Asie

Le cardinal Ferrao, président de la FABC, lance un appel aux Églises d’Asie

Des évêques asiatiques lors d’une assemblée plénière de la FABC, en 2018 à Colombo, Sri Lanka. Des évêques asiatiques lors d’une assemblée plénière de la FABC, en 2018 à Colombo, Sri Lanka. © Fédération biblique catholique
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Le comité central de la Fédération des conférences épiscopales d’Asie (association volontaire de 17 conférences épiscopales en Asie) s’est rassemblé du 10 au 15 mars en Thaïlande pour sa réunion annuelle. Le cardinal Filipe Neri Ferrao, président de l’organisation, s’est adressé « aux Églises locales en Asie » dans une lettre pastorale publiée le 15 mars sur le thème de « la sauvegarde de la Création : un appel à la conversion écologique », dans un contexte alarmant pour de nombreuses régions d’Asie.

Le 15 mars, la Fédération des conférences épiscopales (FABC) publiait une lettre pastorale sur « la sauvegarde de la Création : un appel à la conversion écologique ». Le document est cosigné par les cardinaux Filipe Neri Ferrao (président de la FABC), Isao Kikuchi (secrétaire général) et Pablo David (vice-président), membres du comité central de l’organisation, qui avait sa réunion annuelle du 10 au 15 mars à Bangkok (Thaïlande).

Cette lettre pastorale a été publiée le jour du 10e anniversaire de l’encyclique Laudato Si du pape François, un texte considéré par les trois cardinaux comme « un appel prophétique à l’humanité, qui doit redécouvrir sa relation avec la Création, avec Dieu et avec les autres ». Ils en profitent pour rappeler l’urgence du message face à la crise écologique qui frappe particulièrement le continent asiatique.

Dans ce contexte alarmant, ils insistent sur le thème du Jubilé 2025, « pèlerins d’espérance », en mettent en avant l’Asie comme « une terre de riches cultures, de traditions anciennes et à la profonde spiritualité ». Ainsi, « au cœur de cette diversité humaine et spirituelle, la Parole de Dieu continue d’offrir l’espérance », soulignent-ils, en assurant que « l’espérance ne déçoit pas » (Rm 5, 5). Ils ajoutent que l’espérance chrétienne pousse les pasteurs en Asie à « s’engager activement pour la restauration de la Création et la guérison des blessures de notre monde ».

New Delhi, Inde. Sur les 20 villes les plus polluées au monde, 13 se trouve en Inde et Delhi demeure la capitale la plus polluée au monde.
New Delhi, Inde. Sur les 20 villes les plus polluées au monde, 13 se trouve en Inde et Delhi demeure la capitale la plus polluée au monde.
© Ron Przysucha / Public Domain

Ils invitent donc à reconnaître les souffrances écologiques qui frappent le continent et le monde « non comme des causes de désespoir mais comme des appels à l’endurance, l’action et l’espérance enracinée dans le Christ ». « Que ce temps de Carême soit une occasion d’examiner nos consciences et de reconnaître humblement nos péchés contre la Création. Que ce soit une occasion de répondre à l’appel de Dieu qui nous invite à la conversion écologique. »

Causes d’inquiétude en Asie

À travers l’Asie, la FABC repère une liste de six causes d’inquiétude environnementale, dont les conséquences sont déjà visibles et attestées scientifiquement. Tout d’abord la déforestation et la perte de biodiversité, constatées dans les forêts tropicales (Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Malaisie, Birmanie et Philippines), causées par les exploitations forestières illégales, l’expansion agricole et les activités minières, et provoquant le déplacement forcé des populations indigènes.

Deuxième point, le dérèglement climatique qui renforce les typhons et les inondations, accélère la montée du niveau de la mer et menace l’existence de villages entiers (en particulier aux Philippines, au Bangladesh et au Vietnam). L’accès aux ressources en eau est également un point sensible en Asie du Sud et en Asie centrale, entre la fonte des glaciers et l’assèchement des cours d’eau.

