L’Asie à la pointe de la course à l’armement nucléaire selon un nouveau rapport

Le 17/06/2025
Alors que l’attaque d’Israël est concentrée sur le programme nucléaire de l’Iran, un nouveau rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri) révèle la croissance et la modernisation de l’ensemble des programmes nucléaires (dont ceux de la Chine, de l’Inde, du Pakistan et de Corée du Nord). Alors que des accords signés par Moscou et Washington pour limiter le nombre d’ogives expirent bientôt, un expert estime que « les armes nucléaires n’empêchent plus les conflits » et « comportent d’immenses risques d’escalade ».
Alors que le monde regarde Israël faire la guerre à l’Iran pour l’empêcher de développer une arme nucléaire, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri) a publié des détails sur les programmes nucléaires de plusieurs États, à savoir les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la France, la Chine, l’Inde, la Corée du Nord et Israël.
Chaque année, l’institut publie une évaluation de l’état des armements et désarmements et de la sécurité internationale. L’institut de recherche explique que tous ces pays ont modernisé leurs arsenaux avec de nouvelles armes depuis l’an dernier. Au mois de janvier 2025, Sipri estimait qu’on comptait 12 241 têtes nucléaires à l’échelle mondiale, dont 9 614 prêtes à l’emploi, majoritairement en Russie et aux États-Unis bien que « la Chine pourrait désormais conserver quelques têtes nucléaires sur des missiles en temps de paix ».
Sipri souligne que la tendance à réduire progressivement le nombre de têtes nucléaires, initiée après la fin de la Guerre Froide, pourrait être renversée durant les prochaines années, alors que le rythme de démantèlement se ralentit tandis que le déploiement de nouvelles armes nucléaires s’accélère.
« On constate une tendance claire à l’expansion des arsenaux nucléaires, à l’intensification de la rhétorique nucléaire et à l’abandon des accords de contrôle des armements », explique Hans M. Kristensen, chercheur principal associé du programme de Sipri dédié aux armes de destruction massive et directeur de projet pour l’information nucléaire au sein de la Fédération des scientifiques américains (FAS).
En Asie, la situation de la Chine, de la Corée du Nord et du Pakistan
La Chine est le pays dont l’arsenal augmente le plus rapidement. Selon Sipri, la République populaire a au moins 600 têtes nucléaires, et en produit environ 100 chaque année depuis 2023. Pourtant, « même si la Chine atteint le niveau maximal attendu de 1 500 têtes d’ici 2035, ce sera toujours seulement environ un tiers des réserves actuelles des deux puissances nucléaires russe et américaine ». Les deux pays détiennent ensemble environ 90 % du total des armes nucléaires.
Ailleurs en Asie, Sipri estime que l’Inde a développé son arsenal nucléaire en 2024, tandis que le Pakistan continue de développer de nouveau vecteurs de livraison et de stocker des matières fissiles, ce qui laisse penser que le pays pourrait augmenter son stock d’armes nucléaires au cours de la prochaine décennie.
La Corée du Nord, qui affirme que son programme nucléaire est essentiel pour sa sécurité nationale, a déjà au moins 50 têtes nucléaires, et suffisamment de matières fissiles pour 40 têtes de plus. En juillet 2024, des responsables sud-coréens ont averti que Pyongyang en était aux « dernières étapes » de la mise au point d’une « arme nucléaire tactique ». En novembre, Kim Jong-un a annoncé une expansion « illimitée » du programme nucléaire.
Le stock grandissant de la Chine vu comme une menace aux États-Unis
Israël – qui ne reconnaît pas publiquement la possession d’armes nucléaires, serait également en train de moderniser son arsenal nucléaire et d’améliorer un site de production de plutonium dans la ville de Dimona, située dans le désert du Néguev. Selon Sipri, la France poursuit également plusieurs programmes destinés à moderniser ses missiles. L’institut s’attend aussi à ce que le Royaume-Uni augmente son propre arsenal nucléaire, après que son « Integrated Review Refresh 2023 » confirmait déjà des plans antérieurs visant à relever le plafond du nombre d’ogives.
Par ailleurs, alors que les États-Unis et la Russie continuent de dominer en termes de nombre d’ogives, les deux puissances font face à davantage de retards et de difficultés financières. Ainsi, globalement, le nombre d’ogives en 2024 est resté à ce jour pratiquement inchangé, même si Sipri signale une augmentation possible durant les prochaines années. Aux États-Unis, les partisans du nucléaire estiment qu’une augmentation est nécessaire en réponse au stock grandissant de la Chine.
En février 2026, le nouvel accord Start entre la Russie et les États-Unis sera expiré. Signé en 2010, il est destiné à limiter le nombre « d’armes offensives stratégiques », à savoir les ogives qui peuvent être installées sur des missiles stratégiques (les armes stratégiques concernent la dissuasion mutuelle, tandis que les armes tactiques se réfèrent à l’utilisation réelle sur un champ de bataille).
« Le conflit Inde-Pakistan montre que l’arme nucléaire n’empêche pas les conflits »
En l’absence de signes ou de désir de renouvellement ou de signature d’un nouvel accord, Sipri avertit des risques d’une nouvelle course à l’armement nucléaire, qui pourrait « comporter bien plus de risques et d’incertitude que la précédente », analyse le directeur de l’institut, Dan Smith. « Les signes montrent qu’une nouvelle course à l’armement se prépare, qui présente beaucoup plus de risques que la précédente », ajoute-t-il en lançant une sévère mise en garde sur les risques d’une telle course à l’armement nucléaire. De plus, le développement rapide des nouvelles technologies perturbe les capacités nucléaires et le concept même de dissuasion et de défense.
Ainsi, l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les processus de décision augmente les risques de conflits nucléaires à cause d’erreurs de communication, de malentendus ou d’accidents techniques. Dans ce contexte, les formes classiques de calculs ne suffisent plus à déterminer l’avantage d’un pays sur un autre, ce qui rend la situation globale encore plus incertaine. De plus, les débats nucléaires croissants en Europe, au Moyen-Orient et en Asie de l’Est suggèrent que d’autres États pourraient développer leurs propres armes nucléaires.
Dans ce contexte, « il est essentiel de se rappeler que les armes nucléaires ne garantissent pas la sécurité », affirme M. Korda, un des auteurs du rapport. « Comme l’a amplement démontré la récente flambée des hostilités entre l’Inde et le Pakistan, les armes nucléaires n’empêchent pas les conflits. Elles s’accompagnent également d’immenses risques d’escalade et d’erreurs de calcul catastrophiques – en particulier lorsque la désinformation est omniprésente – et peuvent finir par rendre la population d’un pays moins en sécurité, et non pas plus sûre. »
Source : Asianews