Bangladesh

Bangladesh : les autorités accusées d’ignorer des crimes contre les minorités religieuses

Le 1er avril 2025 dans le diocèse de Rajshahi, lors de la visite des deux symboles des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) au Bangladesh. Le 1er avril 2025 dans le diocèse de Rajshahi, lors de la visite des deux symboles des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) au Bangladesh. © Rajshahi Diocesan Youth Commission / Facebook
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Au Bangladesh, une organisation de défense des droits des minorités accuse le gouvernement d’avoir négligé plus de 2 000 crimes et incidents visant les minorités religieuses, depuis la chute de l’ancienne Première ministre Sheikh Hasina en août 2024. Le groupe alerte également sur l’exclusion des voix minoritaires dans les processus de réforme au sein du gouvernement intérimaire, dirigé par l’ancien prix Nobel de la paix Muhammad Yunus.

Lors d’une conférence de presse tenue le 9 juillet à Dhaka, le Bangladesh Hindu Bouddha Christian Oikya Parishad (Conseil d’unité hindou-bouddhiste-chrétien du Bangladesh) a exprimé ses inquiétudes concernant la recrudescence d’attaques ciblées visant les minorités religieuses. L’organisation a comptabilisé 2 442 incidents de violence communautaire à travers le Bangladesh entre le 4 août 2024 et le 30 juin 2025, dont 27 personnes tuées depuis le début de l’année.

La période des incidents répertoriés commence à la chute de l’ancienne Première ministre Sheikh Hasina, destituée en août 2024 à la suite d’une crise politique majeure marquée par des manifestations massives et des accusations de corruption portées contre son gouvernement.

Son départ forcé a conduit à la mise en place d’un gouvernement intérimaire dirigé par le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, chargé de rétablir la stabilité politique dans ce pays à majorité musulmane de 170 millions d’habitants et de préparer la tenue de nouvelles élections. Selon le Conseil d’unité hindou-bouddhiste-chrétien, les attaques communautaires ont donc perduré sous ce gouvernement provisoire.

« Nous avons recensé 2 442 incidents entre le 4 août de l’année dernière et le 30 juin de cette année, impliquant des meurtres, des viols et des viols collectifs, ainsi que des actes de vandalisme contre des lieux de culte, des habitations et des commerces », a déclaré Monindra Kumar Nath, l’un des représentants de l’organisation. La conférence de presse a également fait état d’incendies criminels, de tentatives d’accaparement de terres ou d’éviction, et d’arrestations liées à des accusations de blasphème. Le plus grand nombre d’incidents a été recensé entre le 4 et le 20 août 2024, avec près 2 010 cas sur cette courte période.

« Le gouvernement ferme les yeux sur les actes visant les minorités religieuses »

« L’organisation a critiqué le gouvernement pour avoir, selon elle, politisé les violences communautaires en leur attribuant des étiquettes partisanes, et pour son incapacité à poursuivre les véritables responsables, laissant ainsi les criminels impunis », rapporte le grand quotidien bangladais Prothom Alo. Les défenseurs des droits des minorités ont en effet pointé l’absence de poursuites concrètes à l’encontre des auteurs présumés.

« Le gouvernement ferme les yeux sur les actes d’oppression visant les minorités religieuses, a ainsi dénoncé Neem Chandra Bhowmik. Nous exigeons une enquête juste et approfondie sur ces incidents. » « Plutôt que d’accorder l’attention nécessaire à nos préoccupations, le gouvernement a choisi de les qualifier comme fausses, inventées ou exagérées », a ajouté son collègue Monindra Kumar Nath, affirmant que les accusés « bénéficient d’une impunité ».

Par le passé, le gouvernement de Muhammad Yunus a souvent rejeté ces accusations, affirmant que les crimes contre les minorités étaient politiquement motivés et instrumentalisés par des partisans de la Ligue Awami, le parti de Sheikh Hasina. Ce mardi, les autorités ont néanmoins réagi aux accusations formulées.

Le gouvernement intérimaire a déclaré que la police enquêtait rigoureusement sur chaque incident signalé. « Jusqu’à présent, aucune preuve de violence communautaire n’a été trouvée ; seulement des actes individuels d’agression. Soyez assurés que la police reste pleinement engagée à garantir la sécurité de tous les citoyens, des institutions et des lieux de culte au Bangladesh », a indiqué la cellule de presse du gouvernement. La police a précisé avoir examiné les 27 décès rapportés, ajoutant qu’« aucun de ces décès n’avait de motivation communautaire ».

Au moins 10 % de la population bangladaise appartient à des groupes minoritaires

La chute de Sheikh Hasina, qui tenait son pays d’une main de fer, a créé un vide politique, ouvrant la voie à des tensions communautaires alimentées par la montée de groupes islamistes. Selon les observateurs, la période actuelle de transition est exploitée par des courants radicaux, longtemps réprimés, qui tentent de retrouver leur influence dans la vie du pays.

L’interdiction du plus grand parti islamiste, le Jamaat-e-Islami, a notamment été levée par le gouvernement intérimaire, permettant à ses sympathisants de revenir sur le devant de la scène politique. Dans la vague de libérations des opposants détenus arbitrairement sous le régime de Sheikh Hasina, des individus entretenant des liens avec des groupes extrémistes sont également sortis de prison.

Certains d’entre eux étaient même impliqués dans la série d’attaques sanglantes qui, il y a dix ans, avaient ciblé des blogueurs laïcs, des athées, des minorités et des étrangers. L’épisode le plus violent reste, en 2016, l’assaut du café Holey Artisan Bakery, dans un quartier aisé de Dhaka, par des djihadistes armés, provoquant la mort de 20 personnes, dont 17 étrangers. Aujourd’hui, ces courants radicaux sont notamment soupçonnés de s’en prendre aux minorités religieuses.

Enfin, le Conseil d’unité hindou-bouddhiste-chrétien a critiqué le gouvernement pour avoir exclu les minorités religieuses des commissions de réforme chargées de proposer des mesures contre les discriminations sociales. « Nous constatons que le processus de réforme du gouvernement intérimaire touche à sa fin sans inclure les minorités. C’est profondément frustrant pour elles. Nous voulons pourtant avancer ensemble », a déclaré Nirmal Rozario, l’un des présidents de l’organisation. « Bien qu’au moins 10 % de la population totale appartienne à des groupes minoritaires, le gouvernement n’a pas mis en place de commission dédiée aux minorités religieuses, ni intégré de représentant issu de ces communautés dans les commissions existantes », a souligné pour sa part Monindra Kumar Nath.

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