Sur les 20 villes les plus polluées, 19 se trouvent en Asie

Quatrième point, la pollution de l’air et ses impacts sur la santé, particulièrement flagrants dans de nombreuses villes du continent dont Pékin et Shanghai en Chine, Dacca au Bangladesh, Delhi en Inde, Karachi au Pakistan, Manille aux Philippines, Jakarta en Indonésie ou encore Bangkok en Thaïlande. Une situation qui affecte dangereusement la santé respiratoire parmi les plus vulnérables, et qui impacte la qualité de vie des habitants de manière générale.

Le 11 mars dernier, un nouveau rapport de la société suisse IQAir sur la qualité de l’air dans le monde affirmait que sur les 20 villes les plus polluées au monde (sur une période étudiée de 2017 à 2024), 19 se trouvent en Asie dont 13 en Inde. Delhi demeure la capitale la plus polluée au monde, et l’Inde est classé comme le 5e pays le plus affecté. Quatre villes au Pakistan, une en Chine et une autre au Kazakhstan font également partie de la liste.

Dans les villes indiennes, la croissance économique s’appuie largement sur le charbon, tandis que plusieurs centaines de millions d’habitants vivent dans des mégalopoles congestionnées. Le rapport d’IQAir se base sur les particules fines PM2.5, les polluants considérés comme les plus dangereux (et causés par des sources comme la combustion d’énergies fossiles par des tempêtes de poussière ou encore des incendies ou brûlis agricoles). L’exposition à ces particules aggrave les risques de problèmes respiratoires et rénaux.

Le cardinal Kikuchi et le cardinal Ferrao, du comité central de la Fédération des conférences épiscopales d’Asie (FABC), le 14 mars à Bangkok.
Le cardinal Kikuchi et le cardinal Ferrao, du comité central de la Fédération des conférences épiscopales d’Asie (FABC), le 14 mars à Bangkok.
© Cardinal Isao Kikuchi / Facebook

Signes d’espérances

Cinquième point, la lettre pastorale signale des événements climatiques de plus en plus fréquents et extrêmes à travers l’Asie. La FABC constate des typhons de plus intenses et répétés, aux effets dévastateurs en Asie du Sud-Est, dont l’impact est aussi ressenti jusqu’en Asie du Sud et de l’Est, causant des déplacements forcés, des dégâts et des pertes économiques.

Enfin, la lettre évoque les crises agricoles et alimentaires, dues aux sécheresses, aux inondations, aux cycles climatiques imprévisibles qui détruisent les cultures, réduisent la production et menacent la sécurité alimentaire. Une situation particulièrement dévastatrice pour les populations rurales dépendant de l’agriculture. Alors que ces situations affectent « les communautés les plus pauvres et vulnérables d’Asie », la FABC interpelle les dirigeants, les parlementaires et tous les décideurs, en particulier les laïcs catholiques parmi eux.

Les cardinaux Ferrao, Kikuchi et David repèrent aussi des « signes d’espérance qui montrent que l’Esprit Saint est vivant et à l’œuvre dans notre monde ». Ils évoquent tout d’abord la « résilience communautaire » avec notamment des efforts de reforestation constatés dans toute l’Asie. Par ailleurs, tous les diocèses d’Asie ont créé des pastorales de l’environnement afin de sensibiliser les fidèles et d’intégrer la protection de la Création dans les paroisses et l’éducation catholique. Les mouvements de jeunes sont également considérés comme des « champions de l’écologie intégrale » et sont salués pour leurs engagements. La FABC rappelle aussi que face à ces questions, la réponse dépasse le cadre ecclésial et nécessite de renforcer la collaboration avec les autres religions et la société civile.

Enfin, le Jubilé 2025 intègre ces questions comme des thèmes essentiels de la démarche jubilaire de l’Église. « En tant qu’Églises locales en Asie, nous devons être à la hauteur de ces défis, en faisant preuve de courage et de détermination », écrivent les responsables de l’organisation. Outre les réponses aux catastrophes et aux crises, ils suggèrent de renforcer la sensibilisation, d’adapter les modes de vie et de « développer une spiritualité de la Création qui renforce notre relation avec Dieu, l’humanité et le cosmos ». « Que la peur ne nous paralyse pas, marchons ensemble sur ce pèlerinage d’espérance avec foi et courage. Nous croyons que le Christ marche avec nous, renouvelant la face de la terre. »

(Ad Extra)

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