Inde

Inde : la fin du long conflit liturgique au sein de l’Église syro-malabare ?

Une célébration au mont Saint-Thomas, siège de l’Église syro-malabare au Kerala. Une célébration au mont Saint-Thomas, siège de l’Église syro-malabare au Kerala. © Syro Malabar Church / Facebook
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Au Kerala, fidèles et prêtres étaient divisés depuis plusieurs décennies sur la façon de célébrer la messe au sein de l’Église syro-malabare, notamment sous la fronde du diocèse d’Ernakulam-Angamaly, qui avait menacé à plusieurs reprises de faire scission. Une issue semble désormais possible et promet de préserver l’unité religieuse de cette Église. Les représentants religieux ont en effet annoncé un « compromis » pour sortir de cette querelle liturgique.

Un accord sur la célébration de la messe semble mettre un terme au long différend qui divisait l’Église syro-malabare implantée au Kerala, dans le sud de l’Inde. Le 19 juin, Mgr Raphael Thattil, archevêque majeur de cette Église catholique orientale forte de 4,5 millions de fidèles, et Mgr Joseph Pamplany, évêque du diocèse sensible d’Ernakulam-Angamaly, avaient déjà annoncé avoir trouvé un terrain d’entente liturgique, laissant entrevoir une sortie possible à une division marquée par de fortes tensions.

Au fil des décennies, les crises à répétition autour de cet enjeu liturgique ont rendu toute annonce de résolution sujette à caution. Cette fois, la réforme est bien entrée en vigueur, le 3 juillet, jour de la fête de l’apôtre saint Thomas, considéré comme l’évangélisateur de la côte ouest de l’Inde au cours du 1er siècle.

L’Église syro-malabare suit le rite chaldéen oriental, hérité des premiers chrétiens de Mésopotamie. Son code liturgique, la Sainte Qurbana, constitue un pilier de son identité spirituelle et culturelle, profondément enracinée dans les traditions du Kerala. Mais depuis plus de cinquante ans, dans le sillage du concile Vatican II et du renouveau liturgique promu par l’Église catholique, des divergences sur la manière de célébrer ce rite ont exacerbé les tensions au sein de la communauté syro-malabare.

L’Église syro-malabare s’est trouvée au bord du schisme

En effet, l’autorité ecclésiale privilégie une célébration où prêtres et fidèles tournent le dos à l’assemblée, conformément à la tradition syriaque, tandis que les réformistes revendiquent une messe célébrée face aux fidèles, s’appuyant sur une pratique plus ancienne. Ce clivage est particulièrement marqué dans le diocèse d’Ernakulam-Angamaly, où une partie du clergé et des fidèles conteste la position officielle. Défiant le compromis instauré en 1999 avec l’application de la « Messe unifiée », de nombreux prêtres de ce diocèse ont continué à célébrer la messe en faisant face à l’assemblée.

L’attitude de ces prêtres réfractaires a conduit le Synode, en 2021, à imposer une stricte conformité à la « Messe unifiée ». À nouveau, certains prêtres et fidèles de l’archidiocèse d’Ernakulam-Angamaly ont refusé, et les protestations ont ouvert la voie à une nouvelle crise majeure. En réponse, des mesures disciplinaires ont été prises contre les prêtres contestataires, alors que l’archidiocèse menaçait de se dissocier de l’Église syro-malabare et de fonder une Église indépendante. Le conflit s’est envenimé, entraînant des manifestations et de vives tensions.

Conscient de la gravité de la situation, le Vatican est intervenu à plusieurs reprises pour tenter d’apaiser les tensions. Le pape François a appelé à l’unité et au dialogue, tout en soutenant les efforts du Synode visant à préserver l’intégrité du rite syro-malabar. En 2023, une délégation apostolique a été dépêchée sur place pour proposer des solutions. Sans succès.

Le compromis tiendra-t-il l’épreuve du temps ?

En juin dernier, Mgr Raphaël Thattil, chef de file de l’Eglise syro-malabare, est parvenu à arracher la signature d’un accord soutenu par toutes les parties et approuvé par le Saint-Siège. Entré en vigueur le 3 juillet, ce compromis introduit une certaine flexibilité dans les paroisses. À Ernakulam-Angamaly, les prêtres pourront continuer à célébrer la messe face aux fidèles, dans le respect des sensibilités locales, tandis que les dimanches et jours fériés, une messe face à l’autel, conforme au rite unifié, sera célébrée dans toutes les églises du Kerala. Par ailleurs, l’Église syro-malabare s’engage à former prêtres et fidèles à la tradition syriaque, et lève les sanctions contre les prêtres réfractaires qui acceptent en retour de respecter les nouvelles règles.

Selon Vatican News, la mission du délégué pontifical auprès des syro-malabars en Inde a pris fin le 7 juillet. Dans un communiqué, le dicastère pour les Églises orientales a exprimé la « vive gratitude » du pape Léon XIV envers Mgr Cyril Vasil, archevêque-évêque de Kosice des Byzantins, qui avait été chargé en 2023 par le pape François de résoudre le conflit liturgique au sein de la communauté syro-malabare au Kerala.

Dans les paroisses longtemps divisées, les tensions semblent enfin s’apaiser. Le cardinal George Alencherry, archevêque majeur émérite de l’Église syro-malabare, a salué l’accord comme une « victoire de l’Esprit Saint ». Si le soulagement est général, une certaine retenue demeure : le compromis tiendra-t-il l’épreuve du temps ? L’avenir dira s’il peut ainsi marquer un véritable tournant pour l’Église syro-malabare en Inde.

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