Le président Ranil Wickremesinghe s’inquiète d’une fuite des cerveaux qui s’accélère au Sri Lanka
Hôpital général de Kandy, Sri Lanka (archive, mai 2003). Plusieurs hôpitaux sri-lankais manquent de soignants qualifiés, dont des chirurgiens et des anesthésistes. © Petr Pavlicek / IAEA (CC BY-SA 2.0)Le 23/09/2023
Le 15 septembre, le président Ranil Wickremesinghe a appelé les pays développés à « compenser » les pays du « Sud » en raison de la fuite des cerveaux recrutés à l’étranger. Le Sri Lanka, en raison de la crise économique et de l’instabilité politique, est confronté au départ de nombreux professionnels qualifiés, notamment des médecins et des universitaires. De nombreux secteurs sont également touchés, dont l’informatique, l’ingénierie et le textile.
Le président du Sri Lanka, Ranil Wickremesinghe, a demandé aux pays développés et industrialisés de compenser les pays dits du « Sud » ou « Sud Global » (désignant autrefois les pays dits du « tiers-monde », caractérisés par un Indice de développement humain et un PIB par habitant faibles et majoritairement situés dans l’hémisphère sud) pour la fuite des cerveaux. Le dirigeant a fait cette déclaration en songeant particulièrement au recrutement de médecins sri-lankais à l’étranger.
Ses observations ont été publiées le 15 septembre lors du G77 (le Groupe des 77 aux Nations unies, qui forme une coalition de pays « non-alignés » en développement, soutenus par la Chine). L’événement était organisé à La Havane en présence de représentants de 134 pays, à la veille de la 78e session de l’Assemblée générale des Nations unies (qui a débuté le 19 septembre à New York).
Selon Ranil Wickremesinghe, à cause de cette fuite des cerveaux, les pays moins industrialisés ont perdu de la « main-d’œuvre qualifiée », ce qui a entraîné des difficultés économiques conséquentes, les ressources humaines étant un élément capital pour le développement d’un pays.
Le président de la nation insulaire a ensuite évoqué les succès de l’Inde, du Japon, de la Chine et de la Corée du Sud, qui se sont développés en favorisant la main-d’œuvre nationale. Au Sri Lanka, plusieurs hôpitaux se sont retrouvés avec un manque de soignants qualifiés, et notamment de chirurgiens, d’anesthésistes et de cardiologue pédiatrique, ce qui a également créé d’importantes inégalités dans les services médicaux essentiels fournis par les établissements.
« Nous sommes inquiets pour l’éducation de nos enfants et pour leur avenir »
Au-delà des soignants, le pays d’Asie du Sud fait aussi face à une pénurie de professionnels qualifiés dans de nombreux secteurs, dont l’informatique, l’ingénierie et le textile. Les ingénieurs Mahesh Attnayaka, Chaminda Senanayaka e Gayatri Wijesekera, employés dans une société technologique basée à Colombo, expliquent qu’à cause de la crise économique et de l’instabilité politique actuelle dans le pays, de nombreux professionnels de l’informatique sont partis à l’étranger : « Avant, il y avait plus de 1 000 employés dans notre entreprise, mais nous ne sommes plus que 760. »
Ceux qui ont émigré sont partis en Australie, en Nouvelle Zélande, aux États-Unis et au Canada. « Même si nous avons un niveau de vie aisé, nous sommes surchargés de travail et d’impôts et nous sommes malgré tout affectés par le coût élevé de la vie. Nous sommes inquiets pour l’éducation de nos enfants et pour leur avenir. Au cours des deux prochains mois, plus de 100 employés de différents secteurs de notre société partiront à l’étranger », ajoutent-ils.
« Nous devons faire face à cette question immédiatement en tant que nation »
Selon les universitaires Senarath Mannapperuma et Kithsiri Dissanayaka, « la jeunesse sri-lankaise voit la migration comme une opportunité de trouver des perspectives professionnelles prometteuses ». « Cette mentalité est largement répandue parmi les citoyens, comme le démontrent les longues files d’attente devant les bureaux des passeports. Ce comportement est particulièrement fréquent parmi les jeunes éduqués, aussi bien des milieux urbains et ruraux, qui sont âgés entre 25 et 40 ans », signalent les deux professeurs.
« Dans le passé, beaucoup de jeunes sri-lankais sont revenus au pays pour constater qu’il n’y avait aucun emploi disponible pour eux. Donc leur seule option a été de quitter le pays en vue d’obtenir des postes mieux payés, jusqu’à faire des demandes de résidence permanente, ce qui a affecté les ressources humaines du pays », poursuivent-ils.
« Actuellement, les cours universitaires sont assurés malgré un nombre limité d’enseignants. Alors que nous aurions besoin de 12 992 professeurs universitaires, nous n’en avons que 6 548. Selon les chiffres de la ‘University Grants Commission’ [l’organisme responsable du financement de la plupart des universités d’État au Sri Lanka], près de 2 000 enseignants universitaires ont émigré rien qu’au cours des 18 derniers mois », assurent-ils.
Près de 45 % des professionnels qualifiés émigrés cherchent à s’installer de façon permanente dans des pays développés. Selon les chercheurs Manoj Samarathunga et Rasanjalie Kularathne, « cette situation reflète un problème socio-économique important pour de nombreux membres de la classe moyenne ». « Même si cela pourrait sembler une menace insignifiante, c’est au contraire une question primordiale à laquelle nous devons faire face immédiatement en tant que nation. »
(Avec Asianews)