Chine

Un prêtre chinois anonyme au futur pape : « L’avenir de la Chine est entre vos mains »

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Le 23 avril, deux jours après la mort du pape François, le site Stellamaris.media a publié cette lettre adressée aux cardinaux électeurs et au futur pape, rédigée par un prêtre chinois anonyme qui décrit « un cri du cœur » et qui appelle à « écouter les souffrances de mon peuple ». Il ajoute que sa lettre n’est pas destinée à soutenir un candidat en particulier, mais à lancer un appel pour l’avenir de l’Église en Chine.

Tout d’abord, l’Église en Chine pleure la perte de notre Saint-Père, le pape François. Requiem aeternam dona ei, Domine, et lux perpetua luceat ei. Requiescat in pace. Maintenant que son pontificat a pris fin, et alors que les cardinaux se préparent à entrer en conclave pour élire le prochain Souverain Pontife, je vous adresse cette lettre – vous cardinaux électeurs – avec l’esprit angoissé et un fort sentiment d’urgence. Ce n’est pas une lettre destinée à soutenir tel ou tel candidat. C’est un cri du cœur – un appel à écouter les cris de mon peuple qui souffre.

Une Église en silence et souffrante

Depuis la signature de l’accord provisoire le 18 septembre 2018, l’Église en Chine a été plongée dans le chaos et la crise. Par fidélité au Siège de Saint-Pierre‑, nous sommes restés silencieux afin d’éviter tout scandale parmi les fidèles, comme des agneaux conduits à l’abattoir. « Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche. » (Isaïe 53, 7)

Mais tout comme Notre Seigneur est ressuscité des morts, le peuple chinois aussi doit se relever. Comme la Résurrection, un jour nouveau doit poindre pour nous. Alors que vous discernez qui mènera l’Église durant les années à venir, nous vous appelons à ne pas oublier la Chine.

Le troisième millénaire appartient à l’Asie

Il y a 1,47 milliard de Chinois en ce monde – soit environ 18 % de la population mondiale. Presque un être humain sur cinq est chinois. Avec ceci à l’esprit, le prochain pontificat doit mettre la priorité sur la mission de l’Église en Chine. Le pape saint Jean-Paul II l’a écrit dans Ecclesia in Asia : « Tout comme la Croix a été plantée en Europe au premier millénaire, et dans les Amériques et en Afrique au second millénaire, nous pouvons prier pour que le troisième millénaire chrétien permette de récolter une moisson de foi dans ce continent vaste et vital. »

Nous sommes la dernière grande civilisation à recevoir l’Évangile de Jésus-Christ. Tant d’âmes attendent toujours de recevoir le message salvateur de Notre Seigneur. Nous avons besoin d’un pape courageux, un pasteur prêt à marcher avec nous et à nous aider à apporter le Christ à notre peuple.

La violation de la subsidiarité

Dans Quadragesimo Anno (1931), le pape Pie XI a écrit : « C’est une injustice et en même temps un fléau et une perturbation du bon ordre des choses que d’attribuer à une association plus grande et plus élevée ce que des organisations plus petites et subordonnées peuvent faire. » L’accord provisoire de 2018 a été signé depuis six ans et sept mois. Durant cette période, beaucoup d’entre nous n’ont jamais été consultés – ni les évêques, ni les prêtres, ni même les prélats chinois émérites comme le cardinal Joseph Zen et l’archevêque Savio Hon.

Le fait de nous exclure des discussions qui affectent directement notre Église et nos vies, ce n’est pas seulement injuste, mais aussi dangereux. Encore aujourd’hui, nous ne connaissons toujours pas tout le contenu de cet accord. Pourquoi un accord international qui affecte plusieurs millions de catholiques chinois est-il toujours secret après six ans ?

Le silence de Rome

Nous avons besoin d’une meilleure communication avec le Saint-Siège. Combien de lettres de l’Église souterraine sont-elles restées sans réponse ? Combien d’appels urgents ont-ils été ignorés ? C’est inacceptable. Nous aspirons à vivre dans la sainte obéissance, mais cela devient presque impossible quand la communication est absente ou inexistante. Comme l’a écrit le pape Pie XII dans Menti Nostrae (1950) : « Par conséquent, les supérieurs ne doivent pas se dédouaner de leur devoir d’apporter leurs amendements et leur orientation, car ils répondront des âmes qui leur sont confiées. » Nous réclamons cet apostolat, cette orientation – ne serait-ce qu’un mot de la part de Rome.

Repenser la diplomatie chinoise

La stratégie diplomatique du Vatican concernant la Chine doit être complètement réévaluée. Nous n’avons pas besoin de diplomates professionnels ou de soi-disant « experts de la Chine » qui prennent des décisions en notre nom. C’est à peine si la plupart d’entre eux parlent notre langue ou comprennent notre culture. Nous avons besoin de voix natives de la Chine à la table des négociations. Durant plusieurs années, cela a été insensé et naïf de ne pas inclure les fidèles chinois et les membres expérimentés du clergé chinois, tels que le cardinal Zen et Mgr Hon, dans ces discussions. Oui, ils sont avancés en âge. Mais ils possèdent une sagesse et un regard que les conseillers du Vatican n’ont pas. Ils voient le vrai visage du Parti communiste chinois – un visage que vos « experts » et prélats-touristes ne voient pas, aveuglés par les illusions politiques et l’apparat orchestré.

Le Langage est la Mission

Enfin, soyons directs : il est inacceptable que les décisions sur l’Église en Chine soient prises par des gens qui ne parlent pas chinois. Pourquoi décidez-vous de notre avenir si vous ne pouvez pas lire nos mots ni vous adresser à nous directement ? C’est frustrant et démoralisant de communiquer via des interprètes – dont la fidélité à la vérité est parfois douteuse, et qui peuvent même être des agents du Parti communiste chinois. Si l’Église veut servir la Chine, Elle doit parler notre langue, comprendre notre culture, et écouter nos voix.

Conclusion : un tournant décisif pour l’Église et la Chine

Ce conclave ne choisit pas seulement un nouveau pape. Il choisit une nouvelle orientation pour l’Église, en particulier pour l’avenir de la Chine. Est-ce que nous continuerons d’être ignorés et marginalisés ? Ou serons-nous enfin vus, entendus et accompagnés ? L’Église en Chine prie, regarde, attend. S’il vous plaît, ne nous laissez pas souffrir en vain.

(Traduction de l’article publié le 23 avril 2025 par Stellamaris.media)

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