L’Inde classée 11e sur 50 pays par l’Indice mondial de persécution des chrétiens 2025
Le Jour de la République, célébré tous les ans par l’Inde le 26 janvier (ici en 2014), marque l’entrée en vigueur de la Constitution indienne en 1950. © MEA / CC BY-NC-ND 2.0Le 24/01/2025
Selon l’Indice mondial de persécution des chrétiens 2025, publié le 15 janvier par World Watch Research (WWR), le département de recherche de l’organisation Portes Ouvertes, l’Inde est classée 11e parmi les 50 pays où les chrétiens de toutes dénominations sont le plus persécutés. Le rapport 2025, qui étudie la période du 1er octobre 2023 au 30 septembre 2024, souligne que « pour un pays qui se décrit comme la plus grande démocratie au monde, le niveau de violence contre les chrétiens depuis cinq ans est extrêmement élevé ».
En 2024, l’Inde est classée 11e sur 50 pays où les chrétiens de toutes confessions sont le plus persécutés (sur un total de 100 pays étudiés). Ce sont les chiffres donnés par l’Indice mondial de persécution des chrétiens 2025, le nouveau rapport (publié le 15 janvier) par l’organisation Portes Ouvertes.
Dans son chapitre consacré à l’Inde, le rapport commence par rappeler de brefs détails sur le pays d’Asie du Sud. Sur plus d’1,4 milliard d’habitants, on compte environ 73,2 millions de chrétiens (soit 5 % de la population). La religion majoritaire est l’hindouisme (1,05 milliard de fidèles soit 73,1 %). La première religion minoritaire est l’islam (198,5 millions de fidèles soit 13,8 %), suivie du christianisme. Parmi les autres religions principales, on compte le sikhisme, le bouddhisme, le jaïnisme et le bahaïsme, entre autres.
La définition de la persécution telle qu’elle est utilisée par l’analyse de WWR (World Watch Research), le département de recherche de l’organisation Portes Ouvertes, est large et non exhaustive : « Toute hostilité vécue et résultant de l’appartenance à la foi chrétienne. Ceci peut comprendre des comportements, des paroles ou des actes hostiles ciblant les chrétiens. » Cette définition inclut notamment toute « restriction, pression, discrimination, opposition, désinformation, injustice, intimidation, marginalisation, intolérance ou violence ».
Quatre motifs principaux de persécution sont donnés pour l’Inde, par ordre d’importance (du plus au moins fort) : le nationalisme religieux, l’hostilité ethnoreligieuse, la paranoïa dictatoriale et l’oppression clanique. Parmi les principaux vecteurs de persécution antichrétienne, on compte en particulier des responsables religieux non-chrétiens, des groupes religieux violents, des partis politiques, des membres du gouvernement, des chefs de groupes ethniques, de simples citoyens notamment en foule, ainsi que des proches (la propre famille d’un particulier).
« Ils veulent nettoyer le pays de l’islam et du christianisme »
Le rapport explique que durant la période étudiée (du 1er octobre 2023 au 30 septembre 2024), les communautés chrétiennes ont été de plus en plus menacées par les extrémistes hindous qui voient tous les chrétiens comme étrangers à la nation indienne : « Ils veulent nettoyer le pays de l’islam et du christianisme, et n’hésitent pas à utiliser la violence pour atteindre ce but. Les convertis au christianisme depuis des origines hindoues subissent l’essentiel des persécutions antichrétiennes en Inde et sont constamment sous pression afin qu’ils reviennent à l’hindouisme, en particulier via des campagnes appelées Ghar Waspi [‘revenir à la maison’]. Ils sont souvent attaqués physiquement et parfois tués. »
L’organisation cite ensuite quelques exemples de violations signalés au cours de l’année dernière. Dans le district de Jiribam au Manipur, dans l’extrême nord-est de l’Inde, un homme de la tribu Meitei (majoritairement hindoue), appelé Soibam Saratkumar Singh, a été porté disparu durant plusieurs semaines, avant que son corps soit retrouvé le 6 juin 2024. Alors que ses ravisseurs étaient inconnus, des membres du groupe ethnique ont provoqué un déchaînement de violence en détruisant trois villages de la minorité ethnique Kuki (majoritairement chrétienne). Un homme Kuki a notamment été enlevé et porté disparu depuis (The Hindu, 8 juin 2024). Les violences ethnoreligieuses entre les deux groupes au Manipur se poursuivent depuis début mai 2023.
Par ailleurs, en janvier 2024 dans le district de Betul au Madhya Pradesh (dans le centre du pays), un groupe de personnes appartenant au Bajrang Dal (une organisation de jeunesse politico-religieuse hindoue affiliée au Rashtriya Swayamsevak Sangh, vieille organisation ultranationaliste hindoue, et prônant la suprématie des hindous en Inde) a envahi une école missionnaire chrétienne en accusant la direction de l’établissement de conversions forcées (The Observer Post, 9 janvier 2024).
Le 12 juin 2024, une foule issue de la même organisation du Bajrang Dal (affiliée au RSS) s’est attaquée à des familles chrétiennes dans le district de Jagdalpur, dans l’État du Chhattisgarh (dans le centre de l’Inde), en provoquant plusieurs blessés et en forçant les familles à signer un pacte de « reconversion » à l’hindouisme avant de les bannir de leurs villages. Leurs champs et leurs maisons ont été détruits et les autorités locales n’ont entrepris aucune action pour les protéger à ce jour (Maktoob Media, 25 juin 2024).
Les élections générales de 2024, un frein contre la progression du nationalisme hindou ?
Quelques exemples de développements positifs sont cependant évoqués par le rapport. Ainsi, au niveau national, les élections générales de 2024 (au cours desquelles le Premier ministre Narendra Modi, pro-hindou, a été réélu mais sans majorité absolue et « partiellement humilié ») peuvent être considérées comme un frein contre la progression du nationalisme hindou. Toutefois, « l’Inde est un État fédéral, et les élections régionales ont vu un nombre croissant d’États contrôlés par le parti du BJP », signale l’organisation Portes Ouvertes.
Le rapport précise que les régions les plus difficiles pour les chrétiens en Inde tendent justement à se trouver dans les États contrôlés par le BJP (actuellement 13 États), notamment ceux d’Uttar Pradesh, du Manipur et du Chhattisgarh « où les persécutions ont été particulièrement intenses ces deux dernières années ». « Pour un pays qui se décrit comme la plus grande démocratie au monde, le niveau de violence contre les chrétiens depuis cinq ans est extrêmement élevé », conclut le rapport. « La plus grande force derrière cela vient des groupes extrémistes hindous qui ciblent les religions considérées comme ‘étrangères’ au pays [telles que l’islam et le christianisme]. »
Les grandes tendances pour l’Inde sont résumées ainsi : l’hostilité sociale contre les chrétiens a progressé ; un BJP affaiblit n’exercera probablement aucune pression morale sur les activités des groupes favorables à l’hindutva (l’idéologie nationaliste hindoue) ; enfin, un contrôle renforcé est constaté sur les médias, et l’espace réservé à l’expression libre et dissidente risque de continuer de se réduire à l’avenir.
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