Corée du Sud

Les évêques sud-coréens demandent au président Yoon de « présenter ses excuses »

Mgr Chung Soon-taek, archevêque de Séoul, le 2 décembre avec le ministre de la Culture sud-coréen. Les évêques demandent au président Yoon de s’excuser. Mgr Chung Soon-taek, archevêque de Séoul, le 2 décembre avec le ministre de la Culture sud-coréen. Les évêques demandent au président Yoon de s’excuser. © Archidiocèse de Séoul
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Ce mercredi 4 décembre, la Conférence épiscopale coréenne (CBCK) a publié un communiqué en interpellant vivement le président Yoon Suk-yeol, après sa tentative échouée d’imposer la loi martiale. Les autres communautés religieuses ont réagi de manière similaire, notamment parmi les Églises protestantes et les organisations bouddhistes. Les évêques demandent au président d’apparaître « devant le peuple pour expliquer ce qu’il s’est passé, présenter ses excuses sincèrement et prendre ses responsabilités ».

La semaine dernière déjà, jeudi 28 novembre, un groupe de 1 466 membres du clergé catholique sud-coréen, dont cinq évêques (notamment l’archevêque de Gwangju, Mgr Ok Hyun-jin), publiait une déclaration appelant à la démission du président Yoon Suk-yeol. « Nous ne pouvons ignorer la vive indignation du peuple », écrivaient-ils. « Le président Yoon n’a pas su respecter la Constitution, protéger la nation, soutenir l’unification pacifiquement et améliorer le bien-être de la population. Il est temps de lui demander des comptes. » Les prêtres décrivaient M. Yoon comme un « homme de violence », un « homme de mensonges » et de « discorde » qui gouverne de manière « irresponsable », « incapable de comprendre son rôle et de respecter le pouvoir que le peuple lui a confié ».

Les événements de cette semaine leur donnent raison. Ce mardi 3 décembre au soir, le président Yoon a déclaré la loi martiale en évoquant notamment la « dictature législative du Parti démocratique » (ou Parti Minju, de l’opposition) et la paralysie des affaires de l’État, selon le Korea Herald. Les jours précédents, l’assemblée nationale, contrôlée par l’opposition depuis avril, avait modifié la loi sur le budget avec une série d’amendements. M. Yoon a réagi en dénonçant des « éléments contre l’État » et des « forces pro-nord-coréennes », des expressions qu’il a déjà utilisé dans le passé en évoquant l’opposition, sans lien à une menace militaire de la Corée du Nord.

Un choc qui rappelle la dictature qui a pris fin en 1988

Mgr Simon Ok Hyun-jin, évêque de Gwangju, fait partie des signataires d’une pétition de 1 500 membres du clergé qui ont appelé le président Yoon à démissionner.
Mgr Simon Ok Hyun-jin, évêque de Gwangju, fait partie des signataires d’une pétition de 1 500 membres du clergé qui ont appelé le président Yoon à démissionner. Site : CBCK / Facebook

L’annonce sans précédent du dirigeant a été suivie d’une déclaration du général Park An-soo, le chef d’état-major qui a été nommé commandant de la loi martiale. L’annonce de ce dernier incluait l’interdiction de toute activité politique, « y compris celles de l’assemblée nationale, des conseils locaux, des partis politiques et des associations politiques, ainsi que tout rassemblement ou manifestation », selon Al Jazeera.

Seulement quelques heures plus tard, des membres du parlement ont voté son retrait. Au moins 190 membres de l’assemblée (sur un total de 300) ont pu se rassembler pour voter la levée de la loi martiale unanimement. Alors que des milliers de manifestants se sont rassemblés devant le Parlement, des soldats ont pénétré l’édifice où ils ont rencontré la résistance du personnel. À 16h20 ce mercredi, Yoon a dû lever la loi martiale et risque aujourd’hui la destitution.

Pour beaucoup de Sud-Coréens, la proclamation de la loi martiale a été un choc, leur rappelant la dictature militaire qui a pris fin en 1988. Selon l’opposition, la décision du président est considérée comme une menace contre l’ordre constitutionnel, parce que la loi martiale a été invoquée dans une situation qui ne le justifiait pas (contrairement à des cas comme le maintien de la loi et de l’ordre en cas de guerre ou d’urgence nationale).

Les évêques demandent au président de s’expliquer

Le 4 décembre dans un communiqué, la Conférence épiscopale coréenne (CBCK) a dénoncé vivement la décision du président Yoon. Dans un message signé par Mgr Matthias Ri Iong-Hoon, évêque de Suwon et président de la Conférence épiscopale, les évêques ont demandé au dirigeant d’apparaître « devant le peuple afin d’expliquer ce qu’il s’est passé, de demander pardon sincèrement à la population, et de prendre ses responsabilités après avoir déclaré puis levé la loi martiale ».

« La démocratie a été construite avec beaucoup de sacrifices », a rappelé Mgr Mathias, en référence au massacre de Gwangju de mai 1980, en ajoutant que l’Église catholique « soutient activement la défense de notre démocratie », qui a été acquise « par le sang et la sueur de beaucoup au fil des ans ». « Nous demandons fermement au président Yoon et au gouvernement de répondre sincèrement aux demandes de l’Église catholique coréenne et du peuple coréen. »

Il a ajouté que « l’imposition de la loi martiale a empêché beaucoup de Coréens de dormir la nuit dernière. » « Beaucoup de gens demandent au président si c’était bien raisonnable de prendre une telle décision dans la République de Corée en 2024, alors cela n’avait eu lieu auparavant que durant le régime militaire, et si c’était une bonne chose pour lui, en tant que commandant suprême, de déclarer cela au milieu de la nuit, en l’absence de toute invasion d’un ennemi extérieur ou d’une menace visible de guerre. »

Réactions des organisations chrétiennes et bouddhistes

Plusieurs autres groupes religieux ont aussi condamné la décision du président, soulignant qu’elle allait à l’encontre des principes démocratiques sur lesquels la Corée du Sud est fondée. Mgr Kim Chung-suk, président de l’Église méthodiste de Corée, a exprimé sa consternation devant la déclaration soudaine de la loi martiale, en dénonçant la décision de M. Yoon comme « un affront envers la démocratie ». « C’est une trahison de la confiance que le peuple a accordée au gouvernement. C’est anticonstitutionnel et dictatorial. »

De son côté, le Centre pour les droits de l’homme des Églises de Corée a dénoncé la mesure comme « antidémocratique », en déclarant que si le gouvernement Yoon continue de ne pas écouter la voix du peuple, les chrétiens « renverseront le gouvernement ». Le centre, qui s’est séparé du Conseil national des Églises de Corée (NCCK) en septembre dernier, fait partie des quatre plus grandes organisations chrétiennes dans le pays.

Les organisations Bible Korea et Nehemiah (un centre de recherche chrétien) ont également dénoncé la déclaration de la loi martiale, selon The Logosian. « Il doit présenter ses excuses au peuple », a demandé Bible Korea. « Il est temps pour [Yoon] de démissionner », a déclaré le groupe Nehemiah sur les réseaux sociaux. Dans des déclarations similaires, plusieurs organisations bouddhistes ont également signalé que M. Yoon avait « créé officiellement des motifs de destitution » par ses actions. Les partis d’opposition ont de fait soumis une motion de destitution contre Yoon, alors que les ministres démissionnent en masse.

(Avec Ucanews et Asianews)