Les libertés civiles et politiques en recul en Asie selon un nouveau rapport mondial
En juillet 2022 durant une manifestation devant le Parlement du Sri Lanka, à Colombo, alors que le pays se préparait à élire un nouveau président. © Quintus Colombage / UcanewsLe 06/12/2023
Selon le nouveau rapport mondial de l’organisation Civicus Monitor (« People Power Under Attack 2023 »), on constate un rétrécissement de l’espace démocratique dans une majorité de pays de la région Asie-Pacifique. Selon le groupe, qui détaille l’état des libertés civiles et politiques dans 198 pays et territoires, seul un pays d’Asie est présenté comme « ouvert » (Taïwan). La situation s’est notamment détériorée au Bangladesh et au Sri Lanka, tandis qu’elle s’est améliorée au Timor oriental (avec une note similaire à celle de la France).
Les gouvernements de nombreux pays de la région Asie-Pacifique ont intensifié leur répression contre la société civile, les journalistes et les manifestants défendant la liberté de rassemblement, d’association et d’expression, selon un nouveau rapport de Civicus Monitor. Le 6 décembre, le groupe a publié un nouveau rapport mondial intitulé People Power Under Attack 2023 (« Le pouvoir du peuple sous attaque »), afin de décrire l’état de la société civile et des libertés civiques dans 198 pays et territoires à travers le monde.
En fonction des données du rapport, l’espace civique d’un pays est classé comme étant fermé, réprimé, obstrué, rétréci ou ouvert. Dans la majorité des pays de la région Asie-Pacifique, l’espace civique est présenté comme « fermé » (sept pays asiatiques dont la Corée du Nord, la Chine, la Birmanie, le Vietnam et le Bangladesh) ou « réprimé » (huit pays dont l’Inde, le Pakistan, le Sri Lanka, les Philippines ainsi que Singapour).
Dans quatre pays asiatiques, l’espace civique est considéré comme « obstrué » (dont l’Indonésie et la Malaisie). Seuls trois pays sont décrits avec un espace civique « rétréci » (le Japon, la Corée du Sud et le Timor oriental), et un seul est présenté comme « ouvert » (Taïwan). Par comparaison, le rapport présente l’espace civique de la France comme « rétréci » avec une note de 71/100 (légèrement inférieure à celle du Japon – 79/100).
Ce classement et ces notes sont basés sur des données collectées tout au long de l’année, en collaboration avec une vingtaine de partenaires de recherche et grâce à la contribution d’un certain nombre d’évaluations indépendantes sur les droits de l’homme.
« Le monde se rapproche d’un point de bascule »
Le classement du Bangladesh par Civicus Monitor comme « fermé » est dû à une répression brutale de l’opposition politique, en amont d’élections nationales qui auront lieu en janvier 2024. Quant au Sri Lanka, l’espace civique est classé comme « réprimé » en raison des attaques qui se poursuivent contre toute forme de dissidence dans le pays. La note du Timor oriental s’est améliorée (aujourd’hui similaire à celle de la France avec 69/100) grâce au respect de la liberté de la presse et des droits électoraux par les autorités. Le petit pays d’Asie du Sud-Est a été cité comme un exemple rare d’une nation où les droits civiques progressent au lieu de reculer.
« La région Asie-Pacifique inclut des pays comme Taïwan, la Nouvelle Zélande, la Mongolie et le Timor oriental, où les citoyens peuvent s’exprimer ouvertement et se rassembler librement. Elle inclut aussi des États fermés comme l’Afghanistan ou la Chine, où les gouvernements restreignent fortement les libertés fondamentales », explique Josef Benedict, chercheur de Civicus pour l’Asie-Pacifique. « Mais de manière générale, la tendance dans la région est négative. En 2023, on compte davantage de gouvernements d’Asie-Pacifique qui répriment les droits des citoyens plutôt que d’ouvrir l’espace civique. »
Globalement, presque un tiers de l’humanité vit dans des pays classés comme « fermés », soit le pire classement depuis 2018. Par ailleurs, seule 2,1 % de la population mondiale vit dans des pays à l’espace civique « ouvert » (seuls 36 pays et territoires sur 198, dont près de la moitié en Europe), soit le plus faible pourcentage depuis six ans.
Selon l’organisation, ces conclusions indiquent un monde qui fait face à une crise majeure, ce qui requiert des efforts globaux et immédiats pour que la tendance soit inversée. « Nous constatons une répression globale sans précédent de l’espace civique », souligne Marianna Belalba Barreto, chercheur pour Civicus. « Le monde se rapproche d’un point de bascule où la répression, déjà répandue, devient dominante. Les gouvernements et les dirigeants du monde entier doivent s’atteler de toute urgence à renverser cette tendance négative avant qu’il soit trop tard. »
« La situation au Bangladesh et au Sri Lanka est courante dans la région »
Au Bangladesh, les forces de l’ordre ont arrêté plusieurs dizaines de leaders de l’opposition et plusieurs milliers de manifestants, sous de fausses accusations motivées par des considérations politiques. La police a attaqué les soutiens de l’opposition durant des manifestations, en utilisant des matraques, du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc, aidée par des partisans de la Ligue Awami (le parti au pouvoir) armés de bâtons, de clubs de golf et de marteaux. Dans le pays, les journalistes et les militants pour les droits de l’homme sont également confrontés à des menaces, des violences et des arrestations. Selon le rapport, « le régime de la Première ministre Sheikh Hasina ne recule devant rien pour se maintenir au pouvoir avant les élections de janvier prochain. »
Au Sri Lanka, le gouvernement a fait usage de la force de manière répétée contre les manifestants critiquant les dirigeants du pays, en raison de leur échec à contrôler la pire crise économique depuis des décennies. Les autorités ont utilisé du gaz lacrymogène contre des étudiants et des journalistes. Civicus affirme que « chaque mois de l’année 2023 semble avoir été marqué par une nouvelle attaque contre l’opposition au Sri Lanka ». « Malheureusement, la situation au Bangladesh et au Sri Lanka est courante dans la région. »
Dans au moins 22 pays d’Asie-Pacifique, les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes sont des formes courantes de répression de l’espace civique, notamment en Inde, au Vietnam ou en Chine. Le régime nord-coréen a par ailleurs bloqué tout accès aux médias étrangers, en particulier sud-coréens, avec des menaces de peines de prison, de travail forcé et de condamnation à mort. La censure est aussi présente au Pakistan, en Malaisie ainsi qu’à Singapour.
On compte d’autres violations des libertés civiles dans 21 pays de la région dont l’Indonésie et la Thaïlande, comme des détentions de manifestants. Les militants pour les droits de l’homme peuvent aussi être poursuivis dans 13 pays d’Asie-Pacifique dans le cadre de lois sur la sécurité nationale, l’ordre public ou la diffamation (dont le Vietnam, l’Inde et le Cambodge).
(Avec Ucanews)