Chine

Hong-Kong marque les 28 ans de la rétrocession à la Chine et les 5 ans de la loi sur la sécurité nationale

Une manifestation au Victoria Park, le 1er juillet 2018 à l’occasion du 21e anniversaire de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine. Une manifestation au Victoria Park, le 1er juillet 2018 à l’occasion du 21e anniversaire de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine. © Etan Liam / CC BY-ND 2.0
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Ce mardi 1er juillet à Hong-Kong, alors que la ville célébrait le 28e anniversaire de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine en 1997, le chef de l’exécutif hongkongais, John Lee, a salué la sécurité et la compétitivité croissantes de la ville. À cette occasion, analystes et critiques ont dénoncé la répression de la dissidence en vertu de la loi sur la sécurité nationale, entrée en vigueur il y a cinq ans, le 30 juin 2020.

Avec son enthousiasme habituel, Hong-Kong a célébré ce mardi 1er juillet le 28e anniversaire depuis que l’ancienne colonie britannique est revenue sous la souveraineté chinoise, dans le cadre d’un accord avec Londres qui était censé protéger son statut selon le modèle « un pays, deux systèmes ». Mais le 30 juin marquait aussi le 5e anniversaire depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale, imposée par Pékin en 2020 afin de réprimer le mouvement pro-démocratie.

Cette poigne de fer, qui a complètement vidé de son sens la formule « un pays, deux systèmes », a ensuite été incluse l’an dernier dans la législation hongkongaise par le Conseil législatif. Celui-ci doit être composé « seulement de patriotes » fidèles à la République populaire de Chine, avec un nouveau cadre législatif qui, au nom de la lutte contre la « sécession » et « l’influence étrangère », est devenu encore plus contraignant pour la liberté religieuse.

Bilan des poursuites judiciaires depuis 2020

Un bilan des cinq dernières années, selon ce point de vue, à été publié le 1er juillet par le Conseil démocratique de Hong-Kong, une organisation non partisane et non gouvernementale basée à Washington D.C. qui milite en faveur de l’autonomie de Hong Kong. Ce groupe documente également les prisonniers politiques hongkongais, qui sont aujourd’hui au nombre de 1 934.

Parmi eux, 332 ont été arrêtés pour des crimes liés à la « sécurité nationale ». Sur ceux qui ont comparu devant les tribunaux, 161 personnes ainsi qu’une société ont été condamnées, et seulement deux accusés ont été acquittés. Il y a actuellement 102 personnes derrière les barreaux qui ont été condamnées à la prison dans le cadre de la loi sur la sécurité nationale. Enfin, 59 personnes ont été libérées après avoir purgé leur peine, et huit autres sont en détention provisoire en attendant leur jugement.

Sur ces huit accusés, le plus célèbre est Jimmy Lai, l’homme d’affaires et éditeur catholique de l’ex-quotidien pro-démocratie Apple Daily, qui a dû fermer en 2021. Détenu depuis décembre 2020, son procès sous la loi sur la sécurité nationale a débuté le 18 décembre 2023. Après 146 audiences, le procès se poursuit toujours : la phase finale devrait débuter le 14 août.

Par ailleurs, le procès de l’avocate Chow Hang-tung, du syndicaliste Lee Cheuk-yan, et de l’ancien parlementaire Albert Ho, tous trois détenus depuis quatre ans, n’a même pas encore commencé. Ils doivent être jugés pour avoir organisé les veillées du 4 juin en mémoire du massacre de la place Tiananmen (survenu en 1989 à Pékin) : après de nombreux ajournements, le début de leur procès est prévu le 11 novembre prochain.

