Les évêques thaïlandais s’opposent à la légalisation des jeux d’argent

Le 09/04/2025
Un projet de loi controversé (Integrated Entertainment Business Act) doit être débattu ce mercredi 9 avril à Bangkok. Le texte, approuvé par le gouvernement Shinawatra, propose de légaliser les casinos et les jeux d’argent. Il est présenté comme nécessaire dans le contexte des droits de douane américains, afin de soutenir le tourisme, l’économie et l’emploi, mais les évêques s’opposent vivement au projet, ainsi que de nombreux médecins, enseignants et universitaires.
La Conférence épiscopale thaïlandaise (CBCT) a publié un communiqué appelant le gouvernement Shinawatra à interrompre la procédure d’adoption d’une nouvelle loi destinée à légaliser les jeux d’argent et les casinos dans le pays, présentée comme un moyen d’attirer les investissements et de soutenir le tourisme.
Justifiée comme un soutien de l’économie nationale et comme une façon de combattre les jeux d’argent illégaux, la proposition de loi prévoit la création de casinos au sein de méga-complexes de divertissement, incluant hôtels, centres de congrès, centres commerciaux et parcs à thème. Comme l’indique Vatican News, les seuls jeux actuellement autorisés sont la loterie nationale et les courses de chevaux, contrôlées par l’État. Le royaume de Siam a interdit les jeux d’argent en 1935, considérés comme contraire aux principes du bouddhisme majoritaire dans le pays.
Pour les évêques, le projet de loi controversé entraînerait une grave dégradation morale et sociale pour la Thaïlande. La déclaration, signé par Mgr François Xavier Vira Arpondratana, archevêque de Bangkok, demande aux autorités de réviser la nouvelle loi en raison de ses nombreuses conséquences potentiellement négatives, en citant la première lettre de saint Paul à Timothée : « Car la racine de tous les maux, c’est l‘amour de l’argent. »
L’opposition dénonce la hâte du gouvernement
Dans son opposition à l’IEBA (Integrated Entertainment Business Bill), l’Église thaïlandaise est ainsi unie à d’autres mouvements et organisations, dont de nombreux médecins, universitaires et enseignants, qui prévoient de manifester ce mercredi devant le Parlement contre la première lecture du projet de loi. Parmi les critiques, on compte également des membres de l’Académie des sciences morales et politiques de la Société royale de Thaïlande.
Selon l’agence Asianews, un groupe de 37 médecins émérites de l’université Chulalongkorn s’est notamment prononcé ouvertement contre la proposition, en expliquant que la Thaïlande est toujours victime d’un système népotiste et corrompu, avec une application souvent inégale de loi. Selon eux, ce contexte n’est pas favorable à une telle réforme sur les jeux d’argent.
Pour la stabilité sociale du pays, ils appellent donc à retirer le projet de loi, en dénonçant la « hâte » du gouvernement qui cherche à faire le faire valider au plus vite, alors que d’autres questions plus pressentes ne manquent pas comme le récent séisme en Birmanie, qui a également touché Bangkok, ou les nouveaux droits de douane imposés par le président Américain Donald Trump.
Ainsi, le gouvernement fait face à de nombreuses critiques dans sa tentative d’accélérer la procédure d’adoption du projet de loi, sans passer par une étude de faisabilité globale qui pourrait l’appuyer. Natthaphong Ruengpanyawut, leader de l’opposition et membre du parti Phak Prachachon (Parti du peuple), avait déposé une motion afin de placer le récent séisme à l’agenda du Parlement comme une question urgente, mais le parti Pheu Thai l’a remplacé avec la proposition de loi sur les jeux d’argent.
Les évêques appellent à voter des lois qui protègent la dignité humaine
De leur côté, les évêques écrivent : « L’Église catholique a une mission d’enseignement moral auprès de l’humanité. Elle a le devoir de proclamer les principes moraux et l’ordre social en tout temps et lieu à travers l’enseignement et la formation en faveur d’une meilleure vie sociale, tournée vers le développement de toute la personne humaine. »
C’est pourquoi ils expriment leur profonde préoccupation, en signalant que le fait d’autoriser les jeux d’argent et les casinos pourrait exacerber les problèmes sociaux du pays, notamment les addictions aux jeux d’argent, les problèmes financiers et l’endettement, la criminalité, le blanchiment d’argent et les trafics humains, qui affectent en particulier les jeunes.
La déclaration souligne les liens directs entre les activités économiques et les comportements moraux, en insistant sur le fait que « la croissance économique doit se développer conformément à la morale, en recherchant un développement humain global ». Ils appellent donc le gouvernement à « se concentrer sur un développement économique durable et équilibré, allant de pair avec une croissance morale et éthique ». En s’adressant directement au gouvernement, les évêques invitent à protéger « la population en votant des lois justes et raisonnables qui défendent la dignité de la personne humaine ».