Sri Lanka : le cardinal Ranjith défend une « politique de compassion » pour l’avenir du pays

Le 06/02/2025
Plus de quinze ans après la guerre civile sri-lankaise, qui a fait plus de 100 000 morts entre 1983 et 2009, le cardinal Malcolm Ranjith, archevêque de Colombo, appelle le gouvernement d’Anura Kumara Dissanayake, élu en septembre 2024, à mettre en œuvre une « politique de compassion ». Pour Surin Amarakoon, de Jaffna (province du Nord), le régime actuel « a une opportunité en or de favoriser la réconciliation et d’appliquer de nouvelles lois en vue d’une paix permanente ».
Le 1er février, l’archevêque de Colombo, le cardinal Malcolm Ranjith, a béni une nouvelle église à Kalagedihena, Nittabuwa (à une trentaine de kilomètres au nord-est de la capitale). En prenant la parole, il a appelé les responsables politiques du pays d’Asie du Sud à tout faire pour éviter d’opprimer le peuple et à mettre l’accent sur la compassion, la réconciliation et l’amour mutuel.
« Nous avons enduré une longue guerre, alimentée par la colère et la haine, mais aujourd’hui, il est temps de nous aimer les uns les autres. Les autorités politiques ne doivent pas contrôler le peuple en imposant des règles strictes », a-t-il déclaré alors que le Sri Lanka est toujours épuisé par la pire crise économique de son histoire survenue il y a trois ans (en 2022) et par la brutale cure d’austérité qui a suivi.
Le cardinal Ranjith a parlé ainsi en évoquant la longue guerre civile meurtrière qui a opposé la majorité cinghalaise bouddhiste aux Tigres de libération de l’Ilam tamoul (LTTE, une organisation séparatiste tamoule). Entre 1983 et 2009, le conflit a causé plus de 100 000 morts. Selon les estimations de l’Onu, au moins 40 000 civils ont été tués durant les derniers jours du conflit. Au moins dix prêtres ont été tués durant la guerre.
Un réel espoir de changement
Pour l’archevêque de Colombo, les autorités doivent émuler l’exemple du président Anura Kumara Dissanayake, élu en septembre dernier, et salué pour ses promesses de devenir une « force unificatrice » et de guérir la nation sri-lankaise de ses blessures. La veille de sa prise de fonction, en septembre, il avait proclamé que « l’unité des Cinghalais, des Tamouls, des musulmans et de tous les Sri-Lankais » est le socle d’un nouveau départ.
Une investiture qui a suscité un réel espoir de changement, face à un pouvoir longtemps synonyme d’impunité, de corruption et de népotisme, d’où les propos du cardinal Ranjith : « Nous avons vu comment les habitants de Jaffna ont accueilli chaleureusement le président Anura Kumara Dissanayake durant sa visite dans le Nord, montrant un fort désir de la part de la population locale de se réconcilier avec le Sud. »
Durant la guerre civile, en effet, les séparatistes tamouls luttaient pour la création du Tamil Eelam, un État indépendant dans l’Est et le Nord du pays (majoritairement peuplés de Tamouls), tandis que le Sud de l’île est majoritairement cinghalais. Le 31 janvier dernier, Anura Kumara Dissanayake est le premier président sri-lankais de gauche (du parti Janatha Vimukthi Peramuna, Front de libération populaire) à avoir visité Jaffna, capitale de la Province du Nord qui a été un des principaux foyers du conflit il y a plus de quinze ans.
En 2024, la coalition menée par Dissanayake lui a permis de remporter 62 % des voix lors des élections présidentielles. Elle a notamment décroché une très large majorité dans les régions tamoules de la péninsule de Jaffna – une première pour un des principaux partis politiques du pays depuis la déclaration de l’indépendance du Sri Lanka contre les Britanniques en 1948.
Une unité encore distante mais désirée
La guerre civile sri-lankaise, provoquée par les tensions ethniques de longue date entre la majorité cinghalaise et la minorité tamoule, est en grande partie responsable de l’instabilité politique, économique et sociale du pays aujourd’hui. Selon les observateurs, durant le conflit, les deux camps se sont rendus coupables de graves violations des droits de l’homme.
Dans ce contexte, ces derniers mois, le cardinal Ranjith a d’ailleurs appelé à rédiger une nouvelle Constitution afin de mieux soutenir l’unité nationale, d’assurer une bonne gouvernance démocratique et de lutter contre la corruption – le président élu Dissanayake avait d’ailleurs fondé toute sa campagne sur la promesse de débarrasser le pays de la corruption.
Selon Ashani Amandi, un ancien étudiant de l’Université de Jaffna, l’accueil que le dirigeant a reçu dans la capitale du Nord témoigne de l’immense désir de réconciliation et d’unité qu’éprouvent les habitants de la région. « Même si cette unité semble encore distante, les communautés ont fait confiance à ce gouvernement, en espérant que de nouvelles lois et de nouvelles politiques puissent assurer une paix et une unité durables à travers le Sri Lanka », a ajouté Ashani.
De son côté, le jeune militant Surin Amarakoon explique que la réconciliation et la paix durable doivent être la priorité des jeunes, qui sont selon lui plus ouverts aux nouvelles idées. Il ajoute que le pays a besoin d’air frais et de sang neuf, pour lui donner un nouvel élan : « Le gouvernement actuel a une opportunité en or de favoriser la réconciliation, d’appliquer de nouvelles lois en vue d’une paix permanente, et d’assurer qu’aucune nouvelle guerre n’éclate pour les générations futures, afin de nous permettre de vivre ensemble comme une seule famille. »
(Avec Ucanews)