en cherchant refuge dans les monastères ou en installant des camps de fortune le long de la rivière Moei, qui sépare la Birmanie de la Thaïlande. Selon les Nations unies, au moins 2,6 millions d’habitants ont été déplacés par les conflits internes depuis 2021.
(Avec Asianews)