Philippines : nouvel appel à la paix des responsables religieux dans l’île de Mindanao

Le 10/03/2025
L’île de Mindanao, 2e plus grande île des Philippines au sud de l’archipel, est le théâtre de conflits depuis plusieurs décennies entre le gouvernement et les groupes indépendantistes islamistes Moro (le plus important groupe ethnique non chrétien du pays). Face à une montée des violences, la Conférence des responsables religieux de Mindanao a lancé un nouvel appel à la paix au début du Carême et du Ramadan et à l’approche des élections de mi-mandat.
Les responsables religieux de l’île de Mindanao ont à nouveau appelé au dialogue afin d’établir la paix dans cette région frappée par un conflit de longue date entre les forces gouvernementales et les groupes indépendantistes. Cet appel survient au début du mois du Ramadan dans l’unique région majoritairement musulmane des Philippines, et à l’approche des élections de mi-mandat qui auront lieu en mai dans l’archipel.
Dans un communiqué, la Conférence des responsables religieux de Mindanao (Mirlec) a déclaré que le Ramadan est « une occasion unique pour la purification du cœur et l’amour du prochain ». Alors que cette période coïncide cette année avec le temps du Carême, les responsables religieux ont souligné que chrétiens et musulmans doivent rechercher « la spiritualité de la vie dans le dialogue ».
« Cette année, le Ramadan a lieu en même temps que la campagne politique qui précède les élections, une période marquée par de nombreux actes de violence inquiétants. Cette situation et la réalité actuelle des violences à travers le monde nous invitent à réfléchir, à prier et à agir », ajoute le message. Dans cette optique, la conférence Mirlec fait la promotion depuis plus de quatre décennies du mouvement Silsilah (« chaîne brisée »), dédié au dialogue islamo-chrétien à Mindanao – la deuxième plus grande île des Philippines.
26,1 % des habitants de Mindanao en situation d’« extrême pauvreté » en 2021
Depuis plusieurs décennies, la région est en effet le théâtre d’un mouvement d’insurrection mené par les groupes armés indépendantistes islamistes Moro (le plus important groupe ethnique non chrétien des Philippines). Depuis le début du conflit, on estime le nombre de pertes à près de 150 000 morts et de nombreux déplacés.
Le principal acteur de la rébellion, le Front Moro islamique de libération (un groupe islamiste insurgé fondé en 1978), se bat depuis plusieurs décennies pour plus d’autonomie à Mindanao. Le groupe a toutefois accepté de désarmer plusieurs milliers de ses combattants en 2018, quand le gouvernement philippin a voté la Loi organique de Bangsamoro qui offrait une plus grande autonomie pour les musulmans Moro.
Mais depuis, beaucoup de membres du groupe auraient rejoint d’autres groupes extrémistes. Les analystes estiment que la poursuite des violences ces dernières années est due à la pauvreté endémique de la région, dont la population s’élève à environ 24 millions d’habitants. En 2021, près de 26,1 % d’entre eux vivaient dans une extrême pauvreté, soit le taux le plus élevé dans le pays selon la Philippine Information Agency.
« Transcender les frontières des religions et des cultures »
Toutefois, dans ce contexte, les responsables religieux soutiennent que la paix est possible si les différents groupes parviennent à dépasser les frontières religieuses et culturelles. « En cette occasion, nous sommes invités à réfléchir : pourquoi la guerre et non la paix ? Nous sommes frères et sœurs. Nous savons qu’au milieu des violences, il y a aussi des actes d’amour discrets mais puissants qui peuvent transcender les frontières des religions et des cultures », souligne le message de la conférence.
Celle-ci signale aussi le lancement d’une initiative de prière interreligieuse, appelée Chain of Harmony (« Chaîne d’harmonie »), afin d’œuvrer pour la paix alors que le gouvernement philippin a déclaré une « guerre totale » contre les extrémistes à Mindanao. Les responsables religieux signalent également que face à l’émergence d’éléments « préoccupants », il faut « se souvenir que Dieu est amour et qu’il prodigue son amour à tous ».
Des groupes de recherche ont en effet enregistré une montée des violences dans la Région autonome de Bangsamoro, qui couvre les provinces à majorité musulmane de Mindanao, au sud des Philippines. En 2024, un total de 2 520 épisodes de violences a été signalé dans la région, selon l’institut de recherche CCAA (Council for Climate and Conflict Action Asia). Ce chiffre, le plus élevé depuis sept ans, a augmenté de 24 % par rapport à l’année précédente.
« Le risque d’une vague de violences encore plus importante est élevé »
Selon le CCAA, cette hausse des violences serait liée à l’instabilité causée par la période préélectorale (élections générales philippines de 2022, élections de mi-mandat à venir en mai 2025), et alimentée par la présence des groupes armés à Mindanao. « Les violences dans la région ont constamment augmenté depuis 2021, et il n’y a aucun signe d’apaisement », note le groupe, en ajoutant que « les violences continueront à moins que le phénomène des armes illégales soit traité et que la gouvernance soit renforcée ».
Alors que les élections de mi-mandat approchent, « le risque d’une vague de violences encore plus importante est élevé », ajoute le groupe. Concernant le contexte peu favorable à la tenue d’élections, le gouvernement a décidé de reporter les élections de mai prochain jusqu’en octobre dans la Région autonome de Bangsamoro.
Cette décision a été approuvée par le président philippin Ferdinand Marcos Jr, alors que la Cour Suprême a récemment ordonné l’exclusion de l’archipel Sulu de la Région autonome. Cette dernière décision administrative implique une redistribution des sièges et des candidats dans la région. De son côté, l’institut CCAA a également appelé la Commission électorale philippine à s’atteler activement au problème des violences dans les régions les plus sensibles.
(Avec Ucanews)