Le pape François et l’Asie, rétrospective : 12 pays en 12 ans de pontificat (2013-2025)

Le 22/04/2025
Le pape François, décédé ce lundi 21 avril à 88 ans, a effectué 6 voyages dans 12 pays d’Asie en 12 ans de pontificat (2013-2025). Le dernier, en septembre 2024, a été le plus long et le plus lointain. Après son élection en 2013, il a rapidement fait de l’Asie une priorité pastorale. Sa diplomatie et ses gestes pastoraux envers l’Asie ont permis de renforcer les relations de l’Église locale avec les différentes cultures et traditions religieuses du continent.
Corée du Sud, 13 au 18 août 2014 : béatification des 124 Martyrs de Corée
Un des moments les plus mémorables du premier voyage du pape François en Asie a été la messe de béatification de saint Paul Yun Ji-Chung et ses 123 compagnons, Martyrs de Corée, le 16 août 2014 sur la gigantesque place Gwanghwamun, entourée de gratte-ciel au cœur de Séoul, en présence de plusieurs centaines de milliers de Coréens. Le 6 mai 1984, saint Jean-Paul II avait aussi canonisé les « 103 Martyrs de Corée » ou « André Kim Taegon, Paul Chong Hasang et leurs 101 compagnons », également à Séoul sur la place Youido.
Un autre point culminant du voyage du pape à Séoul a été une messe pour la paix et la réconciliation intercoréenne, qui a eu lieu le 18 août dans la cathédrale de Myeongdong, alors que la paix dans la péninsule coréenne est un apostolat permanent des évêques et de l’Église catholique en Corée du Sud.
Sri Lanka, 12 au 15 janvier 2015 : canonisation du bienheureux Joseph Vaz
Pour cet unique voyage en Asie du Sud, le pape François a également présidé une messe de canonisation, celle du bienheureux Joseph Vaz, un missionnaire oratorien venu de Goa, en Inde, qui « continue à inspirer l’Église au Sri Lanka aujourd’hui » selon les mots du Saint-Père, le 14 janvier durant la célébration qui a eu lieu à Galle Face Green, un vaste jardin public situé à Colombo, la capitale.
Philippines, 15 au 19 janvier 2015 : Manille et Tacloban
Après avoir quitté le Sri Lanka, le pape François s’est rendu dans un des seuls pays asiatiques à majorité catholique, les Philippines. À Manille, première étape, un des principaux temps forts a été une rencontre avec les familles, qui a eu lieu au Mall of Asia Arena (une salle omnisports d’une capacité de 20 000 places). « J’ai besoin de me reposer dans le Seigneur avec les familles », a-t-il dit à cette occasion, en rappelant les pressions qui demeurent sur la vie de la famille aux Philippines.

Parmi ces pressions, il a noté l’exposition du pays aux catastrophes naturelles qui affectent de nombreuses familles philippines chaque année. À Tacloban, autre étape de son voyage dans l’archipel, il a déjeuné avec quelques rescapés du typhon Yolanda, qui a causé plus de 7 000 morts en 2013 dans le centre-est du pays.
Birmanie et Bangladesh, 26 novembre-2 décembre 2017 : Crise des Rohingyas et dialogue interreligieux
Au moment du premier voyage du pape François en Asie du Sud-Est, en novembre 2017, la crise des Rohingyas (une minorité musulmane de l’Arakan en Birmanie) avait débuté près d’un an avant, en octobre 2016. Au cours de cette visite birmane, très interreligieuse avec une rencontre avec le Conseil suprême « Sangha » des moines bouddhistes et une autre avec les responsables religieux, le Saint-Père est resté prudent en évitant de prononcer le mot « Rohingya ».
Le pape François a donc attendu d’être à Dacca, capitale du Bangladesh, pour en parler explicitement, après avoir écouté avec gravité les récits de seize réfugiés. Dans le pays très majoritairement musulman, une « rencontre interreligieuse et œcuménique pour la paix » a eu lieu dans la résidence de l’archevêché de Dacca, où il a évoqué les communautés musulmane, hindoue, bouddhiste et chrétienne du pays, en souhaitant « une paix authentique et durable ». Durant sa visite au Bangladesh, le 1er décembre, le pape a également ordonné 16 nouveaux prêtres lors d’une messe d’ordination à Suhrawardy Udyan Park (Dacca).
Thaïlande, 19 au 23 novembre 2019 : 350 ans du Vicariat du Siam
En 2019, la visite du pape François en Thaïlande a été organisée à l’occasion de plusieurs anniversaires importants, à la fois pour le pays et l’Église locale : la mémoire de Rama V Chulalongkorn, premier souverain non chrétien à avoir visité le pape Léon XIII, les 35 ans de la visite de saint Jean-Paul II, les 350 ans du Vicariat du Siam et enfin le 50e anniversaire des relations diplomatiques Vatican-Thaïlande.

