Birmanie

Vers le conclave, les voix qui comptent en Asie (2) : le cardinal Charles Maung Bo, Rangoun, Birmanie

Le cardinal Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun et président de la Conférence épiscopale birmane, âgé de 76 ans. Le cardinal Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun et président de la Conférence épiscopale birmane, âgé de 76 ans. © Asianews
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Le cardinal Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun et président de la Conférence épiscopale birmane, était aussi président de la Fédération des conférences épiscopales d’Asie (FABC) jusqu’en janvier dernier. Âgé de 76 ans, il fait partie des 23 cardinaux asiatiques électeurs au conclave. Il représente le visage de la synodalité et de la miséricorde dans un pays meurtri par la guerre civile. Depuis le coup d’État de 2021, il a lancé de nombreux appels à la paix et interpellé la communauté internationale sur la situation dans le pays.

« La seule guerre que nous devons faire, c’est contre la haine et la division, des démons qui n’épargnent pas même les chrétiens en Birmanie. À tel point qu’on peut se demander : ‘Pourrait-on aller jusqu’à considérer notre identité culturelle comme celle d’une caste, et céder à la tentation de traiter les autres selon des identités qui sont construites par des mains humaines, alors que nous sommes tous des enfants de Dieu créés à son image ? »

Par ces quelques mots, prononcés en mars dernier durant son homélie à l’occasion de l’ordination épiscopale du nouvel évêque auxiliaire de Rangoun, le cardinal Charles Maung Bo, archevêque de la plus grande ville de Birmanie (4,5 millions d’habitants), décrit le drame d’une nation divisée par les conflits et tensions ethniques et religieux. Le cardinal birman, président de la Conférence des évêques de Birmanie, fait partie des 23 cardinaux électeurs asiatiques au conclave qui débute ce mercredi 7 mai au Vatican.

Il apporte avec lui les défis d’une mission dans un pays fragile et instable : des militaires qui ont renversé le gouvernement d’Aung San Suu Kyi en février 2021 avant de prendre le pouvoir, à la poudrière dans laquelle s’opposent la majorité bouddhiste et les minorités, notamment les Rohingyas de l’État de Rakhine dans l’ouest.

« Être la voix de ceux qui n’ont pas de voix »

Le cardinal Bo, religieux salésien, ancien président de la Fédération des conférences épiscopales d’Asie (FABC) jusqu’en janvier dernier, est né le 29 octobre 1948 au village de Monhla, dans l’archidiocèse de Mandalay. Il a étudié au séminaire Nazareth d’Anisakan, Pyin Oo Lwin, de 1962 à 1976. Il a prononcé ses vœux temporaires le 24 mai 1970 et ses vœux perpétuels le 10 mars 1976. Il a été ordonné prêtre à Lashio (État Shan) le 9 avril 1976.

Le cardinal Bo à Mingalardonn en périphérie de Rangoun, Pâques 2017.
Le cardinal Bo à Mingalardonn en périphérie de Rangoun, Pâques 2017.
© Yangon Archdiocese / Ucanews

Après avoir servi comme curé de paroisse de 1976 à 1981 à Loikham et Lashio, il a été nommé formateur au séminaire d’Anisakan de 1983 à 1985, puis administrateur apostolique de Lashio de 1985 à 1986 et préfet apostolique de 1986 à 1990. Quand la préfecture a été élevée au rang de diocèse (7 juillet 1990), il a été nommé comme premier évêque de Lashio, et son ordination épiscopale a eu lieu le 16 décembre de la même année.

Le 13 mars 1996, le pape Jean-Paul II l’a nommé évêque de Pathein, dans la région d’Ayeyarwady. Le 24 mai 2003, il est devenu archevêque de Rangoun, où il a pris ses fonctions le 7 juillet 2003. Le 21 octobre 2015, il est devenu le premier évêque birman à être créé cardinal.

Né la même année que l’indépendance de la Birmanie, le cardinal Bo fait directement l’expérience des souffrances du peuple sous le joug de la dictature militaire. C’est l’une des raisons pour lesquelles son approche de la politique intérieure birmane a toujours été « modérée », en maintenant le dialogue avec les généraux et en appelant les prêtres et les fidèles à ne pas s’engager dans les émeutes et manifestations contre le régime, en particulier à l’époque de la « Révolution Safran » de 2007.

Il a malgré tout fait entendre sa voix sur les droits de l’homme, la liberté religieuse et le dialogue interreligieux, en défendant constamment la paix et la justice. Après avoir reçu la barrette cardinalice, il a réitéré son désir d’être « la voix de ceux qui n’ont pas de voix ». Par ailleurs, il a également été une voix critique de Pékin – y compris en tant que président de la FABC – en défendant les militants pro-démocratie catholiques à Hong-Kong, en dénonçant l’arrestation du cardinal Joseph Zen et en soutenant la justice et la liberté religieuse. Cela dit, malgré ses critiques du pouvoir communiste chinois, il n’a jamais désavoué l’accord provisoire Chine-Vatican signé en 2018 et renouvelé récemment.

« La Birmanie a une tradition riche et élégante »

Il représente un clergé asiatique grandissant et vient d’une réalité où les catholiques sont une minorité, contrairement aux Philippines. Il partage des traits communs avec Benoît XVI et François, en particulier concernant la synodalité et la miséricorde. Dans une interview accordée en 2015 à l’agence Asianews, quelques semaines après sa création comme cardinal et à la veille des premières élections « libres » en Birmanie, il avait souligné les lumières et les ombres d’une nation qui devait vivre encore dix ans de tragédies, entre un nouveau coup d’État militaire en 2021 et le séisme majeur survenu récemment.

« Dans beaucoup de régions du monde, la démocratie est une activité politique. En Birmanie, la démocratie est un pèlerinage sacré, un défi lancé à toute volonté d’hégémonie. Mais la montée de Jésus au Calvaire a été elle-même marquée par les tribulations, les doutes et les chutes », avait-il ajouté.

Toujours en 2015, il avait décrit différentes problématiques dans son pays, entre la déforestation, les pillages de mines de jade et de pierres précieuses, la mortalité infantile, la criminalité organisée et la traite des personnes. Dans ce contexte, il avait assuré que « seul un vrai système fédéral est capable de prendre le chemin de la paix et de la justice » en Birmanie.

Enfin, le cardinal Bo n’a jamais cessé d’insister sur la riche mosaïque qui façonne son pays, bien que cette même diversité ethnique soit source de violences religieuses et de conflits. « La Birmanie a une tradition riche et élégante liée au bouddhisme Theravada. Il y a environ 500 000 moines et 70 000 moniales bouddhistes dans le pays. »

Tout en saluant ces moines et moniales comme une source d’inspiration par leurs vies dédiées au renoncement et à la compassion, il avait aussi dénoncé parmi eux des marchands de haine qui manipulent la religion à des fins politiques. « Semer la haine et la discrimination au nom de leur foi ne fait pas partie du bouddhisme », avait-il souligné en référence à la persécution des minorités musulmanes Rohingyas, qui reste un sujet sensible dans le pays.

Durant le voyage apostolique du pape François en Birmanie en 2018, le cardinal Bo avait lui-même invité le Saint-Père à ne pas employer le mot « Rohyingya », un terme controversé et lié à des conflits ethniques et territoriaux irrésolus, et préférant parler des « musulmans du territoire de Rakhine ».

(Avec Asianews)

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