Cérémonie d’ouverture de la Journée d'éducation à la sécurité nationale, le 15 avril 2021 à Hong-Kong.
Cérémonie d’ouverture de la Journée d’éducation à la sécurité nationale, le 15 avril 2021 à Hong-Kong.
© Harry (Hong Kong Citizen Media) / CC BY-SA 3.0

Ces mesures s’étendent également au-delà des frontières de la ville : la police qui applique la loi sur la sécurité nationale a délivré des mandats d’arrêt et promis des récompenses concernant l’arrestation de 19 citoyens hongkongais qui ont fui à l’étranger. Les autorités ont aussi arrêté et détenu plusieurs dizaines de personnes à Hong-Kong parmi leurs familles et leurs proches.

Enfin, concernant les 143 personnes qui ont été arrêtées mais libérées sous caution sans avoir été inculpées, la plupart d’entre elles ont toujours leurs passeports confisqués et font toujours officiellement l’objet d’enquêtes. Ce qui signifie que ces personnes ne peuvent pas quitter Hong-Kong indéfiniment et doivent demander l’autorisation du tribunal pour pouvoir voyager. Pour elles aussi, Hong-Kong est devenu une prison.

Censure, autocensure et liberté d’expression

Au-delà de l’aspect judiciaire, la censure des idées à Hong-Kong a aussi d’autres visages. « Des livres sont retirés des bibliothèques », rappelle le Conseil démocratique de Hong-Kong. « Des films sont censurés, des organisations sont sous pression ou forcées de fermer, des librairies indépendantes font l’objet de raids ou sont menacées, des universités et des écoles deviennent des environnements fermés d’apprentissage, des professions sont contrôlées, et l’état de droit est affaibli… »

Ces efforts trouvent aussi des « alliés » surprenants. La veille du 1er juillet, coïncidant avec cet anniversaire sensible de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine, Radio Free Asia – un média soutenu par l’administration américaine et un point de référence pour la plupart des informations couvrant les violations des droits de l’homme sur le continent asiatique – a interrompu ses publications en cantonais, la langue chinoise la plus parlée à Hong-Kong.

Ce média avait été lancé en 1998, immédiatement après la rétrocession de la ville à la Chine, afin de garantir la liberté d’information dans l’ancienne colonie britannique. L’an dernier, après l’entrée en vigueur de la version locale de la loi sur la sécurité nationale, qui ciblait spécifiquement les institutions recevant des dons étrangers, Radio Free Asia avait déjà déplacé son siège en dehors de Hong-Kong. Le reste a été fait par les réductions budgétaires de l’administration Trump, qui depuis l’an dernier ont pratiquement démantelé cette forme de soft-power américain, de l’Europe de l’Est à l’Extrême Orient.

« Alors que notre édition cantonaise devenait de plus en plus importante avec la disparition d’Apple Daily, de Stand News et de Citizen News, et avec la propagation de l’autocensure parmi les principaux médias hongkongais, nous avons été forcés de réduire nos financements », a expliqué RFA dans un communiqué. « Bien que notre voix doive disparaître pour le moment, notre combat pour le journalisme et la liberté d’expression continuera d’exister dans le cœur de tous les collègues et de tous les lecteurs. »

« La loi sur la sécurité nationale a affaibli la confiance en l’état de droit »

De son côté, le 1er juillet, le chef de l’exécutif hongkongais John Lee a déclaré que la ville est devenue plus sûre et compétitive à l’occasion de ce 28e anniversaire, malgré les critiques, notamment européennes, contre la loi sur la sécurité nationale. Le 30 juin, l’Union européenne a déclaré que « l’utilisation répressive de la loi sur la sécurité nationale a affaibli la confiance en l’état de droit et en la réputation internationale de Hong-Kong ».

Selon les autorités, les résidents de la ville continuent de bénéficier des droits et des libertés garantis par sa Loi fondamentale (mini-Constitution adoptée en 1990), bien que ces droits ne soient pas absolus. Alors que dans le passé, des manifestations ont souvent eu lieu à Hong-Kong à l’occasion des célébrations du 1er juillet, les autorités ont réprimé toute dissidence depuis le mouvement prodémocratie de 2019.

Sources : Asianews, Ucanews

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