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Thaïlande-Cambodge : un cessez-le-feu obtenu, appels à la paix de l’Église locale et du pape Léon XIV

Lundi 28 juillet à Kuala Lumpur, la Thaïlande et le Cambodge ont convenu d’un cessez-le-feu « immédiat » après cinq jours de combats frontaliers. Lundi 28 juillet à Kuala Lumpur, la Thaïlande et le Cambodge ont convenu d’un cessez-le-feu « immédiat » après cinq jours de combats frontaliers. © Hun Manet/Facebook
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Ce 28 juillet, un accord de cessez-le-feu « immédiat et inconditionnel » a été annoncé depuis la Malaisie, après cinq jours de combats frontaliers entre la Thaïlande et le Cambodge. Ces derniers jours, les évêques du Cambodge et de Thaïlande ont lancé plusieurs appels à la paix face à l’escalade militaire inquiétante entre les deux pays, au nom de la petite communauté catholique locale. Durant l’Angelus de ce dimanche, Léon XIV a également évoqué le conflit en demandant « que le Prince de la paix puisse inspirer tous à rechercher le dialogue et la réconciliation ».

Au nom de la petite communauté catholique cambodgienne, vendredi 25 juillet après trois jours de combats consécutifs à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, le vicaire apostolique de Phnom Penh, Mgr Olivier Schmitthaeusler (Mep), a lancé un appel à la paix. Il a commencé par citer les propos du pape Léon XIV, le 8 mai dernier alors que la guerre en Ukraine, à Gaza ou au Pakistan faisait rage : « Dans le scénario dramatique d’aujourd’hui, d’une ‘troisième guerre mondiale en morceaux’ comme le pape François l’a affirmé à différentes reprises, je m’adresse moi aussi aux grands du monde, en répétant l’appel toujours actuel : ‘Plus jamais la guerre !’ ». Pour l’évêque de Phnom Penh, ces mots « résonnent d’une manière particulière aujourd’hui alors que des tirs incessants obscurcissent le ciel à la frontière de nos deux Royaumes depuis quelques jours ».

Appel des évêques du Cambodge et de Thaïlande

Le lendemain, samedi 26 juillet, un message conjoint a également été publié par les trois évêques du Cambodge : Mgr Olivier Schmitthaeusler (vicaire apostolique de Phnom Penh), Mgr Pierre Suon Hangly (administrateur de Kampong Cham, nommé vicaire apostolique coadjuteur de Phnom Penh) et Mgr Enrique Figaredo (préfet apostolique de Battambang).

Tous trois ont signalé que « depuis quelques jours, nous avons vu beaucoup de nos frères et sœurs fuir leurs villages à la frontière afin de trouver refuge dans des camps », en invitant à donner généreusement pour aider les familles déplacées par les combats, en collaboration avec Caritas Cambodge, et en demandant de prier pour la paix dans le pays, en particulier à la frontière.

Dimanche 27 juillet durant l’Angelus depuis la place Saint-Pierre, le pape Léon XIV a également évoqué le conflit frontalier : « Mon cœur est proche de tous ceux qui souffrent à cause des conflits et de la violence dans le monde. Je prie en particulier pour les personnes impliquées dans les affrontements à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, en particulier pour les enfants et les familles déplacées. Que le Prince de la paix puisse inspirer tous à rechercher le dialogue et la réconciliation. »

« Les tensions à la frontières sont une source de profondes inquiétudes. En tant qu’Église, nous sommes appelés à résister aux idéologies qui divisent et à construire des ponts de fraternité », a réagi Mgr Francis Xavier Vira Arpondarattana, archevêque de Bangkok et président de la Conférence épiscopale thaïlandaise, dans une interview publiée par l’agence d’information catholique italienne AgenSir le 26 juillet. Il a souligné que l’Église locale voit l’escalade militaire des derniers jours à la frontière « avec une préoccupation profonde », en l’interprétant « à travers le prisme de la Doctrine sociale de l’Église, qui met l’accent sur la dignité humaine, la paix et la justice ».

Un différend de longue date et non résolu

Il s’agit d’un différend qui remonte aux cartes coloniales de 1907, établies par la France, et que le Cambodge considère comme légitimes alors que la Thaïlande les conteste. En 1962, la Cour internationale de justice a attribué le temple de Preah Vihear au Cambodge, une décision confirmée en 2013, mais qui n’a pas mis fin aux tensions. Les incidents de 2008 à 2011 autour des zones frontalières contestées avaient déjà provoqué des affrontements meurtriers.

Le 13 février dernier, les tensions ont repris quand les forces thaïlandaises ont empêché les touristes cambodgiens de chanter leur hymne national au temple de Prasat Ta Muen Thom. Les 27 et 28 mai, un affrontement a éclaté à Chong Bok (triangle frontalier entre la Thaïlande, le Cambodge et le Laos), entraînant la mort d’un soldat cambodgien. Des discussions bilatérales ont été entreprises, mais sans accord de désescalade concret.

La semaine dernière, le mercredi 23 juillet, un soldat thaïlandais a perdu une jambe après avoir sauté sur une mine non identifiée. La Thaïlande a accusé le Cambodge d’avoir posé des mines illégales, en violation supposée du Traité d’Ottawa, ce que le Cambodge dément. Le lendemain, 24 juillet, les combats se sont intensifiés autour de Prasat Ta Muen Thom. La Thaïlande a lancé des frappes aériennes F‑16 et a fermé tous les postes-frontières. Un dernier bilan parle d’au moins 35 morts (22 côté thaïlandais, 13 côté cambodgien) et au moins 200 000 personnes déplacées (près des temples angkoriens contestés à la frontière).

Un cessez-le-feu « immédiat et inconditionnel »

Dans ce contexte, les deux pays se sont accusés mutuellement d’avoir déclenché les hostilités et de tenir un double langage. Une rencontre en Malaisie entre les dirigeants des deux pays a été organisée ce lundi 28 juillet sous la supervision des États-Unis et de la Chine, le président Trump ayant menacé de geler les discussions sur les droits de douane si aucun accord rapide n’est trouvé.

À la suite de cette rencontre à Kuala Lumpur, les deux pays ont accepté de signer un accord de cessez-le-feu « immédiat et inconditionnel » (qui entre en vigueur ce lundi à partir de minuit). L’annonce a été faite par le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim à l’issue des pourparlers, alors que la Malaisie est actuellement à la tête de l’Asean (Association des nations d’Asie du Sud-Est). Les deux gouvernements assurent que « c’est définitif » et parlent d’un « premier pas vital vers la désescalade et le rétablissement de la paix et de la sécurité ».

Comme le rappellent les experts, ce conflit est l’aboutissement tragique d’un différend territorial ancien et non résolu, exacerbé par des tensions politiques récentes et une confrontation ouverte des forces armées.

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