Les mobilisations post-séisme transcendent les frontières religieuses en Birmanie

Le 16/06/2025
Le 15 juin à Rome, Léon XIV a appelé la Birmanie à suivre « la voie du dialogue inclusif » face au conflit interne, qui se poursuit malgré les contrecoups du séisme du 28 mars dernier dans le centre du pays. Cette voie, vue par le Saint-Père comme la seule qui puisse conduire à « une solution pacifique et stable », est déjà empruntée depuis plus de deux mois par des volontaires de toutes ethnies et religions, comme en témoigne l’Église locale notamment dans les villes centrales de Sagaing et Mandalay, parmi les plus touchées par la catastrophe.
Ce dimanche 15 juin après l’Angelus, place Saint-Pierre à Rome, le pape Léon XIV a à nouveau évoqué la situation de la Birmanie, alors que le pays est toujours en guerre et continue de subir les conséquences du séisme du 28 mars. Le Saint-Père a souligné la nécessité de « s’engager sur la voie du dialogue inclusif, seule voie qui puisse conduire à une solution pacifique et stable », alors qu’en Birmanie, « malgré le cessez-le-feu, les combats se poursuivent, causant également des dommages aux infrastructures civiles ».
Cette « voie inclusive » dont parle le pape Léon est vécue de manière concrète par les volontaires face à l’impact du séisme survenu il y a plus de deux mois, qui se fait toujours sentir dans le centre du pays. Parmi les rescapés, certains ont tout perdu comme Benedette Swe, une mère catholique de 42 ans qui a perdu sa maison de Sagaing, l’une des régions qui ont été les plus touchées. Malgré tout, elle s’est elle-même portée volontaire pour aider d’autres victimes avec de la nourriture, de l’eau et autres produits de base afin d’assurer que les plus affectés survivent malgré les difficultés.
3 800 morts et au moins 10 000 structures détruites ou endommagées
Depuis, elle travaille aux côtés de volontaires bouddhistes et musulmans, dont des moines et des imams, afin d’aider les gens quelles que soient leurs religions et leurs ethnies. « Quand je tends la main aux victimes du séisme, je les vois simplement comme des êtres humains, quelles que soient leur origine et leur croyance. » Benedette Swe, dont le mari est bouddhiste, confie que les gens avaient déjà souffert après avoir été déplacés à cause des combats entre l’armée et les forces de résistance, et qu’ils ont dû subir encore d’autres situations difficiles après le séisme.

Celui-ci a causé au moins 3 800 morts et plusieurs milliers de blessés et déplacés. La catastrophe a rasé ou gravement endommagé au moins 10 000 structures, dont des églises, des mosquées, des monastères et des couvents. Depuis, malgré ses difficultés, Mme Swe s’est employée à soutenir d’autres personnes encore plus affectées. « J’aide à la reconstruction des toilettes dans certains couvents et je répare les maisons des familles bouddhistes et musulmanes », explique-t-elle. Elle ajoute que de nombreux donateurs, y compris des bouddhistes et des chrétiens, la contactent par téléphone et sur les réseaux sociaux pour offrir de l’argent, de la nourriture et des produits non alimentaires pour les victimes.
« Cela a permis de développer une compréhension mutuelle »
Dans la ville de Sagaing, les catholiques constituent une infime minorité de 50 familles dans une région très majoritairement bouddhiste, qui a connu quelques-uns des pires combats entre les forces de la junte et les rebelles pendant des mois. À l’échelle nationale, les chrétiens représentent environ 5 % des quelque 54 millions d’habitants de la Birmanie. « Le séisme a été l’occasion d’exprimer notre solidarité et de dialoguer avec tous les peuples », explique le père Paul Nay Win Mg, curé de l’église Notre-Dame Auxiliatrice de Sagaing.
Après le tremblement de terre, l’église a ouvert ses portes aux bouddhistes, principalement des vendeurs de rue qui avaient perdu leur maison. L’enceinte de l’église est devenue un sanctuaire pour les personnes déplacées, bien que le bâtiment de l’église et la résidence du prêtre aient subi d’importants dégâts. « J’ai profité de cette occasion pour parler aux familles bouddhistes afin de connaître leur vie tout en leur offrant de la nourriture et d’autres aides. Cela a permis de développer une compréhension mutuelle », ajoute le père Mg. « Les bouddhistes ont apprécié le bon travail des chrétiens et ont transmis le message à d’autres », assure-t-il.
Forger l’unité
Pyae Phyo, un jeune bouddhiste de Sagaing, a fait équipe avec ses amis chrétiens et musulmans pour aider les victimes du tremblement de terre. « Nous avons travaillé ensemble pour transporter des sacs de riz et d’autres produits dans des zones reculées que les voitures et les motos ne peuvent pas atteindre », raconte Phyo, 30 ans. Il précise que son équipe de bénévoles s’est rendue dans plusieurs endroits, notamment dans des monastères bouddhistes, des couvents et chez des particuliers.
« Il s’agit en quelque sorte de montrer notre amour et notre attention aux personnes de différentes confessions par le biais de notre bénévolat », explique-t-il. Il a mis sur pied une équipe de football composée de jeunes de différentes confessions qui se rencontrent presque quotidiennement pour s’entraîner avant le match du week-end. Cela a permis de forger l’unité entre des personnes de confessions et d’origines ethniques différentes, confie-t-il. « Chaque fois que notre communauté est confrontée à une situation d’urgence, nous sommes prêts à aider autant et aussi rapidement que nous le pouvons. »
Des jeunes bouddhistes déblayent les décombres d’un couvent catholique
À Mandalay, la deuxième ville du pays, située à environ 24 kilomètres de Sagaing, les églises sont devenues des centres de réfugiés pour les bouddhistes et les musulmans pendant des semaines. Le tremblement de terre a gravement endommagé plusieurs églises, dont la cathédrale du Sacré-Cœur de Mandalay.
Une religieuse catholique, sœur Lucia Thandar Aung, est à la tête d’un couvent très endommagé, dirigé par les Sœurs de Saint-Joseph de l’Apparition. Elle note que bouddhistes ont été parmi les premiers volontaires à déblayer les décombres et à installer des abris temporaires pour les victimes. Elle ajoute que si les religieuses se sont retrouvées sans abri après le tremblement de terre, elles ont offert de la nourriture aux bouddhistes et aux musulmans sans abri.
Au cours des derniers mois, les sœurs ont reçu des aides de généreux donateurs, qu’elles continuent de partager avec les bouddhistes et les musulmans. « Nous recevons de la nourriture et des produits non alimentaires de la part de personnes bienveillantes, notamment des moines bouddhistes, et nous les partageons avec des personnes de différentes religions qui sont dans le besoin. »
Source : Ucanews