Asie

Le travail des enfants en recul en Asie selon un nouveau rapport

Des enfants dans une plantation au Sri Lanka. Des enfants dans une plantation au Sri Lanka. © OIT Asie-Pacifique / CC BY-NC-ND 2.0
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Ce jeudi 12 juin à l’occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants, un nouveau rapport de l’Organisation internationale du travail et de l’Unicef indique une baisse de 22 millions d’enfants au travail en quatre ans. Toutefois, 138 millions d’enfants restent victimes de ce fléau, particulièrement dans l’agriculture et l’économie informelle. La région Asie-Pacifique est celle qui a enregistré la baisse la plus significative depuis 2020, avec une proportion qui est passée de 5,6 % à 3,1 % (de 49 à 28 millions d’enfants).

Un nouveau rapport conjoint de l’Organisation internationale du travail (OIT) et de l’Unicef, intitulé Travail des enfants : estimations mondiales 2025, tendances et chemin à suivre, a été publié le 11 juin, la veille de la Journée mondiale contre le travail des enfants qui se tient ce jeudi 12 juin.

L’étude constate que près de 138 millions d’enfants en sont toujours victimes à l’échelle mondiale. Un chiffre qui reste alarmant et loin des Objectifs de développement durable (ODD) de l’Onu, mais qui représente aussi une évolution positive avec une baisse de 22 millions d’enfants affectés en l’espace de quatre ans – après une augmentation inquiétante entre 2016 et 2020, alors que le chiffre total s’élevait à 160 millions.

La région Asie-Pacifique est celle qui a enregistré la baisse la plus significative, avec une proportion qui est passée de 5,6 % à 3,1 % (de 49 à 28 millions d’enfants). Les organisations de l’Onu signalent des progrès significatifs dans le passé récent. Bien que le nombre d’enfants a augmenté de 230 millions à l’échelle globale depuis 2000, on compte environ 108 millions d’enfants travailleurs en moins sur la même période, soit une baisse mondiale de 44 %.

L’agriculture et l’industrie parmi les secteurs les plus touchés

« Les conclusions de notre rapport offrent de l’espoir et montrent que les progrès sont possibles. Les enfants sont censés être à l’école, pas au travail », souligne le directeur général de l’OIT, Gilbert F. Houngbo. Le travail des enfants réduit leur accès à l’éducation. Pour les enfants âgés de 5 à 14 ans qui en sont victimes, 59 % d’entre eux n’iront jamais à l’école. Parmi les enfants de la même catégorie d’âge qui ne travaillent pas, seuls 8 % ne vont pas l’école.

Insaf Nizam, spécialiste de l’Asie du Sud de l’Oit, explique que certains facteurs varient selon les pays et les régions : pauvreté, inégalités d’accès à l’éducation, manque d’opportunités d’emploi pour les adultes… Dans le cas de l’Asie Pacifique, bien que les programmes ciblés et les mesures politiques destinés à réduire le travail des enfants aient beaucoup aidé, le rapport note que la croissance économique est le principal facteur qui explique ces progrès à ce jour. « La tendance à la baisse est particulièrement importante en Asie et dans le Pacifique, où les taux de pauvreté ont baissé de plus de 80 % entre 2008 et 2024 », signale Insaf Nizam.

Par comparaison, l’Afrique subsaharienne continue de subir de plein fouet le travail des enfants, avec près des deux tiers de l’ensemble des enfants concernés à l’échelle mondiale soit environ 87 millions. Le rapport indique aussi que l’agriculture reste le secteur dominant pour le travail des enfants (61 % de l’ensemble des cas), suivi des services (27 %) tels que les emplois domestiques et la vente de produits sur les marchés, et enfin l’industrie (13 %) dont l’exploitation minière et les chaînes de production. Ces pourcentages s’appliquent également à l’Asie et au Pacifique.

Des défis particuliers pour l’économie informelle

« La lutte contre le travail des enfants dans l’agriculture comporte des défis particuliers », explique Insaf Nizam, parce que c’est un secteur « rural, difficile à contrôler et inspecter, et basé sur des systèmes familiaux et informels ». Toutefois, pour contrer ce problème, une attention particulière sur la chaîne d’approvisionnement agricole semble être une stratégie gagnante.

« Beaucoup de produits agricoles sont liés aux chaînes logistiques globales, qui sont toujours plus conscientes des violations des droits de l’homme et sont contraintes de respecter les normes légales, sans parler de soucis de réputation qui les poussent à supprimer le travail des enfants », ajoute Insaf Nizam. « Cela se révèle être plutôt efficace dans un secteur qui repose largement sur l’économie informelle et qui reste hors de portée et difficile à contrôler par les autorités. »

Le rapport montre aussi des différences entre les genres. Les garçons sont plus susceptibles d’être impliqués dans le travail des enfants que les filles, quel que soit l’âge. Toutefois, si les travaux domestiques non payés de 21 heures et plus par semaine sont inclus, la différence de genre s’inverse.

« Pour l’Asie-Pacifique, je peux noter deux facteurs majeurs », analyse l’expert de l’OIT. « Tout d’abord, les normes de genre restent très conservatrices dans la région, et placent un poids disproportionné sur les filles et les femmes qui doivent assumer les responsabilités ménagères. Il y a des attentes sociales. Deuxièmement, le travail est défini comme les activités qui ont lieu à l’extérieur du foyer ou qui génèrent une valeur économique, donc dans beaucoup de cas, le travail des filles qui participent aux tâches ménagères durant de longues heures n’est pas reconnu par la société. »

Les Objectifs de développement durable restent hors de portée

Bien que le travail des enfants ait presque diminué de moitié depuis 2000, les progrès restent trop lents pour permettre d’atteindre les Objectifs de développement durable : pour atteindre un des objectifs, la suppression du travail des enfants d’ici cinq ans, la baisse actuelle devrait être 11 fois plus élevée.

« Un niveau élevé d’informalité, en particulier dans les secteurs ruraux et agricoles, ainsi qu’une croissance inégale ou qui ne touche pas toutes les catégories sociales, et enfin un poids qui reste lourd sur les épaules des femmes et des enfants, demeurent les principaux enjeux de la lutte contre le travail des enfants », conclut Insaf Nizam.

« L’informalité est un défi majeur car non seulement elle renforce la vulnérabilité des enfants, mais elle permet aussi de dissimuler le travail des enfants. Les contrôles et inspections sont toujours plus compliqués quand il s’agit de l’économie informelle. Pour les familles, elle réduit aussi les chances d’accéder aux protections sociales ce qui les expose d’autant plus. »

Le vieillissement progressif de la population asiatique pourrait contribuer à ralentir les progrès enregistrés dans la région à ce jour. Car une telle tendance « signifie qu’il y a un poids toujours plus lourd à porter pour les familles, et qui risquera d’être partagé de manière disproportionnée par les enfants et les femmes ». Des mesures à long terme sont donc nécessaires pour faire face à ces problématiques et assurer que le travail d’enfants « ne devienne pas la principale stratégie d’adaptation pour les familles face aux difficultés ».

Source : Asianews/Alessandra De Poli

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