Philippines : un organisme américain publie une liste de prêtres accusés d’abus contre des mineurs
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Le 30/01/2025
Un organisme de veille basé au Massachusetts (US), BishopAccountability.org, a publié une première base de données sur des prêtres ayant été accusés d’abus sexuels aux Philippines, le troisième pays comptant le plus de catholiques au monde et le premier en Asie. La liste identifie 84 prêtres et religieux en lien avec le pays d’Asie du Sud-Est, qui ont été accusés publiquement d’abus contre des mineurs. Parmi eux, tous ne sont pas Philippins, et certains sont aujourd’hui décédés.
Le rapport a fait l’objet d’une conférence de presse organisée le 29 janvier à Manille par l’organisme américain. Le groupe appelle également les évêques du pays à agir contre les coupables d’abus. « Les évêques philippins se permettent de garder le silence. Ils estiment avoir le droit de dissimuler des informations sur les violences sexuelles contre les mineurs. Ils s’autorisent à défendre des prêtres accusés », a déclaré Anne Barrett Doyle, codirectrice de l’organisme lors de la conférence de presse.
« La culture du secret ne bénéficie qu’aux coupables »
« Nous espérons faire prendre conscience de la situation. La culture du secret ne bénéficie qu’aux coupables. Cela revient à être complice », explique Anne Doyle. La liste publiée – qui se base sur des données issues d’articles de presse et de documents juridiques accessibles au public – inclut des détails sur des prêtres philippins accusés d’abus sexuels contre des mineurs aux Philippines, des prêtres philippins accusés alors qu’ils exerçaient aux États-Unis, ainsi que des prêtres américains, australiens et irlandais ayant effectué une partie de leur ministère aux Philippines.
Anne Doyle appelle les procureurs philippins à enquêter sur les autorités ecclésiales qui n’ont pas dénoncé les abus en question. Selon Associated Press, aucun des 84 accusés en question, qui comptent notamment sept évêques, n’ont été condamnés par un tribunal. Parmi eux, « sept prêtres accusés d’avoir violé des mineurs sont aujourd’hui pleinement réintégrés dans leurs ministères », signale Anne Doyle, qui accuse des évêques philippins d’avoir suspendu les prêtres en question avant de les réinstaller plus tard.
Un des prêtres de la liste est poursuivi en justice depuis 2019 après avoir été accusé du viol d’une fillette de 4 ans. Selon Anne Doyle, les chercheurs du groupe ont trouvé des images sur les réseaux sociaux montrant le prêtre en train de concélébrer une messe aux côtés d’un évêque en décembre 2024, dans la même ville où il avait été accusé. Un autre prêtre a été accusé en 2023 pour l’abus d’une jeune fille de 17 ans. Une publication sur un réseau social l’a également montré en train de célébrer la messe en décembre 2024. Les deux prêtres sont du centre des Philippines, et « leurs dossiers sont en cours ». « Ils sont toujours en situation de suspension préventive, mais ils sont autorisés à célébrer la messe en privé », indique une source de leur diocèse.
« L’appel du pape à la tolérance zéro n’existe pas dans l’Église philippine »
Dans cette situation, l’organisme invite les évêques philippins à suivre l’appel à la conversion du pape François face aux abus. L’appel du pape à la « tolérance zéro n’existe pas dans l’Église philippine », souligne Anne Doyle.
De son côté, Mgr Pablo Virgilio David, président de la Conférence épiscopale philippine et créé cardinal lors du consistoire du 7 décembre dernier au Vatican, a ouvert il y a quelques années le Bureau pour la protection des mineurs, dirigé par Mgr Florentino Lavarias. « Rome exige désormais que chaque diocèse ait son propre Bureau pour la protection des mineurs et des adultes vulnérables, avec une personne référente qui peut recevoir officiellement les plaintes », a réagi le cardinal David le 29 janvier.
« La mission que nous avons reçue de Rome, c’est de prendre très au sérieux les questions de responsabilité et de transparence, en particulier quand il s’agit de suspicions d’abus impliquant des prêtres », a-t-il souligné. Le cardinal a ajouté que les évêques et les supérieurs religieux ont le devoir de recevoir les plaintes d’abus et de prendre des mesures disciplinaires contre les membres du clergé accusés. « En tant que conférence épiscopale, nous avons adopté un consensus entre nous sur les politiques communes à adopter. Mais seul Rome, représenté par le nonce, a une autorité disciplinaire directe sur les évêques », ajoute-t-il.
Le rapport sur les Philippines est le cinquième publié par l’organisme BishopAccountability.org après une première base de données établie en 2005 sur le clergé américain, puis trois autres rapports distincts pour l’Argentine, le Chili et l’Irlande.
(Avec CNA)