Quelques mois auparavant, en mai 2019 lors des célébrations du 350e anniversaire, le pape avait écrit à l’Église locale : « Je prie pour que vous grandissiez en sainteté et que vous continuiez à répandre le règne du Christ, en soutenant la solidarité, la fraternité et l’aspiration envers le bien, la vérité et la justice dans votre beau pays. » Durant sa visite en Thaïlande, il a lancé quelques messages forts contre le trafic d’êtres humains et d’enfants, contre la prostitution et pour l’accueil des migrants et réfugiés. Les catholiques thaïlandais ont gardé en mémoire son énergie et son sourire, en particulier à l’occasion d’une messe au stade national de Bangkok, le 21 novembre.
Japon, 23 au 26 novembre 2019 : Appel au Mémorial de la Paix d’Hiroshima
Arrivé le 23 novembre au soir à Tokyo, le pape François s’est rendu dès le lendemain à Nagasaki puis Hiroshima. Sa visite au Japon, pays où il avait rêvé de partir comme missionnaire avant même de devenir prêtre, a été centrée sur un appel fort, sur les lieux ciblés par les bombes américaines en 1945. Au Mémorial de la Paix d’Hiroshima, le dimanche 24 novembre, il a prononcé ces mots : « Je désire redire avec conviction que l’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est aujourd’hui plus que jamais un crime. »
Il a également rappelé, comme il l’avait déjà dit deux ans auparavant, que « l’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est immorale de même que la possession des armes atomiques ». « Les nouvelles générations se lèveront en juges de notre défaite si nous contentons de parler de paix sans le traduire concrètement dans les relations entre les peuples de la terre. » Enfin à Tokyo, il a également rencontré les jeunes dans la cathédrale Sainte-Marie, en prononçant quelques mots éloquents, en parlant d’avenir dans un pays en plein hiver démographique : « N’entravez pas vos rêves, ne tuez pas vos rêves, faites place aux rêves et osez regarder des horizons larges, osez regarder ce qui vous attend si vous vous mettez à construire ensemble. Le Japon a besoin de vous ! »
Mongolie, 31 août-4 septembre 2023 : « L’attention du pape pour l’Église dans des contextes marginaux »
En se rendant en Mongolie, il y a deux ans et demi, le pape François a survolé la Chine, et comme le veut l’usage, a alors adressé un télégramme de vœux au président chinois. Le message avait été bien accueilli par Pékin, qui avait immédiatement répondu en affirmant « vouloir renforcer la confiance mutuelle », voyant dans les paroles du pape « de l’amitié et de la bonne volonté ».
Durant ce voyage en Mongolie, plusieurs gestes destinés à la Chine avaient ainsi marqué les esprits. À la fin de la messe célébrée le dimanche 3 septembre à Oulan-Bator, le Saint-Père avait ainsi tenu la main du cardinal Stephen Chow, évêque de Hong-Kong, et l’autre à Mgr John Tong Hon, son prédécesseur. Puis il s’était adressé aux quelques fidèles chinois qui étaient présents parmi la foule : « Je voudrais profiter de leur présence pour envoyer un chaleureux salut au noble peuple chinois. Aux catholiques chinois, je demande d’être de bons chrétiens et de bons citoyens. »

Le pape avait enfin évoqué le caractère particulier de la mission en Mongolie, qui compte seulement 1 400 catholiques pour 3,481 millions d’habitants. Il avait conseillé à la petite Église locale de « ne pas avoir peur du petit nombre et du succès qui ne vient pas, car ce n’est pas la voie de Dieu. Dieu aime accomplir de grandes choses à travers la petitesse ». Un an avant ce voyage, en août 2022, le préfet apostolique d’Oulan-Bator, Giorgio Marengo, avait été créé cardinal. Ce dernier y avait vu un signe de plus de « l’attention du pape François pour l’Église dans des contextes marginaux et petits ».
Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Timor oriental et Singapour, 2 au 13 septembre 2014 : le dernier et le plus long voyage en Asie
Le dernier voyage du pape en Asie a aussi été le plus long, le plus lointain et le plus éprouvant. Mais beaucoup de catholiques d’Indonésie, de Papouasie-Nouvelle-Guinée, du Timor oriental et de Singapour ont remarqué que s’il est arrivé fatigué par son voyage depuis Rome, il est reparti rajeuni par l’énergie et l’enthousiasme des populations locales. Un voyage marqué par les contrastes religieux, économiques et sociaux, dans quatre pays, entre l’Indonésie majoritairement musulmane, la Papouasie majoritairement chrétienne, Singapour, un des pays les plus riches au monde en termes de revenus par habitant, et le Timor oriental, une des nations les plus pauvres.
Parmi les récits les plus marquants du 45e voyage du pontificat du pape François, on se souvient de la messe célébrée le 10 septembre à quelques kilomètres de la capitale timoraise, en présence d’environ 600 000 personnes, soit presque la moitié de la population du pays qui compte 1,3 million d’habitants. Ou encore un Ave Maria de Lourdes entonné en bahasa, la langue indonésienne, dans le stade national de Jakarta, ou un échange chaleureux et informel avec des jeunes représentant toutes les religions de Singapour.
Pour l’avenir, le Saint-Père souhaitait vivement pouvoir visiter le Vietnam, la Chine et l’Inde, alors qu’aucun pape ne s’est encore jamais rendu ni au Vietnam ni en Chine.
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