Le cardinal Chow sur la Chine : « La sinisation est là, elle ne va pas disparaître. Nous devons établir le dialogue »
Le cardinal Chow de Hong-Kong, dans la cathédrale de Canterbury lors d’un sommet œcuménique en janvier 2024. © Neil Turner/Anglican NewsLe 18/11/2024
Le 15 novembre, l’Université pontificale grégorienne de Rome a organisé une conférence sur « Matteo Ricci, un héritage d’amitié, de dialogue et de paix ». À cette occasion, plusieurs intervenants, dont le cardinal Stephen Chow, évêque de Hong-Kong, et le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, ont salué l’exemple du missionnaire jésuite du XVIe siècle pour son exemple de dialogue et de rencontre entre la culture chrétienne et la culture chinoise – un témoignage « toujours crédible aux yeux du peuple chinois ».
Pour le cardinal Stephen Chow, évêque de Hong-Kong, l’Église doit s’engager dans le dialogue avec la classe dirigeante et intellectuelle de la Chine d’aujourd’hui en s’inspirant de l’œuvre du père Matteo Ricci – un missionnaire jésuite du XVIe siècle connu pour ses efforts de dialogue entre les cultures chrétienne et chinoise –, afin de présenter le christianisme d’une façon qui ne menace pas la culture du pays.
Le cardinal hongkongais est intervenu le 15 novembre lors d’une conférence organisée à Rome par l’Université pontificale grégorienne. La conférence, qui était organisée sur le thème « Matteo Ricci, un héritage d’amitié, de dialogue et de paix », alternait entre des réflexions historiques sur l’héritage de Ricci et de la mission jésuite en Chine et des interventions sur les perspectives d’avenir des relations entre le christianisme et la Chine. La conférence était organisée en partenariat avec les Archives historiques de la société de Jésus et l’Université de Georgetown (États-Unis).
À cette occasion, le cardinal Chow a expliqué qu’en raison de la capacité de dialogue et de la prouesse intellectuelle du missionnaire jésuite, « le christianisme n’a pas été vu comme une hérésie envers la culture chinoise, mais comme un nouvel enseignement compatible avec la culture chinoise ». Toutefois, a-t-il ajouté, quand les catholiques en Chine ont commencé à interdire le culte des ancêtres, considéré comme une valeur importante de la culture chinoise, le gouvernement y a vu une menace et a commencé à réprimer le catholicisme.
« L’Église catholique a toujours été vue comme une religion étrangère »
Bien que le catholicisme a continué d’exister en Chine, le cardinal a rappelé qu’il a été particulièrement opprimé durant les deux premières décennies du régime communiste. Dans ses efforts pour former une nouvelle identité nationale, la nation a cherché à purger toute influence occidentale, « et malheureusement, l’Église catholique a été vue comme faisant partie du monde occidental », a déploré l’évêque de Hong-Kong.
Faisant un parallèle avec l’époque du père Ricci, le cardinal Chow s’est dit convaincu que la période actuelle est « un moment propice pour engager le dialogue entre l’Église et les élites intellectuelles de Chine sur la sinisation ». « Peut-être y a-t-il une façon dont l’Église en Chine peut être vraiment une Église chinoise, si nous faisons bien les choses et que nous prions le Saint Esprit d’éclairer les deux parties », a-t-il souligné. « Le Saint-Esprit n’est pas limité aux seuls catholiques, et il est ouvert à la vérité. »
« La sinisation ne va pas disparaître. Elle est là, donc nous devons établir le dialogue », a-t-il déclaré, en expliquant que malgré les discussions sur l’inculturation, « L’Église catholique et l’Église protestante ont toujours été vues, jusqu’à ce jour, comme une religion étrangère ». Par conséquent, le gouvernement est intervenu pour dire « vous allez devenir une religion chinoise »… « Mais bien sûr nous ne sommes pas forcément d’accord sur la manière de procéder, c’est pourquoi nous avons besoin du dialogue ».
Matteo Ricci, un témoignage toujours crédible aux yeux du peuple chinois
Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, a également pris la parole durant la conférence. Il a salué le père Ricci comme un modèle pour construire la relation et le dialogue qui sont nécessaires à l’avenir de l’Église en Chine aujourd’hui. « Matteo Ricci continue d’offrir un exemple durable et un témoignage crédible aux yeux du peuple chinois, pour construire et reconstruire la relation, le dialogue et la collaboration d’une façon respectueuse et honnête, pour le bien commun du peuple chinois », a-t-il confié. « C’est toujours vrai aujourd’hui », a-t-il insisté. « C’est plus que jamais d’actualité. »
Le cardinal Parolin a ajouté qu’un esprit de compréhension mutuelle a été mis en valeur par la manière dont les derniers papes successifs ont insisté sur l’inculturation, à commencer par saint Jean-Paul II jusqu’au pape François aujourd’hui. « L’inculturation doit rendre la rencontre possible, une rencontre vraie et honnête qui n’est jamais définitive puisqu’elle doit toujours évoluer vers des rencontres nouvelles, plus profondes, sincères et honnêtes. »
Une telle attitude est importante non seulement pour l’évangélisation, mais aussi pour faire avancer le dialogue diplomatique, a poursuivi le cardinal, citant en exemple les « étapes progressives » effectuées par le Vatican dans le cadre de son accord avec la Chine sur la nomination des évêques dans le pays. « Une vraie rencontre a eu lieu dans le cas de Matteo Ricci, et s’il y a eu une rencontre, cela veut dire que la rencontre est possible. C’est pourquoi cela vaut le coup de continuer, de rechercher cela, de construire avec patience et courage. »
« Une lumière qui continue d’illuminer le présent »
De son côté, le père Gianni Criveller (PIME) a tenu à commenter cette conférence, désignée comme « une journée d’étude et d’interaction intéressante entre des érudits du monde entier », en remettant en perspective ce qu’était la mission de Matteo Ricci en Chine.
« Nous ne devons pas oublier la dimension modeste de sa mission, il faut la placer dans sa juste proportion. À la mort du missionnaire en 1610, il y avait un total de 16 missionnaires jésuites en Chine, et des petites communautés de pas plus de 3 000 croyants, parmi lesquels les érudits n’étaient pas plus nombreux que les doigts d’une main », a-t-il signalé. « Soit une réalité très modeste et un pourcentage totalement insignifiant, dans le contexte d’un immense pays qui était déjà à l’époque le plus peuplé au monde, avec près de 150 à 200 millions d’habitants. »
Pour le père Criveller, la mission a toujours été comme une graine semée dans un champ immense. Le nombre de missionnaires, leur formation et leurs qualités semblent toujours radicalement inadaptés étant donné toute l’étendue de l’entreprise. « La mission en Chine est la preuve évidente que l’importance d’une expérience chrétienne ne peut pas se mesurer en termes de résultats comptables, mais selon sa qualité évangélique. Et après plus de 400 ans, l’expérience chrétienne d’une poignée de missionnaires étrangers et de quelques catholiques chinois est toujours une lumière qui continue d’illuminer le présent, comme une mine précieuse que nous continuons d’exploiter pour donner un nouveau sens et une nouvelle orientation. »
(Avec Ucanews et Asianews)