Japon

L’équilibre diplomatique et économique délicat du Japon face à la guerre Israël-Hamas

Le Premier ministre Fumio Kishida (ici en 2014, alors ministre des Affaires étrangères, lors de la Conférence internationale de Genève sur la Syrie). © UN Photo / Jean-Marc Ferré (CC BY-NC-ND 2.0 DEED)
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Le Premier ministre japonais Fumio Kishida a pris la parole tardivement face aux offensives du Hamas contre Israël, en condamnant les attaques contre des civils innocents et en demandant la libération immédiate des otages. Il a toutefois évité d’employer le terme « terrorisme » et appelé les deux parties à la retenue. Certains estiment que Tokyo, largement dépendant du pétrole brut du Moyen-Orient, a d’abord observé les réactions d’autres pays de la région, en particulier l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis.

Les attaques récentes entre Israël et le Hamas mettent le Japon dans une position délicate en raison des liens diplomatiques du pays d’Asie de l’Est au Moyen-Orient. Quand le Hamas a lancé son attaque surprise contre Israël, le Premier ministre japonais Fumio Kishida a certes dénoncé les actes du groupe terroriste, tout en appelant les deux parties à la retenue. Il n’a pas non plus épargné les critiques contre le Hamas pour avoir enlevé des dizaines voire des centaines de civils israéliens, en appelant à leur libération immédiate.

« Le Japon condamne fermement les attaques qui ont durement touché des civils innocents », a déclaré Kishida ce dimanche sur X (ex-Twitter), en présentant ses condoléances et en assurant de sa proximité avec les familles des victimes, en Israël et à Gaza. Il a toutefois évité d’employer le terme « terrorisme » pour décrire les attaques du Hamas, en utilisant plutôt l’expression « le Hamas et les autres militants palestiniens » pour désigner les attaquants, en référence à la présence d’autres factions.

Les approches du président américain Joe Biden et du Premier ministre britannique Rishi Sunak ont été nettement différentes, en n’hésitant pas à dénoncer les militants extrémistes contrôlant Gaza comme des terroristes. De son côté, le Japon n’a pas suivi les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et l’Italie dans leur communiqué conjoint, publié ce lundi pour dénoncer le Hamas et offrir un soutien total et sans équivoque à Israël.

La réaction prudente de Kishida a aussi pu être constatée quand il a tardé à publier une première déclaration officielle sur le conflit entre Israël et le Hamas, ce dimanche, un jour après les communiqués de Biden et de Sunak sur les attaques, alors que toute l’étendue de la tragédie restait encore à établir.

« Le Japon est perçu comme trop proche de son allié américain »

Le Japon, un allié des États-Unis, a longtemps cherché à développer sa propre approche diplomatique au Moyen-Orient. Certains observateurs estiment que Tokyo, largement dépendant du pétrole brut du Moyen-Orient, a d’abord cherché à observer les réactions d’autres pays de la région, en particulier l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, dont les relations avec Israël se sont améliorées ces dernières années.

En 2019, quand des pétroliers ont été attaqués dans le détroit d’Ormuz, les États-Unis ont sollicité un groupe de pays afin de leur demander d’escorter les navires traversant la région. Le Japon, qui a des liens diplomatiques avec l’Iran, n’a pas voulu en faire partie. Le pays a plutôt choisi de mobiliser ses Forces d’autodéfense dans des régions du Moyen-Orient plutôt que dans la zone affectée. Par ailleurs, le Japon a défendu une solution à deux États avec un État palestinien indépendant aux côtés d’Israël.

Pourtant, malgré ces positions « le Japon est perçu par les nations arabes comme étant trop proche de son allié américain, ce qui crée des obstacles qui l’empêchent de suivre son propre chemin diplomatique », analyse Suji Hosaka, directeur de l’Institut japonais sur les économies du Moyen-Orient (Japanese Institute of Middle Eastern Economies). Dans ce contexte, le ministère japonais des Affaires étrangères a placé Gaza sur le plus haut niveau d’alerte, appelant les citoyens japonais à quitter la région. Il a également demandé d’annuler tous les voyages non-essentiels à Jérusalem et Tel Aviv.

92 entreprises japonaises en activité dans la région

Mardi 10 octobre, Yasutoshi Nishimura, ministre de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie du Japon, a aussi confié à la presse que la majorité des quelque trente sociétés comptant des employés japonais en Israël avaient déjà fait quitter le pays à leurs équipes. Deux jours plus tôt, les entreprises japonaises présentes en Israël, y compris les plus importantes, ont tenté d’évaluer les conséquences des attaques du Hamas sur leurs employés et leurs activités. À ce jour, elles n’ont signalé aucun décès ni dégâts matériels subis.

Mitsubishi, qui a des bureaux à Tel Aviv pour superviser des projets conjoints avec des start-ups locales, a déclaré n’avoir reçu aucun signalement d’employés blessés. De même, les sociétés Sumitomo et Toyota Tsusho ont garanti la sécurité de leurs équipes. Canon, qui possède une filiale locale de développement de logiciels ainsi qu’un bureau de ventes avec plusieurs dizaines d’employés, a souligné n’avoir subi aucun préjudice à ce jour, ses activités et ses intérêts se trouvant éloignés des combats.

Le groupe japonais de télécommunications NTT a quant à lui appelé ses employés se trouvant sur place à travailler à domicile, tandis que les équipes du groupe Rakuten se sont réfugiées en lieu sûr en suivant les instructions des autorités locales, selon un communiqué de l’entreprise. La société commerciale Mistui & Co a également stoppé les voyages d’affaires de ses employés vers Israël, et Marubeni a évacué ses représentants et leurs familles. Selon les derniers chiffres disponibles fournis par le ministère japonais des Affaires étrangères, près de 92 entreprises japonaises étaient en activité dans la région en 2019.

(Avec Asianews)